LA GARANTIE D’INSAISISSABILITÉ - L'Infirmière Libérale Magazine n° 263 du 01/10/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 263 du 01/10/2010

 

FICHE PRATIQUE

Cette garantie, permettant aux libéraux de protéger une partie de leur patrimoine, devrait laisser place début 2011 à la création d’un patrimoine d’affectation incluse dans le statut d’Entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

Garantie pour certaines dettes

Le patrimoine privé de l’entrepreneur individuel n’est pas distinct de son patrimoine professionnel. Dès lors, en cas de condamnation judiciaire, son habitation principale peut être saisi. Voilà pour le principe. Car, depuis la loi dite Dutreil de 2003 et la loi du 4 août 2008, une infirmière libérale peut faire prononcer par un notaire une déclaration d’insaisissabilité de sa résidence principale et de tout bien foncier bâti ou non bâti qu’elle n’a pas affecté à son usage professionnel. La déclaration d’insaisissabilité permet ainsi de protéger ces biens des poursuites des créanciers professionnels pour des dettes liées, bien sûr, à l’activité professionnelle.

Nouvelle protection à venir

Malgré l’avantage que représente en théorie cette garantie, la mesure a été jusqu’à présent peu utilisée. En septembre 2009, seules 12 000 déclarations avaient été enregistrées. C’est pourquoi la nouvelle forme juridique votée par l’Assemblée nationale en février dernier, qui crée l’Entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL), apporte un changement important dans cette possibilité pour le professionnel libéral de protéger ses biens personnels. Avec l’EIRL, on va désormais parler de patrimoine d’affectation.

L’infirmière libérale qui adoptera cette nouvelle forme juridique pourra, dès janvier 2011, séparer le patrimoine du chef d’entreprise entre son patrimoine personnel et son patrimoine professionnel affecté à l’exercice de son activité professionnelle. Elle restera bien propriétaire de ces deux patrimoines. Les biens professionnels constitueront la garantie des créanciers intervenant dans le cadre professionnel et la responsabilité de l’infirmière libérale sera limitée à l’actif ainsi affecté. C’est là la grande nouveauté permise par l’EIRL.

Un patrimoine d’affectation

Quand la déclaration d’insaisissabilité permet seulement de protéger un patrimoine immobilier, c’est l’ensemble des biens mobiliers ou immobiliers qui sera affecté demain au patrimoine personnel. C’est le professionnel qui décidera d’affecter certains de ses biens au patrimoine professionnel.

Le projet de loi adopté en 1re lecture par l’Assemblée nationale le 17 février 2010 prévoit que la déclaration d’affectation est opposable à l’ensemble des créanciers, y compris à ceux dont les droits sont nés antérieurement à son enregistrement. Cette clause contredit ce que prévoyait le projet initial.

Éléments du patrimoine

Pour les libéraux, la constitution du patrimoine affecté résultera du dépôt d’une déclaration effectuée au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel l’activité est exercée. En l’état actuel des informations sur ce nouveau dispositif, il semble que la déclaration devra être accompagnée de divers éléments (état descriptif des biens…) et, notamment lorsque les éléments d’actifs du patrimoine affecté sont d’une valeur supérieure à 30 000 euros, d’un rapport établi par un commissaire aux comptes ou un expert comptable désigné par l’entrepreneur individuel.

Des modalités précises

Le projet de loi prévoit deux choses.

→ Lorsque la valeur déclarée est supérieure à celle proposée par le commissaire aux comptes ou l’expert-comptable, l’entrepreneur individuel est responsable, pour une durée de cinq ans, à l’égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur proposée par le commissaire aux comptes ou l’expert-comptable et la valeur déclarée.

→ Seconde précision : en l’absence de recours à un commissaire aux comptes ou à un expert-comptable, l’entrepreneur individuel est responsable, pour une durée de cinq ans, à l’égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur de la différence entre la valeur réelle du bien au moment de l’affectation et la valeur déclarée.

Avis de l’expert

Richard Renaudin, expert comptable, cabinet Expertis CFE à Nancy, et vice-président du groupement Audecia

« Un dispositif sécurisant »

« Là où il fallait faire inscrire sa résidence principale pour la rendre insaisissable, le professionnel affectera demain certains biens au patrimoine professionnel. Ce nouveau dispositif devrait être plus sécurisant, plus efficace et permettre une meilleure adaptation de la protection en fonction de l’évolution de l’activité professionnelle, ce patrimoine “affecté” pouvant évoluer au cours de la carrière. Mais attention, l’EIRL n’est pas une structure juridique distincte comme l’Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) et n’offre donc pas de personnalité morale propre à l’entrepreneur. »