L'application StopCovid est-elle vraiment utile ? | Espace Infirmier
 

04/06/2020

L'application StopCovid est-elle vraiment utile ?

L’application StopCovid, qui permet à ses utilisateurs d’être alertés s’ils ont été en contact avec une personne testée positive au coronavirus, a été lancée mardi sur Google Play et Apple Store. Le point sur les avantages et les inconvénients de ce nouvel outil.

« Un très très bon démarrage. » Tel est le jugement porté mercredi matin sur France 2 par le secrétaire d’État chargé du numérique Cédric O à propos du lancement de l’application StopCovid. Celle-ci aurait d’après lui, moins d’un jour après avoir été publiée sur Google Play et Apple Store, été activée par 600 000 personnes. « Dès les premiers téléchargements, l’application évite des contaminations », s’est félicité le représentant du gouvernement.

Concrètement, StopCovid repose sur la technologie Bluetooth. Quand les téléphones de deux utilisateurs sont à moins d’un mètre l’un de l’autre pendant plus de quinze minutes, leur rencontre est enregistrée. Si, par la suite, l’un d’entre eux est diagnostiqué positif au coronavirus, il dispose d’un code lui permettant de le signaler à l’autre (ainsi qu’à tous ceux avec lesquels une rencontre a été enregistrée). Les personnes ainsi averties peuvent ainsi se faire dépister et s’isoler si nécessaire, évitant donc de propager la maladie.

Un outil judicieux…

« Je l’ai téléchargée dès qu’elle a été disponible, témoigne Christine Hollender, infirmière dans la Drôme et par ailleurs référente « En Marche » pour le département. Je trouve judicieux, en termes de santé publique, de pouvoir être avertie si j’ai été en contact avec une personne Covid +. » La soignante dit comprendre les inquiétudes qu’a fait naître cette nouvelle technologie, notamment en termes de protection de la vie privée. « Mais il faut savoir que l’appli est totalement anonyme, précise l’infirmière. Par ailleurs, elle peut être désactivée quand on le souhaite. »

Cet avis est partagé par bon nombre d’institutions dans le domaine de la santé : le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) et l’Académie nationale de médecine s’y sont notamment déclarés favorables. Dans un avis adopté le 26 mai, la Commission nationale informatique et liberté (Cnil) a de son côté estimé que l’application pouvait « être légalement déployée dès lors qu’elle apparaît être un instrument complémentaire du dispositif d’enquêtes sanitaires manuelles ».

… ou dangereux ?

Mais StopCovid ne fait pas tout à fait l’unanimité. Dans un avis adopté début mai, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) avait estimé que « l’intérêt et l’efficacité d’un tel suivi » étaient « trop incertains en comparaison de la menace disproportionnée qu’ils font peser sur les droits et libertés fondamentaux ». Elle pointait notamment des risques de réidentification d’utilisateurs supposés anonymes, et mettait par ailleurs en garde contre le risque d’utilisation ultérieure de technologies similaires à d’autres fins que le suivi du Covid.

Dans le monde médical, quelques voix, certes minoritaires, se sont également élevées pour critiquer le dispositif. C’est notamment le cas du Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG) : s’appuyant sur le cas de l’Islande et de Singapour où des dispositifs similaires à StopCovid ont été mis en œuvre, celui-ci conclut à l’absence d’efficacité de telles applications, et demande dans un communiqué publié le 2 juin aux médecins « d'informer leurs patients du manque d'intérêt pratique et du danger symbolique » qu’il y a à les utiliser.

Un train de retard ?

Et il y a la question du timing. Rendue disponible trois semaines après le déconfinement, StopCovid arrive d’après de nombreux observateurs après la bataille. « Il est vrai qu’il aurait été souhaitable de l’avoir plus tôt, reconnaît Christine Hollender. Dans une telle épidémie, on a toujours envie que les choses aillent vite, mais ce temps était nécessaire pour sécuriser l’appli et la rendre plus efficace. »

L’infirmière note également que l’outil sera moins pertinent dans les zones rurales, où « la fracture numérique est très importante », et qu’il n’est pas optimal pour toucher les seniors, qui sont moins équipés de smartphones alors même qu’ils sont plus à risque de contracter la maladie. StopCovid restera donc selon Christine Hollender ce qu’il doit être : un outil utile, mais un outil parmi d’autres.

Adrien Renaud

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