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Infirmière libérale dans le Gard, Marion Sojka s’est formée pour devenir sexologue. Une compétence qu’elle déploie notamment dans le cadre de son exercice infirmier.
D’OÙ VIENT VOTRE INTÉRÊT POUR LA SEXOLOGIE ?
J’ai toujours été intéressée par la santé sexuelle et je ne comprends pas que le sujet ne soit pas abordé pendant nos études en soins infirmiers alors que cela fait partie du bien-être global de la personne et de ses besoins (pyramide de Maslow). Pour mon mémoire, j’avais décidé de m’intéresser à la prise en compte de la sexualité des personnes âgées en Ehpad. Mais mon sujet n’a pas été bien accueilli par mes formateurs qui n’en ont pas compris l’intérêt. Les personnes âgées sont souvent infantilisées. On oublie qu’elles ont eu une vie sexuelle. Aujourd’hui, ce sujet fait encore l’objet de railleries.
J’ai appris pendant un cours de mon Diplôme interuniversitaire sur le suivi du patient diabétique l’importance de repérer une insuffisance érectile chez un patient diabétique car c’est prédictif, à 3 ans, de problèmes cardiaques ou vasculaires en périphérie. De fait, lors d’une réunion pluridisciplinaire, j’ai évoqué l’idée de poser la question aux patients concernés. Tout le monde a ri, une réaction qui démontre combien la thématique est encore taboue, notamment parce qu’elle heurte nos propres représentations de la sexualité. Il faut parvenir à faire barrière mais comme la plupart des professionnels de santé n’ont pas suivi de formation, il leur est difficile d’adopter une position neutre.
VOUS AVEZ D’AILLEURS FAIT LE CHOIX DE VOUS FORMER À CETTE DISCIPLINE…
Effectivement, il y a 4 ans, lorsque j’ai constaté qu’à l’échelle des politiques publiques, la santé sexuelle était davantage intégrée dans le suivi des patients, j’ai souhaité me former. C’était aussi en réponse à la demande de mes patients qui me posaient des questions en lien avec la sexualité pour lesquelles je n’avais pas les réponses.
Je me suis donc inscrite au DIU de sexologie clinique porté par les Universités de Marseille et de Nîmes. Il requiert un important investissement car il se déroule sur 3 ans (217 heures). Nous abordons toutes les dimensions de la sexualité à savoir la psychologie, l’anatomie, la clinique, la physiologie ou encore la santé sociale. J’ai réalisé mon mémoire sur l’abord de la sexualité par les professionnels de santé intervenant dans les programmes d’éducation thérapeutique du patient (ETP) en lien avec le diabète et les maladies cardio-vasculaires afin de voir ce qui était proposé aux patients sur cette question. Sur 20 programmes proposés dans le Gard, un seul aborde la sexualité des patients. J’ai proposé à plusieurs porteurs de projets de créer des fiches sur la santé sexuelle mais ils n’ont pas été intéressés et ont reconnu être gênés d’en parler. D’autres n’ont pas le temps ou les personnes-ressources pour aborder la thématique. Si elle était évoquée en formation initiale, ce serait plus naturel pour les soignants d’en parler. Cela me pose d’autant plus question que l’objectif de l’ETP est de prendre en charge le patient dans sa globalité. La sexualité ne devrait donc pas être exclue de ces programmes. Les professionnels de santé devraient, a minima, poser la question de la sexualité et orienter les patients vers un réseau ou des experts. Aujourd’hui, en libéral, la mise en relation est facilitée avec l’existence des CPTS et des MSP.
DE QUELLE MANIÈRE UTILISEZ-VOUS VOS COMPÉTENCES DANS VOTRE PRATIQUE ?
Au sein de ma MSP, nous organisons des permanences pour les bilans de prévention. Généralement, je reçois les patients qui souhaitent aborder des questions en lien avec la sexualité, notamment des femmes qui veulent parler de la préménopause, du papillomavirus humain et de la vaccination, de douleurs au niveau du vagin (vaginisme/dyspareunie), de moyens de contraception, etc. Je peux échanger avec elles lorsque cela relève de mes compétences ou les orienter vers d’autres professionnels de santé. Par ailleurs, une collègue infirmière à Toulouse qui a reçu une subvention via un appel à projet porté par l’URPS Infirmiers Occitanie pour le financement d’une séance en lien avec la sexualité à la suite d’un bilan de prévention. De même que dans sa MSP, les professionnels de santé ont monté un projet d’ETP sur le thème « cancer et sexualité ». J’aimerais pouvoir faire de même au sein de ma structure. Enfin, dans le cadre de la loi infirmière, actuellement en examen au Parlement, la consultation infirmière devrait nous être reconnue. Ce sera un moyen pour aborder les questions en lien avec la sexualité car nous aurons davantage de temps financé à consacrer à nos patients. Cette reconnaissance est une belle avancée pour nous.
En parallèle de mon cabinet infirmier, j’en ouvre un autre pour mon activité de sexologue, car l’Ordre infirmier n’autorise pas les infirmiers à inscrire, sur la même plaque, ces deux compétences. Il serait selon moi pertinent de pouvoir les associer, ne serait-ce que pour le suivi de nos patients. À titre d’exemple, lorsque je reçois un patient dans le cadre de son bilan de prévention, je ne peux pas lui proposer de deuxième entretien pour approfondir certains points. Je dois lui donner une liste de sexologues sans pouvoir l’orienter vers mon cabinet. Pourtant, faciliter les échanges sur cette question est essentiel car parler de santé sexuelle permet par exemple de prévenir les violences sexuelles, d’agir sur la réduction des risques de consommation d’alcool et de drogue dans les pratiques sexuelles (Chemsex). Avoir le temps de demander à quelqu’un comment il se sent dans sa vie sexuelle permet de délier les langues. C’est un enjeu de santé publique et d’éducation.
Propos recueillis par Laure Martin
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