« Que boivent les Français ? », une enquête du Crédoc financée par Coca-Cola France à prendre avec des pincettes | Espace Infirmier
 
11/09/2008

« Que boivent les Français ? », une enquête du Crédoc financée par Coca-Cola France à prendre avec des pincettes

Les Français ne boivent pas assez ! Telle est la conclusion d’une enquête réalisée par le Crédoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) en 2007 et dont les résultats ont été présentés lors des Entretiens de Bichat, mardi, à Paris.

Les apports hydriques, nécessaires à l’organisme humain, se trouvent essentiellement dans les boissons (70% à 80%) et dans une bien moindre mesure, dans les aliments (20 à 30%).

« Toutes les boissons participent à l’hydratation », a rappelé le docteur Philippe Eckart, pédiatre néphrologue au CHU de Caen, présent lors de la présentation de l’enquête à Bichat. L’eau bien sûr, mais également les boissons lactées, chaudes, alcoolisées ou encore les sodas comme le recensait cette étude commandée et financée par… Coca-Cola France !

Si les besoins hydriques varient beaucoup en fonction des individus, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a récemment proposé des valeurs repères, à savoir 2 à 2,5 litres d’eau par jour, dont au minimum 1,5 litre provenant des boissons.

L’étude du Crédoc montre que, tous âges confondus, seule une minorité de Français atteint ces recommandations. Mais la tranche d’âge qui en est le plus éloignée est celle des adolescents, entre 12 et 19 ans. En 2007, seuls 13% d’entre eux atteignaient les recommandations.

Les chiffres montrent que les personnes qui boivent suffisamment sont celles qui varient le plus les boissons qu'ils consomment. La monotonie en matière de boisson comme en d'autres, conduit à la lassitude et à une moindre consommation, a observé le Dr Modaï, médecin nutritionniste à Paris qui coprésentait l’étude Crédoc-Coca-Cola France mardi.

Et voilà pourquoi, chez les enfants qui n’ont pas de problème de surpoids, « la stigmatisation de certains produits tels que les sodas, réputés riches en sucre et mauvais pour la santé, est inutile, voire néfaste », a expliqué Pascale Modaï… invitée à commenter l’étude aux Entretiens de Bichat par Coca-Cola France !

"En France, la majorité des enfants n'ont pas de problème de poids", a-t-elle insisté. Avant de détailler une infographie de la plaquette de présentation de l’étude estampillée Crédoc et Coca-Cola France. Selon ce graphique, les boissons ne contribuent que faiblement (11% en moyenne selon les classes d’âge) aux apports caloriques des personnes.

L’étude du Crédoc nous apprend par ailleurs que les Français boivent majoritairement de l’eau et que les trois repas principaux contribuent très fortement à l’apport hydrique, puisque 80% de la prise de boissons se passe à ce moment-là.

Environ la moitié (51%) des enfants de 3 à 5 ans atteignent les recommandations qui s’établissent, pour les plus jeunes, à 60 ml de nutriment eau par kg et par jour. Chez les 6-11 ans, la proportion n’est plus que de 36%. « Cette baisse est liée à la prise d’autonomie de l’enfant à l’entrée à l’école primaire », selon le Dr Modaï. Avant six ans, les parents seraient beaucoup plus interventionnistes dans la prise de boissons de leurs enfants et cette vigilance expliquerait en partie les taux d’hydratation plus élevés.

Depuis la précédente étude, réalisée en 2003, on constate chez les enfants une baisse de la consommation totale de boissons conjuguée à une baisse de la portion moyenne consommée à chaque prise. Il existe plusieurs facteurs d'explication possibles à cette évolution. L'enquête de 2003 a coïncidé avec un épisode caniculaire qui fait augmenter mécaniquement l'hydratation des enfants. Par ailleurs, les campagnes anti-lait qui se sont développées et intensifiées ces dernières années ont un effet sur la consommation de lait, qui constitue l'un des apports hydriques non négligeables chez les enfants. Pour le Dr Modaï, cette baisse de la consommation de lait (-13,4% chez les 6-11 ans entre 2003 et 2007) "est un souci à un âge où les enfants ont besoin de calcium".

Chez les adolescents (12-19), la consommation de boissons est stable entre 2003 et 2007, mais comme chez les enfants, on constate une forte baisse des boissons lactées (-24%) et une augmentation parallèle de la déficience en calcium, a souligné le Dr Modaï. Les ados boivent moins souvent que les autres classes d’âge. Ils sont en moyenne à 3,8 prises de boisson par jour contre 5,6 prises quotidiennes chez les seniors (55 ans et plus).

Les adultes (20-54 ans) sont 30% à atteindre le repère de 1,5 litre par jour. Ils boivent plus fréquemment, en plus grande quantité et de manière plus diversifiée que les autres catégories. Depuis 2003, la consommation d’alcool a chuté de 25% chez les adultes et cette baisse est essentiellement assumée par le vin, tandis que la consommation d’alcools forts, elle, a tendance à augmenter. Les adultes boivent davantage de boissons chaudes qu’il y a quatre ans, mais c’est le thé qui a surtout progressé. Les adultes ont également sensiblement augmenté leur consommation de jus de fruits (+24,1%).

Quant aux seniors, plus sensibles que les autres à la déshydratation, ils sont moins d’un quart (23%) à atteindre les recommandations et leur consommation de boissons baisse à mesure que l’on avance en âge. « Je leur dis de boire ce qu’ils veulent, quand ils veulent. C’est l’âge de la liberté ! », a indiqué Pascale Modaï.

Pour conclure la présentation des résultats de l’enquête du Crédoc, le Dr Eckart a rappelé l’importance de boire avant d’en ressentir le besoin. « Avoir soif, c’est pathologique, d’ailleurs c’est désagréable », a-t-il observé. Il faut, « dès le plus jeune âge », prendre l’habitude de boire, a-t-il ajouté et peu importe le moment de la prise de boisson, avant, pendant ou après le repas.

L’enquête « Que boivent les Français » a été réalisée à la demande de Coca-Cola France à partir des données extraites de l’enquête Comportements et consommation alimentaires en France (CCAF) 2007, a expliqué Raphaël Berger, assistant de la directrice du département consommation du Crédoc.

Contactée par Espaceinfirmier.com et interrogée sur le risque de manipulation au profit du commanditaire Coca-Cola France dans la présentation des données de l’étude, le Dr Pascale Modaï, qui a commenté les données pour le compte de l’industriel, a qualifié ces résultats de « tout à fait objectifs ». « Coca n’a fait qu’interpréter les résultats du Crédoc, qui ne lui étaient d’ailleurs pas forcément favorables », s’est-elle défendue.

C. A.

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