Le contentieux du contrôle technique - L'Infirmière Libérale Magazine n° 261 du 01/07/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 261 du 01/07/2010

 

JURIDIQUE

Votre cabinet

Trop peu connu, le contentieux du contrôle technique de la Sécurité sociale concerne toutefois chaque année davantage d’infirmières libérales.

Le contentieux du contrôle technique de la Sécurité sociale est un contrôle qui vise à réprimer les fautes, abus, ou fraudes et tous faits intéressant l’exercice de la profession, relevés à l’encontre des professionnels de santé, à l’occasion des soins dispensés aux assurés sociaux. Il s’agit d’un contentieux disciplinaire particulier, confié à une juridiction spécialisée, la Section des assurances sociales (cf. encadré).

Organisation des juridictions

Les Sections des assurances sociales sont présidées par des magistrats professionnels issus des juridictions administratives. Elles comprennent un nombre égal d’assesseurs issus de l’Ordre des infirmiers et d’assesseurs représentants les organismes de Sécurité sociale. Toutes ces personnes sont astreintes au secret professionnel (selon l’article R.145-27 du Code de la Santé publique, CSP).

Nature des manquements

L’article 145-1 du CSP ne mentionne pas de liste limitative des manquements susceptibles d’être sanctionnés. Mais citons quelques exemples issus de la jurisprudence : méconnaissance de la Nomenclature générale des actes professionnels, surcotation d’actes, facturation d’actes non cotables, falsification de prescriptions médicales, facturation d’actes non réalisés ou non effectués personnellement…

Une enquête, malheureusement non contradictoire, est menée par des agents assermentés auprès des patients de l’infirmière et/ou de leur famille. L’activité de l’infirmière est examinée de près et les feuilles de soins font l’objet d’une analyse détaillée. À noter toutefois que des poursuites ne peuvent être engagées que pendant les trois années suivant les faits.

La plainte

Selon les articles R. 145-17 et R. 145-18 du CSP, la Section des assurances sociales est saisie, par lettre recommandée, par :

→ les organismes d’Assurance maladie ;

→ les caisses de mutualité sociale agricole ;

→ les autres organismes assureurs ;

→ les syndicats ;

→ les conseils départementaux de l’ordre des infirmiers ;

→ les directeurs régionaux des affaires sanitaires et sociales ;

→ les chefs de service régionaux de l’inspection du travail ;

→ le médecin conseil national, les médecins conseils régionaux et les médecins conseils chefs des services du contrôle médical du ressort de chaque circonscription de la caisse primaire d’Assurance maladie.

Les présidents des sections des assurances sociales peuvent rejeter une requête ne relevant manifestement pas de la compétence de leur juridiction.

L’infirmière poursuivie peut se faire assister ou représenter par un de ses collègues ou par un avocat (R. 145-20 du CSP).

Quant aux organismes sociaux, ils peuvent l’être par l’un de leurs administrateurs, ou par leur représentant légal, par un avocat ou par un praticien conseil, et les syndicats par leur représentant légal, par un avocat ou par un membre de la profession muni d’un mandat régulier.

Si la Section des assurances sociales de première instance saisie ne s’est pas prononcée dans un délai d’un an à compter de la réception de la plainte, les requérants peuvent saisir la section des assurances du conseil national.

Les sanctions encourues

Les sanctions susceptibles d’être prononcées par les sections des assurances sociales sont :

→ l’avertissement ;

→ le blâme, avec ou sans publication ;

→ l’interdiction temporaire ou permanente, avec ou sans sursis, du droit de donner des soins aux assurés sociaux avec publication ;

→ dans le cas d’abus d’honoraires, le remboursement à l’assuré du trop perçu ou le reversement aux organismes de Sécurité sociale du trop remboursé, même s’il n’est prononcé aucune des sanctions prévues ci-dessus.

La décision qui ordonne une interdiction de donner des soins doit être publiée. Pour les autres sanctions, la publication du jugement n’est faite que si la juridiction l’a expressément prévue.

L’avertissement et le blâme entraînent la privation du droit de faire partie du conseil départemental, régional, interrégional et national de l’Ordre des infirmiers pendant une durée de trois ans. Les autres sanctions entraînent la privation de ce droit à titre définitif.

L’interdiction de donner des soins aux assurés sociaux est une sanction très lourde. En effet, l’infirmière ne peut pas continuer son activité libérale pendant la durée de la sanction. Elle ne peut pas se faire remplacer. Elle ne peut pas non plus travailler en tant qu’infirmière salariée dans un établissement. En revanche, elle peut exercer en qualité de garde-malade, par exemple, ou toute autre activité qui ne donne pas lieu à des remboursements par l’Assurance maladie.

Toutefois, l’infirmière frappée d’une sanction définitive d’interdiction permanente du droit de dispenser des soins peut en être relevée, après un délai de trois ans suivant la sanction, de l’incapacité. Et ce, par une décision de la chambre disciplinaire de première instance qui a prononcé la sanction.

Si la demande a été rejetée après examen, elle ne pourra être représentée qu’après un nouveau délai long de trois années.

Appel et recours

Les décisions – qui doivent être motivées (Conseil d’État 23 avril 1997) – sont notifiées aux parties par lettre recommandée dans les quinze jours de leur prononcé (R.145-24 du CSP). Un appel peut être formé par les différentes parties dans les trente jours de cette notification. Cet appel est suspensif, la sanction décidée en première instance ne sera donc pas appliquée en attendant la décision définitive. Toute décision prise en appel par la chambre nationale peut faire l’objet d’un recours en cassation devant le Conseil d’État.

Si, dans un délai de cinq ans à compter de la notification à l’infirmière de la décision définitive prononçant une interdiction de donner des soins assortie du sursis, la juridiction prononce une nouvelle sanction d’interdiction temporaire ou permanente, avec ou sans sursis, elle peut décider que la sanction précédemment assortie du sursis devient exécutoire en plus de cette nouvelle sanction. Si, dans ce même délai, l’infirmière n’a commis aucune nouvelle sanction, la sanction assortie de sursis sera considérée comme non avenue.

Sanctions disciplinaires et pénales

Les infirmières peuvent aussi être poursuivies devant les juridictions disciplinaires de l’Ordre pour les mêmes faits. Surcotation, facturation d’actes fictifs sont des actes contraires à la probité. Toutefois, les sanctions prononcées par ces deux types de juridictions disciplinaires ne sont pas cumulables lorsqu’elles ont été prononcées pour les mêmes faits. La sanction la plus lourde est mise à exécution. De plus, nombre de ces faits peuvent également être qualifiés de délits. Les poursuites disciplinaires et les poursuites pénales demeurent indépendantes. Une infirmière peut donc être condamnée par ses pairs et se retrouver aussi devant un tribunal correctionnel.

Les membres de la section des assurances sociales qui auraient jugé une infirmière ne peuvent siéger en qualité de membres de la chambre disciplinaire saisie des mêmes faits.

SAS Une juridiction spécialisée

La Section des assurances sociales est une section de la chambre disciplinaire de première instance des Ordres (premier degré d’examen de la plainte) et de la chambre disciplinaire du Conseil national des Ordres (examen de l’appel de la décision de premier degré). Elle est chargée du contentieux du contrôle technique. Tous les Ordres des professionnels de santé et paramédicaux sont concernés : infirmiers, médecins, chirurgiens, dentistes, sages-femmes, pharmacien, etc.