Une main et du feu | Espace Infirmier
 

25/11/2015

L'invité du mois

Une main et du feu

Le Tumblr Il était une fois en psy c’est l’histoire d’une rencontre. Celle de Christophe, jeune IDE pris dans la tourmente d’un service de psychiatrie, et de Germaine, la « vieille collègue » dont la délicatesse triomphe de toutes les situations.

La situation était critique. le patient était menaçant, dans un état de tension extrême, et je m’apprêtais à déclencher le dispositif de sécurité. Hospitalisé sous contrainte depuis la veille, Monsieur B. présentait un état dépressif majeur. C’est une récente tentative de suicide qui l’avait amené jusqu’à nous. À son arrivée dans le service, il était très anxieux et devant une agitation naissante, il avait dû être sédaté. Le lendemain, alors que je venais de prendre mon service, le traitement n’avait vraisemblablement plus aucun effet sur ses quelques 90 kilos qui n’avaient qu’une intention : sortir du service, quitte à me bousculer, maintenant. Je ne faisais pas le poids et j’avais peur. Que faire ?

Mais soudain, alors que j’allais appuyer sur le bouton rouge des renforts, ma vieille collègue Germaine m’a poussé pour prendre les choses en main. Elle est allée vers lui, calmement, avec un large sourire bienveillant et lui a proposé de prendre un café «parce que c’est plus sympa pour parler», lui a-t-elle dit en posant sa main sur son épaule. D’un ton chaud et rassurant, elle l’a comme enveloppé et en quelques instants a réussi à l’apaiser. incrédule, le doigt toujours posé sur le bouton rouge, j’assistais à la scène. Germaine était assise devant la télé avec notre patient et tous les deux prenaient le temps de discuter autour d’un café chaud. Puis il a pleuré, puis elle a pris ses mains, puis j’ai ôté mon doigt.

Plus tard, il s’est détendu et a accepté de rester encore quelque temps. Même si les suites de l’hospitalisation n’ont pas été simples, Germaine avait eu raison. Je reculais, elle s’est avancée. J’avais eu peur de lui, elle avait ressenti sa détresse. J’allais appuyer sur l’alarme, elle avait créé du lien et de l’apaisement. avec un café et une main sur l’épaule. Aujourd’hui, je me souviens de l’intensité de cette matinée, des 90 kilos, du bouton rouge et de ma vieille collègue qui plus tard m’avait expliqué : «Christophe, la psychiatrie n’est affaire ni de force, ni de rigidité. Elle est, avant tout, affaire de douceur, de souplesse et de lien. Prends le temps de créer du lien. Comme l’eau éteint le feu, nous avons la main sur l’épaule.» Ma vieille collègue est différente et je ne sais pas si je serais capable demain de réagir comme elle. Mais depuis, avec ma main, souvent j’essaie d’éteindre le feu.

Article paru dans L'Infirmière magazine daté de décembre 2015.

Les dernières réactions

  • 03/12/2015 à 15:33
    reginette971
    alerter
    Cette réalité de la main qui éteint le feu est aussi vraie en médecine quand on entre dans un chambre effectuer des soins la nuit lorsque les peurs sont exacerbées.Ce sommeil perturbé le manque de repères et les terreurs nocturnes amplifient l'aggressivit
  • 04/12/2015 à 17:48
    bob
    alerter
    Tout a fait d accord
    le pouvoir de la main qui se tend qui se pose qui apaise

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