Les infirmières de santé au travail tiennent congrès | Espace Infirmier
 
27/11/2007

Les infirmières de santé au travail tiennent congrès

« La société redécouvre l’importance de la santé au travail, longtemps dénigrée dans les cursus infirmiers et médicaux », s’est félicité Paul Frimat, professeur à l’université de Lille 2. Il s’exprimait lors des 8es journées d’études nationales du GIT (Groupement des infirmières du travail), organisées à Nantes du 7 au 9 novembre.
Le drame de l’amiante, les traumatismes psycho-sociaux liés au travail, l’émergence des troubles musculo-squelletiques ont peu à peu modifié le regard posé sur cette discipline méconnue. En outre, le contexte professionnel (pénurie accrue de médecins du travail) et social (vieillissement de la population active) pourrait bien asseoir le rôle infirmier au sein de l’entreprise.

Évaluer les risques professionnels et prévenir les impacts sur la santé, favoriser la santé et le bien-être dans l’entreprise, mener des actions de santé publique, appliquer la législation, contribuer à des actions de mise en conformité… les missions de l’infirmière de santé au travail sont variées.
Elles nécessitent une présence constante sur le terrain. « Je passe régulièrement dans les ateliers pour connaître les conditions réelles de travail, note Andrée Baland, infirmière à Lille. Je dois savoir pourquoi un agent coupe le bout d’un gant ou ne le met pas, afin de contribuer à la conception de matériels plus adaptés. »

Salariée d’une entreprise spécialisée dans la production de panneaux solaires photovoltaïques, Andrée présentait lors des 8es journées du GIT son combat contre le plomb et le phtalate de dibuthyl.
Avec un médecin présent seulement quatre jours par mois pour les visites médicales et une entreprise active 24 heures sur 24, sept jours sur sept, l’infirmière fait office de « référente santé ». Elle évalue les risques, rappelle les consignes de sécurité, sensibilise les nouveaux arrivants, forme techniciens de maintenance et chefs d’équipe, guette les modifications de procédures, propose des actions correctives…

« Il ne s’agit pas d’asséner un discours, estime Andrée Baland. Le personnel, sous contrat précaire, est peu qualifié et souvent d’origine étrangère (Vietnam, Maghreb…). Je dois sans cesse maintenir l’échange, savoir ce qu’ils connaissent du plomb, m’assurer qu’ils perçoivent bien les risques… »
Les chefs d’équipe sont un relais indispensable. Chargés de l’accueil au poste, ils doivent notamment connaître les incompatibilités. Tels la grossesse ou l’allaitement. « J’incite les femmes à déclarer leur grossesse, observe Andrée. En leur rappelant bien qu’elles sont protégées par le code du travail… »

Les infirmières s’efforcent de préserver le lien social, parfois menacé de rupture, comme lors de licenciements. « La perte du lien social n’est jamais prise en compte dans les plans sociaux, déplore Nicole Jolimoy, infirmière à Toulouse. Elle a pourtant un grand impact sur la santé. » Peu préparée, mal formée, souvent peu aidée par les dirigeants, la soignante peine à exercer son rôle quand les salariés sont soumis à des vagues de licenciement massives. Les témoignages recueillis par le GIT sont unanimes.

« L’employeur ne souhaitait pas que je mette en place un soutien psychologique, confie une infirmière, c’était avouer qu’il avait provoqué une souffrance… » Finalement, la soignante a fini par l’imposer via l’inspection du travail mais il s’est mis en place tardivement. Elle a dû pallier ce manque sans être spécifiquement formée.
Il est important, surtout dans les structures de type paternaliste, de convaincre qu’il y a une vie après la fermeture, d’aider les salariés prisonniers d’une culture d’entreprise à « réapprendre à penser », selon les termes de Jean-Yves Dubré, médecin inspecteur du travail. Ils ne pourront guère compter sur les « antennes emploi », soucieuses de faire du chiffre et assez indifférentes au sort des prétendus « inclassables ».

Dans les ateliers, sur les chaînes, l’infirmière noue des contacts via des discussions anodines, avant d’aborder les vrais problèmes. Sa présence sur le terrain, sa neutralité hiérarchique facilitent une relation de confiance. Elle repère ainsi les personnes en détresse, guette les signes révélateurs de troubles physiques (digestifs, cardio-vasculaires) et psychiques (modifications du comportement, repli, recours aux médicaments, conduites addictives).

Salariée de l’entreprise et donc elle-même menacée de licenciement, l’infirmière se trouve dans une position ambiguë, à la fois actrice et « victime ». Plus encore que d’ordinaire, elle doit s’impliquer dans un travail pluridisciplinaire avec le médecin, l’assistante sociale, requérir si possible les services d’un psychologue pour animer des groupes de parole avec les salariés. Car, comme le souligne Nicole Jolinoy, « personne ne peut travailler seul dans un tel climat ».

Soucieux d’incarner cette indispensable pluridisciplinarité, le GIT avait invité médecins, institutionnels, consultants en RH, assistantes sociales, sociologues à échanger avec les 380 participants au congrès (dommage toutefois que le Medef ait décliné l’invitation).

Comme à l’hôpital, la délégation d’actes ou le transfert de compétences vers les infirmières sont envisagés pour pallier la pénurie de médecins. Des expérimentations sont menées en Aquitaine et dans la région Nord-Pas-de-Calais. Ainsi, à Lille, une initiative conduite en service interentreprise vise à garantir le suivi médical des salariés via un rôle infirmier étendu.
Outre les tâches traditionnellement dévolues aux infirmières de santé au travail (actions d’information et de prévention, contribution à la vigilance…), Frédérique Rousseaux effectue une consultation de 30 minutes environ où elle jouit d’une « latitude décisionnelle large ». En effet, si elle ne prend pas de décision d’aptitude, elle est chargée de détecter toute « anomalie sérieuse » et, le cas échéant, d’orienter le salarié vers le médecin traitant ou un spécialiste. D’abord surpris d’être reçus par une infirmière, les salariés n’ont pas l’air de s’en plaindre. « Pour la première fois, souligne l’un d’eux, j’ai établi le lien entre ma santé et les conditions de travail… »

Frédérique Rousseaux assure également le soutien psychologique des salariés confrontés à des difficultés sociales et le suivi clinique de certains cas particuliers (diabète, addiction). Interlocutrice privilégiée du CHSCT, elle vérifie également l’éventuelle modification des postes de travail.
« Pourquoi ces expériences ne sont-elles tentées que dans des services interentreprise ? » ont regretté certaines infirmières. Salariée de l’entreprise, l’infirmière de service autonome connaît bien en effet l’environnement de travail. Et elle effectue déjà bien des missions prétendument étendues par cette « délégation d’actes ». Hélas, personne ne semble le savoir…

Pour occuper la place qui lui semble promise, l’infirmière de santé au travail devra sortir de la confidentialité. Même Marie-Ange Coudray, infirmière et conseillère pédagogique au ministère de la Santé, confiait ne pas très bien connaître ce métier. « Une part de responsabilité repose sur nous, admet Nadine Reux, présidente du GIT. On croit que ça n’intéresse pas, donc on ne propose pas. » Erreur réparée avec ces 8es journées, riches et variées, où toutes les facettes du métier furent présentées.
Alain Tronchot

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