Le CGLPL se penche sur l’arrivée dans les lieux de privation de liberté | Espace Infirmier
 
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06/01/2022

Le CGLPL se penche sur l’arrivée dans les lieux de privation de liberté

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Le CGLPL et son équipe ont publié, le 8 décembre dernier, un rapport sur « l’arrivée dans les lieux de privation de liberté ». Un moment charnière source d’anxiété, de violences, de dérives, qui se vit notamment aux urgences générales et en psychiatrie. Un rapport qui relance la question des recours abusifs à l’isolement et à la contention.

Il y a cette bascule. Entre la vie civile, l’air libre, la rue, les gens, l’horizon et les menottes, les portes fermées, les injonctions, les uniformes, la contention. Ce sas par lequel on passe, forcé, de la liberté à la contrainte. Cet espace-temps anxiogène qui dépossède l’individu de toute individualité. Parle-t-on de prison ? Oui, en partie. De centre éducatif fermé, de centre de rétention administrative, d’hôpital et d’établissement de santé mentale aussi. Le contrôleur des lieux de privation de liberté, représenté par Madame Dominique Simonnot depuis octobre 2020, s’est penché sur l’arrivée dans ces dits-lieux, ces points de passage où se vit le « choc de l’enfermement ». La structure publie un rapport édifiant sur « l’arrivée dans les lieux de privation de liberté » qui pointe certaines dérives et formule 56 recommandations dont certaines très précises dans le champ de la santé, comme la 38 : « Le retrait de biens personnels des patients admis en soins sans consentement ne doit pas procéder de règles systématiques mais répondre à des motivations cliniques décidées individuellement, avec une réévaluation régulière. L’imposition systématique du port du pyjama doit être prohibée. » « Partout où on passe, il n’y en a plus après » , s’exclame d’emblée Dominique Simonnot.

Contention et isolement abusifs

Dans les services d’accueil des urgences (SAU), des situations particulièrement préoccupantes sont pointées par le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). « L’admission en soins sans consentement dans un établissement de santé mentale passe majoritairement par les services d’accueil des urgences (SAU) des hôpitaux généraux, qui en constituent le point d’entrée principal », écrivent les équipes du contrôleur. Or « la présence psychiatrique se clairsème », rendant plus difficile l’absorption du flux de patients. Une situation qui conduit « à privilégier la rapidité du “transit” sur le respect de la dignité des patients ». « Certains s’improvisent psychiatres et c’est choquant », s’insurge Dominique Simonnot. La demande d’admission en soins sans consentement « est ainsi trop souvent vue comme la solution la plus efficace pour faire hospitaliser un patient agité pour la gestion duquel un service d’urgences n’est pas adapté », pointe le CGLPL. On se prive, faute de moyens, de la possibilité d’obtenir le consentement du patient à une admission en soins libres ou à des soins en aléatoire.

Autre sujet de préoccupation majeure pointée par le CGLPL, les pratiques d’isolement et de contention qui peuvent être mises en œuvre aux urgences générales « par précaution ou à défaut d’équipement adapté comme une chambre d’apaisement ». Des mesures rarement tracées et parfois prises par des urgentistes, sans validation d’un psychiatre.

Loïc Rohr, infirmier chercheur en soins infirmiers spécialisé dans la santé mentale, qui a lui-même constaté des recours fréquents à la contention aux urgences générales, ne s’étonne pas des conclusions et recommandations du rapport (voir ci-après). « Le mot “Hôpital” vient quand même du latin hospitalitas qui veut dire hospitalité, qui a cette fonction d’accueil. L’hôpital perd cette fonction au profit d’une fonction d’admission, pointe-t-il. La réponse préférentielle va être la contention parce que c’est un souci de moins. Même si ça a des complications bien souvent négligées ! »

Admission plutôt qu’accueil

Le problème n’est pas différent une fois en psychiatrie. « Accueillir le patient, c’est compliqué, ça fait vivre quelque chose en soi, admet Loïc Rohr. Alors, c’est rassurant pour une infirmière de rester sur ce qui est prescrit, ce qui est administratif, suivre un protocole. » Le chercheur mène d’ailleurs des formations pour rappeler que « l’accueil, c’est une fonction indispensable qui va conditionner en plus les trois quarts de l’hospitalisation. Un patient accueilli, c’est une hospitalisation qui va bien se passer ».

« Dans un hôpital où je me suis rendue, aux urgences psychiatriques qui étaient déjà au sous-sol, l’une des premières choses que l’on voyait, c’était deux placards grands ouverts qui laissaient visibles des liens de contentions en cuir, décrit Dominique Simonnot. L’équipe médicale n’avait pas l’air de voir le problème. Ni la gravité de l’impact que cela peut avoir. »

Information et respect des droits

Un autre problème éclairé par le rapport : le manque de transmission d’informations à propos de la nature et des motifs des mesures dont les personnes privées de libertés font l’objet, les voies, délais et modalités de recours dont elles disposent pour contester la mesure. « De la qualité de cette information dépendent, d’une part, l’ampleur du “choc de l’enfermement” et la facilité de l’intégration de la personne et, d’autre part, la possibilité pour celle-ci d’exercer effectivement ses droits », insiste le rapport avant d’avancer la recommandation 28 : « Tout professionnel, y compris de santé, amené à participer à l’accueil et à la prise en charge de personnes privées de liberté, doit recevoir une formation sur le statut et les droits de ces personnes. »

Loïc Rohr, lui, voudrait pousser plus loin la formation et la réflexion : « On réfléchit beaucoup à comment faire appliquer la loi, faire respecter les procédures. On ne s’intéresse pas à la clinique, au soin. » Et rappelle encore qu’ « il y a tellement de contraintes pour l’admission qu’il n’y a plus de temps pour accueillir ».

Thomas Laborde

LES RECOMMANDATIONS DU CGLPL

- La filière des urgences psychiatriques doit permettre une prise en charge en hospitalisation spécialisée de courte durée, de 48 à 72 heures, en coordination avec les urgences générales et leur plateau technique, où les patients doivent pouvoir bénéficier d’un examen somatique complet.

- Toute décision d’isolement ou de contention doit être validée par un psychiatre dans le délai d’une heure, après une rencontre avec le patient. Elle doit être tracée dans le dossier médical et sur un registre spécifique.

- Tout professionnel, y compris de santé, amené à participer à l’accueil et à la prise en charge de personnes privées de liberté doit recevoir une formation sur le statut et les droits de ces personnes.

- Les décisions d’admission en soins sans consentement doivent être signées dès le début de l’hospitalisation, y compris les week-ends et jours fériés. La date de leur signature doit correspondre à la réalité.

Aller plus loin :

CGLPL, Rapport thématique « L’arrivée dans les lieux privation de liberté », publié par les éditions Dalloz, disponible sur le site Internet de la CGLPL à partir du 19 janvier 2022.

Les dernières réactions

  • 09/02/2022 à 14:41
    Comlan AMANGNON
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    La réaction a été supprimée car elle ne respecte pas la charte du site.

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