La pilule passe mal - L'Infirmière Libérale Magazine n° 261 du 01/07/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 261 du 01/07/2010

 

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CONTRACEPTION > La liste des contraceptifs oraux que les infirmiers peuvent renouveler est parue le 1er juin. Déjà taclée par l’Ordre des médecins, la mesure souffre d’un sérieux manque d’encadrement…

La liste des contraceptifs que les pharmaciens et les infirmières sont autorisés à renouveler rend effectif l’article 88(1) de la loi HPST. Les infirmières, dont celles qui exercent en milieu scolaire ou en PMI (Protection maternelle et infantile), pourront le faire pour une durée maximale de six mois non renouvelables, à condition que la prescription date de moins d’un an. La mesure, fixée par un arrêté du 25 mai (Journal officiel du 1er juin), concerne l’ensemble des contraceptifs oraux commercialisés.

Un choix étonnant pour Françoise Tourmen (lire aussi page 25), vice-présidente de l’Association française pour la contraception (AFC) : « La liste inclut d’emblée tous les produits, même les plus récents, mais toujours pas les patchs ni les anneaux vaginaux alors qu’on a dit vouloir sortir du tout-pilule. »

Absence de protocole

Le manque de cadre pour l’application de cette mesure inquiète les syndicats infirmiers. Pour Annick Touba, présidente du Sniil(2), « le principe est bon mais une nouvelle compétence sans rien autour, c’est incohérent. Il faudrait mettre en place une traçabilité, une coordination avec le médecin car c’est une responsabilité juridique ». La cotation et la rémunération ne sont pas prévues, ni la formation continue. « Or, à part les infirmières de PMI ou scolaires, peu nombreuses sont celles qui pratiquent le sujet au quotidien. »

Vers un flop ?

Pour la Fédération nationale des infirmiers (FNI), le manque de concertation avec les professionnels condamne cette nouvelle mesure à l’échec. Le syndicat parle de « flop » et estime dans un communiqué du 4 juin que « tous les doutes sont permis quant à l’appropriation par les infirmières libérales de cette autorisation de renouvellement de prescription instaurée en dehors du cadre conventionnel ». Premières concernées, les infirmières scolaires aussi sont dans l’attente d’un cadre. « Nous sommes capables d’élargir nos compétences mais nous ne le ferons pas sans un protocole, un décret d’application pour cadrer la mise en place », prévient Sandy Cariat, infirmière en milieu scolaire et secrétaire académique du Snics-FSU(3).

Le Cnom contre-attaque

Dès la parution de la liste, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) a émis une circulaire demandant aux prescripteurs d’indiquer sur l’ordonnance, dès qu’ils l’estimeront nécessaire, la mention “non renouvelable”. Réitérant ses réserves sur ces « dispositions susceptibles de faire courir des risques aux patientes », l’instance s’inquiète maintenant que la liste fixée comprenne tous les contraceptifs oraux, « y compris ceux qui ont des indications très particulières et nécessitent une prise en charge spécifique ».

Pour Françoise Tourmen, le risque doit être relativisé. « Cette mention se justifie bien sûr pour les prescriptions à but thérapeutique, mais, en pratique, elles sont rares. » L’AFC, comme les associations de droit à l’IVG ou encore le MFPF (Mouvement français pour le planning familial) déplorent par communiqué de presse commun la position « rétrograde et irresponsable » du Cnom, l’accès plus facile à la contraception étant une mesure indispensable pour éviter les grossesses non désirées. Une position tempérée par Françoise Tourmen : « Pour un accès sécurisé, il faut que les professionnels s’emparent de cette mesure. Je rejoins là l’inquiétude des professionnels : un protocole et une formation adéquate devraient être mis en place. »

(1) Références textes : article L. 4311-1 du Code de la Santé publique, article L. 162-16 du Code de la Sécurité sociale, modifiés par la loi HPST n° 2009-879 du 21 juillet 2009-article 88.

(2) Syndicat national des infirmiers et infirmières libérales.

(3) Syndicat national des infirmiers conseillers de santé.