S’échapper du cliché - L'Infirmière Libérale Magazine n° 259 du 01/05/2010 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 259 du 01/05/2010

 

BANLIEUE

L’exercice au quotidien

Banlieue sensible, quartiers difficiles… Nombre de libérales rechignent à s’installer en Seine-Saint-Denis. Mais Raymond Pineau, qui exerce à Bobigny depuis plus de trente ans, bat en brèche quelques idées reçues.

« Je suis un provincial de naissance. J’ai fait mes études d’infirmier à Bobigny un peu par hasard. Une fois diplômé, j’ai traversé la rue pour prendre un poste à l’hôpital franco-musulman, aujourd’hui CHU Avicenne. Mais, à force de travailler comme trois pour être payé comme un, j’en ai eu assez… Une amie infirmière qui vivait dans une tour au centre de Bobigny m’a encouragé à m’installer, alors que tout le monde me disait qu’un homme en libéral avait peu de chances d’avoir du travail… Cela fait trente-cinq ans que je suis sur le terrain de Bobigny et non seulement je n’ai jamais manqué de travail – la demande de soins est même énorme – mais en plus aucun collègue n’a jamais subi la moindre agression sur la ville à ma connaissance. Et je les connais à peu près tous, car la plupart ont débuté dans le cabinet paramédical que j’ai ouvert en 1974 avec deux autres paramédicaux. En général, ici, les gens, même les jeunes, respectent le caducée. Et puis, à un moment ou un autre, nous les avons quasi tous soigné. Notre cabinet, il est vrai, a quelques fois été cambriolé et on nous a volé un écran d’ordinateur : mais, franchement, où cela n’arrive-t-il pas ? Contrairement à ce qu’on peut croire, les gens ne s’ignorent pas les uns les autres en banlieue. Certes, nous ne sommes pas la ville la mieux cotée, notamment en termes de sécurité, ce qui peut sans doute freiner les collègues qui voudraient s’y installer. D’ailleurs, il y a quelque temps, on voulait recruter pour renforcer le cabinet. Une infirmière était intéressée par l’offre mais craignait un peu de venir dans le 93. Pour la rassurer, j’ai travaillé en binôme avec elle pendant plusieurs jours, et elle s’est rendu compte qu’il n’y avait aucun problème. Du coup, elle est restée.

C’est vrai que la ville souffre d’une mauvaise image, mais cette réputation n’est pas toujours justifiée. On entend souvent parler dans les médias de Bobigny aux travers des affaires qui passent devant le tribunal de grande instance, mais celui-ci juge l’ensemble des crimes et délits qui se sont déroulés sur les quarante villes du département et pas exclusivement à Bobigny. Bref, il faut se méfier de l’effet de loupe… »

Avis d’un élu local

« Venez travailler en Seine-Saint-Denis ! »

Pierre Laporte, vice-président du Conseil général de la Seine-Saint-Denis, maire adjoint aux affaires sociales de Tremblay-en-France

« Ce témoignage dresse un tableau réaliste de la situation. Des risques peuvent exister, mais il y a surtout du respect pour les professionnels du soin. J’invite donc les soignants à venir travailler en Seine-Saint-Denis ! D’une part, il y a du travail car certains territoires deviennent des déserts médicaux et paramédicaux et, d’autre part, parce que la population et les villes sont plus diverses qu’on ne les imagine. Et puis les personnes les plus défavorisées sont celles qui ont le plus besoin de ces professions. Des communes ont d’ailleurs mis en place des dispositifs pour faciliter l’installation de soignants libéraux ; ce que ne peuvent pas faire les collectivités plus modestes. D’autres mesures devraient être initiées, notamment par l’État, pour favoriser leur venue. »