Un réseau d’infirmiers libéraux interdit d’exercer | Espace Infirmier
 
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18/10/2022

Un réseau d’infirmiers libéraux interdit d’exercer

La chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des infirmiers a rendu mi-septembre, une décision actant l’interdiction d’exercer d’un infirmier à l’origine de la création d’un réseau d’infirmiers libéraux. Le point sur cette affaire qui rappelle l’impossibilité pour les Idels d’exercer leur métier comme un commerce.  

« J’ai été contacté il y a six ans environ par un groupe d’infirmières libérales (Idels) organisées en collectif, m’informant de l’émergence de réseaux d’infirmiers sur leur territoire, générateur d’une captation de patientèle », raconte Maître Arnaud de Lavaur, avocat au barreau de Paris. Face à cette crainte, le collectif a décidé de porter plainte en 2018 devant le Conseil départemental de l’Ordre des infirmiers (CDOI). La plainte portait principalement sur le fait que le réseau achetait de la publicité sur Internet pour se faire connaître et qu’il pratiquait une concurrence déloyale vis-à-vis des autres cabinets. « Nous voulions aussi dénoncer l’exercice forain, car le fondateur de ce réseau avait à l’époque entre 50 et 80 collaborateurs sur seulement deux sites distincts », précise l’avocat. À la suite de cette première plainte, « nous avons été déçus de la décision du CDOI, qui a simplement adressé, en septembre 2019, un avertissement au fondateur du réseau, rappelant que le référencement payant n’était pas autorisé, rapporte Maître de Lavaur. Mais comme il n’y a pas d’organe de contrôle, il a continué sa pratique. »  

Deuxième round

À la suite de cette première décision, une ancienne collaboratrice de ce réseau a contacté le cabinet de Maître de Lavaur. « Elle était en conflit avec le titulaire et a souhaité nous partager des informations sur le fonctionnement interne de ce réseau, et porter plainte pour divers manquements déontologiques devant le CDOI », raconte Maître de Lavaur.

La plainte a été déposée le 23 octobre 2018. Cette fois-ci, l’argumentaire de l’avocat a principalement reposé sur le fait que le réseau est tenu par un seul associé/titulaire, exerçant avec environ 80 collaborateurs. « Selon nous, le fait qu’un seul associé travaille avec un si grand nombre de collaborateurs peut s’apparenter à la gestion d’une entreprise, soutient-il. Or, il est inscrit dans le Code de santé publique, que la profession d'infirmier ne doit pas être pratiquée comme un commerce. » L’avocat a aussi soutenu que cette activité donnait lieu à du partage d’honoraires étant donné que le titulaire du cabinet n’exerçait qu’accessoirement le métier d’infirmier. Or, sauf exception, notamment pour la mise en œuvre du Bilan de soins infirmiers (BSI), le Code de santé publique l’interdit, car il n’est pas possible de s’enrichir sur le travail de quelqu’un d’autre. En mars 2020, la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre infirmier a rendu ses conclusions et acté la radiation du gérant du réseau et de sa SELARL. Le gérant ayant fait appel, la décision a été suspensive, jusqu’à celle rendue par la Chambre disciplinaire nationale de l’Ordre le 12 septembre 2022, qui a confirmé la radiation de l’infirmier et de son entreprise.  

L’analyse de l’Ordre infirmier

Comme l’explique la direction de l’Ordre infirmier, la décision de la chambre disciplinaire rappelle que la collaboration est une communauté de proximité créée « entre le titulaire exerçant de manière effective la profession et les collaborateurs en vue d’envisager, à terme, leur accession au statut d’associés ou afin que les collaborateurs puissent créer leur propre cabinet », ce qui n’était pas le cas dans l’affaire jugée. Toutefois, le juge disciplinaire a estimé qu’il n’était pas compétent pour édicter une limitation au nombre de collaborateurs car cela relève d’une modification du droit. Par ailleurs, il ressort de la décision que le comportement du titulaire, et de sa société, a dépassé les limites de l’exercice de la profession d’infirmier et qu’elle a été gérée comme un commerce. De plus, la chambre disciplinaire nationale a reconnu que le montant de la redevance exigé pour chaque collaborateur devait être regardé comme un partage d’honoraires car le titulaire ne participe pas aux charges du cabinet pour sa part de titulaire et que son montant est indifférent des charges annuelles.

L’infirmier condamné, qui n’a pas souhaité donner suite à notre demande d’interview, a toutefois précisé à Espace Infirmier se pourvoir en cassation devant le Conseil d’État.

Laure Martin

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