Infirmières et législatives : « Un grand coup de pied dans la fourmilière » | Espace Infirmier
 
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09/06/2022

Infirmières et législatives : « Un grand coup de pied dans la fourmilière »

À quelques jours du premier tour des élections législatives, Espaceinfirmier.fr tend le micro à ces infirmières qui se verraient bien au Palais-Bourbon. Aujourd’hui, rencontre avec Karine Le Luron, Idel à Châlons-en-Champagne, et candidate Nupes dans la Marne.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours d’infirmière ?

J’ai fait beaucoup de choses : j’ai été diplômée en 1995, j’ai travaillé à l’hôpital carcéral de Fresne (dans l’Essonne, NDLR), j’ai été directrice adjointe d’une crèche, puis la vie m’a amenée en Champagne et j’ai travaillé aux urgences de Châlons, en PMI… Mais déjà à cette époque, je trouvais que nos moyens étaient très restreints et que le seul moyen de travailler comme je le voulais était de monter mon propre cabinet libéral… ce que j’ai fait en 2014. Je tiens toutefois à dire que je suis extrêmement attachée au service public hospitalier, et que je ne suis partie que parce que les conditions de travail à l’hôpital n’étaient plus en accord avec ma manière de voir mon métier.

Et comment est né votre engagement politique ?

J’ai toujours été engagée, soit syndicalement, soit politiquement. J’ai été au Parti socialiste pendant plusieurs années, puis j’ai pris mes distances en voyant que la politique menée par François Hollande ne correspondait pas à mes valeurs. Lors des deux dernières présidentielles, je me suis rapprochée du mouvement de Jean-Luc Mélenchon, et il se trouve que ce mouvement n’avait cette année pas de candidat aux législatives sur ma circonscription. On m’a proposé d’y aller, et j’ai accepté !

Si vous êtes élue, que comptez-vous faire pour la santé ?

Je pense qu’il faut refondre notre système profondément. Il faut que l’hôpital et le libéral travaillent ensemble, car nous avons actuellement un vrai gouffre. Je pense qu’il faut imposer aux jeunes médecins de s’installer, pour une durée limitée, dans les déserts médicaux. Et qu’il faut arrêter avec les honoraires extravagants, car on est actuellement dans une médecine à deux vitesses. On doit également arrêter de faire croire que les problèmes de l’hôpital sont des problèmes d’organisation, alors qu’il s’agit avant tout de manque de moyens humains et matériels. Je pense qu’il y a aussi un grand travail à faire sur les cliniques privées qui ont tendance à ne prendre que ce qui rapporte de l’argent, et à renvoyer le reste vers le public. Donc, je ne vais pas me faire que des amis, mais il faut un grand coup de pied dans la fourmilière !

Et que feriez-vous plus spécifiquement pour la profession infirmière ?

Je suis peut-être de la vieille école, mais je pense qu’il faut arrêter de nous rajouter des fonctions qui ne sont pas les nôtres. On nous dit qu’on va nous autoriser à prescrire, à vacciner davantage, et cela pour compenser le manque de médecins. Je n’ai pas la prétention d’être une super-infirmière, de remplacer les médecins, comme on le voit dans certains pays. Et ce d’autant plus que tout le monde n’a pas la possibilité de faire les formations qui mènent à ces nouvelles responsabilités. Pour moi, tout cela n’est qu’un leurre. Aujourd’hui, ce dont la profession a besoin, c’est d’infirmières supplémentaires.

Encore faut-il trouver ces infirmières supplémentaires, étant donnée la pénurie ambiante…

Il y en a ! Je les vois, elles passent en stage dans mon cabinet. Mais elles me disent qu’on ne leur propose que des CDD. Elles vont donc là où il y a des CDI, là où on paie bien, c’est-à-dire pas à l’hôpital public. Si à l’hôpital on leur proposait des postes qui leur correspondent, avec une rémunération décente, et une stagiairisation, elles viendraient !

Si vous êtes élue, conserverez-vous une activité de soins ?

Je sais que ce sera compliqué, mais oui. Je suis trop attachée à mes patients pour me dire que je ne les verrai pas pendant cinq ans. Je trouverai donc un moyen de toujours garder un pied sur le terrain. On ne peut pas parler du terrain si l’on n’est pas dedans.

Propos recueillis par Adrien Renaud

À LIRE ÉGALEMENT

- Renaud A., « Infirmières et législatives : “Sortir du médicocentrisme” », Espaceinfirmier.fr, le 08/06/2022.

- Renaud A., « Infirmières et législatives : “La santé est maltraitée” », Espaceinfirmier.fr, le 08/06/2022.

Les dernières réactions

  • 09/06/2022 à 19:15
    Dol
    alerter
    " Je suis peut-être de la vieille école, mais je pense qu’il faut arrêter de nous rajouter des fonctions qui ne sont pas les nôtres. On nous dit qu’on va nous autoriser à prescrire, à vacciner davantage, et cela pour compenser le manque de médecins. "

    Bonjour et Madame pour ce discours de vérité. Vous n’êtes pas de la vieille école.

    Vous êtes tout simplement lucide sur la situation, non pas que je sois contre le fait qu'on puisse créer des passerelles pour les infirmières (IDE étant un métier pénible qui use le corps, on ne peut pas exercer en tant qu'IDE pendant 40 ans selon moi d'où la nécessité de créer des passerelles vers l'enseignement/la formation/le tutorat) mais, ici, nous payons la pénurie médicale comme vous l'avez très bien mentionné.
  • 11/06/2022 à 16:31
    Mathias Gibbs
    alerter
    La réaction a été supprimée car elle ne respecte pas la charte du site.

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