Loi Kouchner, vingt ans après | Espace Infirmier
 
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08/03/2022

Loi Kouchner, vingt ans après

Vendredi 4 mars, à l’occasion du vingtième anniversaire de la loi Kouchner, l’Institut droit et santé a organisé un colloque réunissant des acteurs de la santé publique d’alors et d’aujourd’hui. L’après-midi a été consacré aux enjeux actuels de cette loi.

« Les droits inscrits dans la loi ont parfois du mal à se transcrire dans les actes. Il ne suffit pas d’avoir un texte législatif ou réglementaire pour modifier les relations dans le domaine de la santé », a remarqué Gérard Raymond, le président de France Assos Santé, en guise de préambule à cette demi-journée d’échanges qu’il a orchestrés, tout en soulignant que la loi Kouchner du 4 mars 2002 avait permis des avancées importantes. Parmi les interlocuteurs de cette séquence, plusieurs ont rappelé que l’implication des usagers ou de leurs représentants dans le système de santé – que ce soit dans les relations individuelles entre les patients et les soignants, à l’échelle d’un établissement, voire d’un territoire, ou encore dans l’élaboration de textes nationaux – a été déterminante dans l’amélioration de ces différents fonctionnements.

Amélioration des pratiques professionnelles

Ainsi, Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’AFM-Téléthon, a rappelé que grâce à la mobilisation de son organisation, des avancées ont pu être obtenues dans différents domaines : génétique, myologie, thérapies innovantes, connaissances des maladies rares, accompagnement des patients et de leur entourage. « C’est une stratégie d’intérêt général qui a été développée dans tous ces domaines, a-t-elle souligné. Les usagers doivent être au cœur des politiques de santé, et il ne peut pas y avoir de champs interdits ou réservés aux associations. » Et d’ajouter que la démocratie en santé doit être un partenariat, d’égal à égal.

Un paradigme que les soignants, du moins ceux de l’AP-HP, semblent agréer. Selon une enquête flash présentée par Martin Hirsch, la majorité des personnels soignants apprécient que leurs patients aient une meilleure connaissance de leurs droits et soient plus exigeants : une opportunité pour améliorer leurs pratiques professionnelles. Cependant, ils remarquent aussi une hausse de l’agressivité et apprécieraient que les usagers soient davantage sensibilisés à leurs « devoirs ».

Pour la présidente du collège de la Haute Autorité de santé (HAS), la loi Kouchner a impulsé une nouvelle dynamique pour la production et la régulation des savoirs en médecine. « Il n’y a pas un seul travail de la HAS qui soit mené sans les patients, que ce soit dans le champ de l’élaboration de bonnes pratiques ou de l’évaluation scientifique », a rappelé Dominique Le Guludec. La HAS édite aussi des outils pour favoriser la participation des usagers dans le système de soins. « La certification 2020 inclut des critères sur le développement de l’engagement des patients », a-t-elle insisté.

Consolider la représentativité

Mais pour consolider cette place, la question du statut et de la formation des représentants des usagers s’impose comme un enjeu essentiel des prochaines années. « Il s’agit de la reconnaissance de leur engagement par la société, a insisté Emmanuel Rusch, président de la Conférence nationale de santé (CNS). Il faut poser la question de l’indemnisation du temps donné, de la création d’un congé spécifique et de la formation des représentants comme des professionnels de santé. » C’est aussi un moyen de renforcer l’effectivité des droits des usagers tout au long de leur parcours de soins, et d’assurer une meilleure visibilité des dispositifs existants.

« Pendant la crise sanitaire, la démocratie sanitaire a été mise à l’épreuve, a remarqué Henri Bergeron, directeur de recherche au CNRS. De nouvelles instances ont été créées par l’exécutif, qui n’a pas souhaité activer les dispositifs déjà présents. » Le sociologue fait un parallèle avec la relation de soins individuelle où les patients sont associés différemment selon la pathologie, leur profil et selon la typologie des professionnels de santé. La consolidation du statut des représentants s’impose comme un enjeu d’autant plus fort que le virage numérique de la santé pose de nouvelles questions sur les droits des usagers. « Il faut être vigilant à ce que les outils numériques ne dégradent pas la relation soignant-soigné », a alerté Marie Citrini, représentante des usagers au conseil de surveillance de l’AP-HP.

Garantie de l’effectivité des droits à tous les échelons et dans tous les domaines de la santé, renforcement du statut et de la formation des représentants des usagers, sensibilisation de l’ensemble des professionnels de santé aux droits des patients : vingt ans après la loi Kouchner, dont l’esprit continue d’organiser la démocratie sanitaire, de nombreux chantiers sont encore à consolider. « Nous sommes au milieu du gué », a d’ailleurs fait remarquer le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, dans son discours d’ouverture du colloque. Bernard Kouchner, intervenu à sa suite, a, pour sa part, émis deux souhaits : concernant la fin de vie, que l’on prenne en compte « les gens qui ne sont pas hospitalisés, les gens qui décident de mourir et qui ne sont pas à l’article de la mort, qui doivent pouvoir, sans offenser personne, quitter leur vie de façon calme et réfléchie », et s’agissant du grand âge, qu’on « s’occupe de ce qu’est maintenant l’Ehpad public ou privé. […] Cela me semble absolument indispensable dans le suivi de la loi des droits des malades ».

Lisette Gries

À LIRE ÉGALEMENT

- Dr Michel Caillol, « Liberté, égalité, humanité… », Espaceinfirmier.fr, le 13/05/2016.

- Françoise Vlaemÿnck, « Droits des usagers : mention passable », Espaceinfirmier.fr, le 29/03/2012.

- Françoise Vlaemÿnck, « Ça va mieux… en le “dix ans” », L’Infirmière Magazine, n° 298, avril 2012.

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