CII
Le Conseil International des Infirmières a récemment publié un guide à l’usage des décideurs politiques. Le message : pour améliorer la santé des populations, il faut que les leaders infirmiers participent à l’élaboration des politiques de santé. Mode d’emploi.
« Les infirmières sont la pierre angulaire qui garantit le bon fonctionnement de tout système de santé. Elles sont particulièrement bien placées pour comprendre l’impact des changements politiques proposés sur toutes les parties du système de santé et du personnel. » Ce constat, que l’on peut lire dans le guide publié par le Conseil International des Infirmières (CII) en février a tout d’une lapalissade. Mais l’ambition de ce document, intitulé “ Participation des infirmières dirigeantes dans la planification stratégique du personnel de santé ”, n’est pas d’énoncer des évidences mais d’aider les autorités sanitaires à intégrer la profession dans ses processus de décision dans un contexte de démographie paramédicale très tendu, en leur montrant, étape par étape, la marche à suivre.
« Ce guide s’adresse à toute personne chargée de planifier et de diriger des stratégies, des politiques et des initiatives en matière de personnel de santé, peut-on lire dès l’introduction. Il vise à aider les planificateurs et les décideurs à accéder aux connaissances, à la perspicacité et à l’expertise de la profession infirmière en offrant une structure de collaboration avec les dirigeants et les organisations infirmières. »
Car malheureusement, le lien entre la profession et les décideurs ne semble pas naturel. « Dans de nombreux pays, il existe une déconnexion inquiétante entre les planificateurs et les décideurs politiques qui travaillent sur des stratégies visant à reconstruire le personnel de santé, et les personnes qui éduquent, soutiennent et gèrent la plus grande profession délivrant des soins de santé réels », regrettent les auteurs.
CARTOGRAPHIE DE LA PROFESSION INFIRMIÈRE
Pour reconstruire (ou construire) ce lien défectueux, la première étape identifiée par le CII est assez simple, du moins en apparence : il faut cartographier les parties prenantes infirmières dans les différents domaines d’intervention, qu’il s’agisse de la formation, de la réglementation, des négociations de travail, etc. Un travail qui, insistent les auteurs, doit être « exhaustif » et « structuré. » Le guide fournit à cet effet un tableau permettant de n’oublier personne, qu’il s’agisse des ordres professionnels, des syndicats, des associations, des sociétés savantes, etc.
Une fois les parties prenantes identifiées, pas question de se contenter d’une discussion ponctuelle ou de se limiter à des échanges d’amabilités. L’implication infirmière doit avoir lieu « dès les premières étapes de la planification jusqu’à l’évaluation », et les décideurs doivent « éviter l’engagement symbolique », insiste le CII. Tout au long de l’élaboration des politiques, et dans tous leurs aspects, les autorités sanitaires doivent donc « s’assurer de la contribution des acteurs du secteur des soins infirmiers qui ont une responsabilité fonctionnelle dans les domaines concernés. »
UNE PLUS GRANDE RESPONSABILITÉ
Les idées défendues par le CII sont accueillies positivement par Loïc Martin, maître de conférences en sciences infirmières à l’université de Rouen et coordinateur d’un ouvrage sur le leadership en santé(1). « C’est un excellent message, estime celui qui est aussi cadre supérieur de santé formateur. Cela va dans le sens d’une plus grande responsabilité pour les infirmières dans le raisonnement clinique, et de manière plus générale, en termes de leadership en santé. »
Reste que selon lui, l’exercice de ce leadership doit s’accompagner d’un effort de formation. « On voit bien que dans d’autres pays, par exemple au Québec, la question du leadership est intégrée dans les référentiels de formation, et je me suis engagé pour que ce soit le cas dans le cadre de la refonte du référentiel chez nous », explique-t-il, se réjouissant du fait que « de belles personnalités » aient récemment émergé dans le monde infirmier en France et soient devenues des interlocuteurs pour les pouvoirs publics.
FAIRE ÉMERGER LES LEADERS
Voilà qui pose une question cruciale : si, comme le prône le CII, les autorités sanitaires doivent veiller à intégrer les infirmiers à l’élaboration de leurs politiques, il revient aussi à la profession de se structurer et de faire émerger les personnalités permettant d’engager le dialogue souhaité. Et c’est à ce niveau qu’intervient une difficulté : on ne peut pas s’auto-proclamer leader. « Un leader ne peut se définir lui-même comme tel, ce sont les autres qui le considèrent comme un leader, rappelle Loïc Martin. Cela passe par une reconnaissance clinique, scientifique, et professionnelle. »
Une autre question, non abordée dans le guide du CII, semble elle aussi essentielle : la représentation de la profession dans le personnel politique. Car si certains professionnels de santé ont, historiquement, toujours eu une place dans les différents cercles du pouvoir, ce n’est pas le cas de la profession infirmière. « Celle-ci n’est pas très engagée, on voit que les médecins ont de nombreux représentants à l’Assemblée nationale, et sans se positionner dans une confrontation avec les médecins, on pourrait souhaiter un engagement politique de certaines infirmières, afin de pouvoir travailler tous ensemble. » Car une chose est sûre : si l’on veut que, comme l’écrit le CII, les décideurs politiques donnent leur juste place aux « différents dirigeants et organisations qui soutiennent les 28 millions d’infirmières dans le monde », au moins quelques-unes de ces 28 millions d’infirmières doivent faire un pas vers le mode politique.
Adrien Renaud
(1) Loïc Martin (dir.). Engagement et leadership en santé : points de vue des acteurs qui comptent. Elsevier Masson, 2024.
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