Autour de l’opération… - L'Infirmière Libérale Magazine n° 263 du 01/10/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 263 du 01/10/2010

 

Cahier de formation

Savoir faire

La prothèse totale de hanche ne nécessite pas de soins particuliers en dehors des suites opératoires, qui se déroulent souvent à l’hôpital ou en centre de rééducation. L’infirmier(ère), en tant que personnel soignant de proximité, joue surtout un rôle de conseil et d’éducation thérapeutique pour ses patients arthrosiques, afin de prévenir les complications et d’optimiser la durée de vie de la prothèse.

Mme D., 65 ans, souffre de sa hanche. Elle marche difficilement, boite, et hésite de plus en plus à sortir de chez elle…

Cette patiente doit consulter son médecin traitant, qui l’enverra certainement chez un rhumatologue. Celui-ci fera un bilan complet de l’état de sa hanche, établira un diagnostic, et l’orientera si nécessaire vers un chirurgien orthopédique. Elle ne doit pas attendre, car sa douleur peut engendrer une baisse de son état général (conséquences psychologiques, baisse d’activité), alors qu’il existe des solutions, médicales ou chirurgicales, pour la soulager.

PARTICIPER À LA PRÉVENTION

Consulter tôt

S’il n’est pas possible aujourd’hui de faire régresser l’arthrose, il est en revanche possible de freiner son évolution. Consulter un rhumatologue de façon précoce, dès les premières douleurs, permettra d’établir un diagnostic et de modifier des comportements délétères. Si les patients victimes de maladies inflammatoires chroniques telles que la polyarthrite rhumatoïde font généralement l’objet d’un suivi, les personnes souffrant d’arthrose primitive ne vont pas forcément consulter.

Rester actif

Il ne faut pas cesser ses activités physiques à cause des douleurs arthrosiques. Au contraire, il est nécessaire de s’attacher à maintenir une activité régulière pour retarder l’évolution de la maladie. Il est toutefois conseillé de laisser sa hanche au repos au moment des poussées inflammatoires, en réduisant temporairement son activité ou en s’aidant de cannes pour marcher. Il faut également éviter les stations debout prolongées ou les longs temps de piétinement. Le port de chaussures à semelles épaisses et élastiques permet d’amortir les chocs lorsque le cartilage est abîmé.

Envisager la chirurgie avec optimisme

Lorsque la douleur et l’impotence deviennent particulièrement difficiles à supporter, il est important de dire à ces patients qu’il existe une solution chirurgicale à leur problème, et qu’elle donne d’excellents résultats. Il faut dédramatiser cette intervention, d’apparence lourde, mais qui est presque devenue une opération de routine. Comme tout geste chirurgical, elle n’est pas dénuée de risques, mais ceux-ci sont relativement connus et maîtrisés, surtout lorsque l’opération est réalisée par un chirurgien expérimenté.

Marie-Pascale Brusson, porteuse de luxation congénitale de hanche, se souvient encore du soupir de son chirurgien lorsqu’elle était enfant, et du verdict : « Vous n’échapperez pas à une prothèse, mais le plus tard sera le mieux. » Pour elle, cette image négative de la PTH est dépassée, elle doit au contraire être présentée comme une excellente solution fonctionnelle à la dégradation de la hanche.

LES PRÉCAUTIONS PÉRI-OPÉRATOIRES

Prévenir les infections

Afin d’écarter tout risque d’infection osseuse, le chirurgien orthopédiste demande généralement d’effectuer un panoramique dentaire et de faire établir par un dentiste un certificat d’absence de signe d’infection. De la même façon, il sera nécessaire de pratiquer un examen cytobactériologique des urines au cours des jours précédant l’intervention. Des infections ORL ou dermatologiques seront également des causes de report d’intervention.

Suivi post-chirurgical classique

La plupart du temps, le patient rentre chez lui à la fin de l’hospitalisation. Il est possible qu’il parte en maison de convalescence en fonction de son âge, de son état général et de son environnement social. Le drain est généralement retiré avant la sortie de l’hôpital. L’infirmier(ère) libéral(e) appelé(e) chez une personne venant d’être opérée d’une PTH devra principalement surveiller la cicatrice jusqu’à ablation des fils ou agrafes. Les traitements initiés dès l’intervention pourront être poursuivis à domicile : antalgiques, anticoagulants (pour éviter la phlébite) et antibiotiques. Il faudra également s’assurer de la bonne observance de ces médicaments selon le besoin et la prescription.

LA RÉÉDUCATION

Utile mais pas indispensable

La nécessité d’une rééducation est controversée. Elle dépend fortement de la technique chirurgicale et de la voie d’abord. Certains chirurgiens prescrivent des séances de kinésithérapie pendant deux à trois mois. D’autres considèrent que, hormis les cas où le patient est alité plusieurs semaines pour des raisons particulières, la marche constitue à elle seule un exercice suffisant pour remettre en route les différents acteurs de l’articulation. Là aussi, tout dépend de l’âge du patient, de son dynamisme et de son entourage. La reprise d’appui permet également de mobiliser la trame osseuse pour qu’elle se reconstitue autour des implants.

Rester prudent pendant les trois premiers mois

Dans tous les cas, durant les deux à trois premiers mois, la hanche ne doit pas être considérée comme pleinement fonctionnelle, les tissus mous environnants devant retrouver leur pleine fonction. Il est souvent nécessaire de modérer le patient, car celui-ci, enfin débarrassé de la douleur et de la perte de mobilité qui le handicapaient, se sent pousser des ailes et en oublie les règles de prudence. Certains patients ont besoin de reprendre confiance progressivement : ils reprendront petit à petit leurs activités et continueront à se servir d’une canne pendant quelques mois. Peu importe, au regard des vingt ou trente ans de vie commune qu’ils démarrent avec leur prothèse…

PRÉVENIR LA LUXATION

Une complication rare mais sérieuse

→ Le taux de luxation sur PTH est mal connu. En dehors des premières semaines, la luxation, surtout si elle récidive, est le signe que les implants ont été mal positionnés ou qu’ils sont mal adaptés à l’anatomie du patient.

→ Les signes de luxation sont une douleur intense, une impotence complète et un raccourcissement de la jambe. La réduction devant se faire sous anesthésie, il faut donc rapidement appeler des secours pour conduire la personne à l’hôpital, si possible auprès du chirurgien qui lui a placé sa prothèse. Ne jamais essayer de réduire une luxation de prothèse, car il y a un risque de séquelles neurologiques. Outre le préjudice subi par le patient, la responsabilité professionnelle pourrait être engagée.

→ En cas de luxations récidivantes, le chirurgien sera amené à réintervenir pour modifier la prothèse (réorientation de l’implant acétabulaire, mise en place d’une tête de plus gros diamètre ou d’un cotyle à double mobilité, par exemple).

Les bons gestes de prévention

Il faut connaître les attitudes à adopter pour prévenir la luxation. Elles sont différentes en fonction de la voie d’abord. La plupart des cliniques et des hôpitaux éditent des livrets regroupant les conseils adaptés au type d’intervention. Pour les voies postérieures, qui sont les plus courantes en France, le patient doit éviter les mouvements trop importants en flexion et en rotation interne durant les premières semaines.

→ Concernant la flexion (lorsque le genou remonte vers la poitrine ou, à l’inverse, lorsque le torse se plie vers le bas), attention aux objets à ramasser par terre. Le port de chaussures sans lacets est conseillé, et il faudra se faire aider dans les premiers temps pour enfiler des chaussettes ou se couper les ongles des orteils. Il est important de privilégier les chaises hautes aux fauteuils bas et profonds, et la douche à la baignoire. Si la cuvette des toilettes est basse, il sera utile de la surélever.

→ Concernant la rotation interne, la position des jambes croisées est vraiment à proscrire. Le patient devra dormir sur le dos, avec un coussin entre les jambes.

→ Attention également à la mise en place d’un bassin sous une personne alitée : la hanche est alors en extension et, dans ce cas, c’est la rotation externe qui est dangereuse. Il faudra donc positionner le pied en dedans au moment où le bassin est glissé sous les fesses de la patiente.

Avant d’opérer, les traitements

→ Traitements symptomatiques : antalgiques et anti-inflammatoires non stéroïdiens (voie orale ou locale); corticoïdes (infiltration).

→ Traitements spécifiques de l’arthrose : aussi appelés médicaments symptomatiques d’action lente. Ils ont un effet retardé de plusieurs semaines. Ils visent à enrayer l’évolution pathologique du cartilage :

– Art 50®, Zondar®, extraits de plante ;

– Chondrosulf®, Structum®, extraits de cartilage ;

– Piasclédine®, extraits de soja et d’avocat.

Point de vue…

« Associer les infirmiers à l’éducation thérapeutique »

Philippe Lebourg, infirmier libéral, Brest (29)

« On fait rarement appel à nous pour des personnes venant de recevoir une PTH. En effet, lorsqu’elles sortent de l’hôpital, leur cicatrice est déjà refermée et ne nécessite plus de soins. Surtout lorsqu’elles passent en centre de convalescence entre l’hôpital et la maison… En revanche, parmi les personnes âgées que nous soignons, beaucoup sont porteuses d’une PTH. Mais nous abordons rarement ce sujet avec elles, car le résultat est tellement bon qu’elles n’y pensent plus ! Les personnes opérées il y a de nombreuses années connaissent assez bien les conseils de prévention : ce sont elles qui nous rappellent, à l’occasion, de ne pas faire d’intramusculaire dans la fesse. Cependant les nouveaux opérés restent beaucoup moins longtemps à l’hôpital ou en clinique et ont moins le temps de s’imprégner de ces messages. Nous avons donc un rôle d’éducation thérapeutique à jouer auprès d’eux. Malheureusement, après notre sortie de l’école, nous n’avons plus d’information ni de formation sur ce sujet. Il serait intéressant que les hôpitaux ou les centres de rééducation nous associent à la démarche de prise en charge globale de ces patients. »

En chiffres

→ En France, chaque année, une femme sur trois et un homme sur six âgés de moins de 90 ans se fracturent le col du fémur.

→ Entre 12 et 20 personnes sur 100 décèdent dans l’année qui suit cette fracture.

Source : Inserm, 2008.

Point de vue…

« Objectif : retrouver la pleine fonctionnalité de la hanche »

Isabelle Quillivic, kinésithérapeute, Centre de rééducation Perharidy, Roscoff (29)

« Les patients restent au centre trois à quatre semaines en général. La rééducation repose sur des objectifs fonctionnels. Ces personnes opérées de la hanche doivent pouvoir reprendre leurs activités quotidiennes : marcher sans boiter, conduire, jardiner, faire leur ménage, reprendre leur emploi… Nous travaillons sur la récupération de la mobilité articulaire et sur la force musculaire, qui a été réduite par l’intervention, mais aussi et surtout par les années d’arthrose où le patient était handicapé par sa hanche. Le muscle le plus important à rééduquer est le moyen fessier, car il stabilise la hanche au cours de la marche et évite la boiterie. Le travail porte donc sur des mouvements d’abduction (pour des patients opérés par voie postérieure). Les autres muscles à tonifier sont le quadriceps et le grand fessier, qui aident en particulier à monter les escaliers. Nous travaillons en coordination avec les ergothérapeutes, qui prodiguent des conseils pratiques (comment ramasser un objet à terre, comment se lever du lit…). La plupart de nos patients ont un excellent moral car, malgré les petits tracas liés à l’intervention, ils revivent enfin sans douleur après de longues années de souffrance et d’impotence. Ils apprécient donc plutôt bien ce séjour pendant lequel ils bénéficient de soins (kiné – et physiothérapie) et d’activités sportives (piscine, vélo) dans un cadre reposant et agréable. »