Visites autorisées en Ehpad : une décision accueillie en demi-teinte par les IDE | Espace Infirmier
 

29/04/2020

Visites autorisées en Ehpad : une décision accueillie en demi-teinte par les IDE

Bien que très attendu, l’assouplissement de l’interdiction des visites en Ehpad, annoncée le 19 avril 2020, remet en cause l’équilibre sanitaire en interne et soulève des craintes du côté des infirmières.

Des jours que les soignants des Ehpad alertent sur les conséquences néfastes de l’interdiction des visites extérieures sur le moral des résidents. C’est finalement, le 19 avril dernier, après plus d’un mois de réclusion, que le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, a informé que les visites familiales pourraient reprendre en partie. Une annonce que n’a pas manqué de saluer le président de l’ONI, Patrick Chamboredon, qui se « félicite de ces mesures d’humanité ». « Je trouve que c’est juste normal, confie-t-il à L'Infirmière magazine. Il n’y pas que le Covid-19 qui peut tuer, l’isolement aussi. »

Bien que partageant cet avis, Marie (prénom d’emprunt), infirmière dans un Ehpad nantais, regrette, pour sa part, une décision qui n’aura pas forcément d’application immédiate. « Le discours du gouvernement aurait dû être plus mesuré. On donne un espoir fou aux gens en leur faisant croire qu’ils vont pouvoir voir leur famille tout de suite. Or, cela dépend de la réalité de chaque établissement. Chez nous, aucune visite n’est autorisée jusqu’à nouvel ordre, à cause de la présence de deux cas avérés de coronavirus parmi les résidents. »

De son côté, l'association de médecins coordonnateurs en Ehpad MCoor a fait savoir dans un communiqué du 20 avril que « le bénéfice individuel pour un résident concerné par une visite nécessite une évaluation médicale des risques pour l'ensemble des résidents », et qu’ « en aucun cas, il ne peut s’agir d’une mesure globale, chaque Ehpad présentant des particularités de territoire de santé, de disponibilité en personnel et d’agencement architectural qui obligent à moduler ces mesures ».

Une mesure prématurée ?

De fait, entre les questions d’organisation, de matériel, de locaux, de capacités d’accueil et de gestion de flux, mais aussi les démarches administratives inhérentes à chaque établissement, les nouvelles mesures n’ont pas toujours été mises en place rapidement. « Adapter son organisation demande du temps, corrobore le numéro 1 de l’Oni. Pour certains établissements, les difficultés de mise en œuvre sont réelles, et ce, même s’il y a une forte attente dans les Ehpad. »

De son côté, Stéfane Hédont, infirmier en appui dans une dizaine de structures pour personnes âgées en Île-de-France, est moins optimiste. « Cette décision arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, considère le soignant. Nous y voyons certes plus clair sur la stratégie thérapeutique et le matériel, mais c’est beaucoup plus complexe sur le plan de l’hygiène. Avant de penser à rouvrir les portes des Ehpad, il faudrait s’assurer que les personnels aient intégré toutes les mesures barrière, ce qui n’est pas une mince affaire lorsque le turnover est aussi important ! »

L’infirmier au cœur du dispositif

Outre le respect des gestes barrière se pose aussi la question du lieu de rencontre prévu pour les « rendez-vous famille ». Charge aux directeurs des Ehpad d’en imaginer les solutions, de façon à ce que, à aucun moment, visiteur et résidents ne se croisent dans l’établissement. Une mission d’autant plus compliquée que l’architecture de bon nombre de structures ne le permet pas facilement. « On n’est pas un établissement dit sanitaire. Il n’y a pas, par exemple, de SAS dans les chambres. Certains envisagent des visites par fenêtre interposée, d’autres dans un espace extérieur lorsqu’il y en a un. Bref, on bricole », déplore l’infirmier francilien. La présence obligatoire d’un professionnel à l’accueil, telle que stipulée par le nouveau protocole, permettra-t-elle de limiter les risques de nouvelles contaminations ? « C’est bien qu’il y ait un référent pour rappeler la conduite à tenir aux visiteurs, mais, pour nous, il faut que cela soit un infirmier, préconise Patrick Chamboredon. Avec son expertise clinique, qui mieux que lui pour s’assurer que les mesures sont respectées ? »

Eléonore de Vaumas

Pour aller plus loin :

Consulter le protocole publié par le ministère autorisant les visites extérieures, dans le cadre des règles actualisées de confinement applicables aux établissements médico-sociaux, dont les Ehpad. Il énonce le principe de « prioriser dans un premier temps les résidents pour qui le confinement a un fort impact sur la santé physique et mentale ». Il établit des conditions préalables aux visites. Ainsi, la demande de visite « émane du résident, et dans le cas où le résident ne peut pas l’exprimer formellement en première intention, son avis est sollicité ». Les visites sont limitées à deux personnes maximum, organisées « dans les espaces convivialité et en extérieur » et à une personne maximum pour des visites en chambre. Pour sécuriser la visite, « à aucun moment visiteur et résidents ne se croisent dans l’établissement » et « les visiteurs ne doivent également pas être amenés à croiser d’autres résidents ». Les visiteurs doivent en outre respecter des consignes dès leur arrivée des visiteurs : lavage des mains et solutions hydro- alcooliques, prise de température à l’aide d’un thermomètre sans contact. De même un professionnel doit être présent pendant les visite.

La Société française de gériatrie et de gérontologie met en ligne de nombreux documents utiles pour la gestion de la crise du Covid-19 en Ehapd

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