En Espagne, l'Ordre infirmier porte plainte contre le gouvernement | Espace Infirmier
 

Florentino Perez, président de l'Ordre infirmier espagnol.

27/04/2020

En Espagne, l'Ordre infirmier porte plainte contre le gouvernement

La plainte déposée au pénal vise directement le président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez et son ministre de la Santé pour un possible délit contre la sécurité des travailleurs.

L'Espagne est le pays où le personnel soignant paye le plus lourd tribut dans le monde, avec 20% des professionnels contaminés par le Sars-CoV-2, dont trente-six sont morts après avoir contracté le virus : vingt-deux médecins, onze pharmaciens et trois infirmières. Des chiffres qui justifient à eux seuls la plainte déposée par le Consejo General de Enfermería (équivalent du Conseil de l'Ordre) à l'encontre du président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez et de son ministre de la Santé, Salvador Illa. D'autres membres du ministère de la Santé sont également visés par cette démarche.

Concrètement, la plainte déposée devant la salle pénale du Tribunal suprême de Madrid dénonce un possible délit contre la sécurité des travailleurs. L’Ordre infirmier espagnol accuse aussi le gouvernement d'autres délits éventuels, parmi lesquels « l'imprudence grave pouvant entraîner des lésions ou la mort ». Des accusations extrêmement graves passibles de six mois à trois ans de prison. L'infraction contre la sécurité des travailleurs (art. 316 du Code pénal espagnol) concerne exactement toutes les personnes responsables qui, « en violation des règles de prévention des risques professionnels et de l’obligation légale, ne fournissent pas aux travailleurs les moyens nécessaires pour exercer leurs activités par des mesures appropriées de sécurité et d’hygiène, de manière à mettre gravement en danger leur vie, leur santé ou leur intégrité physique ».

L'action en justice de l'Ordre national vise à fédérer et regrouper toutes les plaintes qui avaient déjà été déposées par les syndicats et organisations professionnelles régionales ou locales. À ce titre, l'action en justice pourrait donc s'étendre à d'autres responsables politiques dans un système de santé où la gestion est très décentralisée.

Manque flagrant d'équipements de protection

C'est une façon aussi de se démarquer de toute démarche partisane, précise le président du Conseil national de l'Ordre, Florentino Pérez Raya. « Nous sommes tous infirmiers et notre seule motivation concerne la santé de tous les professionnels et la sécurité des citoyens, qui sont au-dessus des partis politiques et des idéologies. » La cinquantaine de pages rédigées dans le cadre de cette plainte est par ailleurs largement étayée par les résultats de la dernières étude de l'Ordre des infirmiers, mettant en lumière à la fois le manque flagrant d'EPI (équipements de protection individuelle), la fourniture dans certains cas d’équipements défectueux (notamment les masques), ou encore l’absence ou le manque de fiabilité des tests de dépistage du Covid-19.

Outre les témoignages directs des IDE recueillis dans ce dossier, l'Ordre prend également comme argument le sondage à grande échelle qu'il a réalisé à la mi-avril, révélant que 19 750 IDE étaient alors en arrêt maladie pour cause de Sars-CoV-2, et que 70 000 d'infirmières en activité « auraient présenté des symptômes compatibles avec le Covid-19 ». Circonstance aggravante, selon Florentino Pérez Raya : « Depuis la fin du mois de janvier, le Gouvernement et le ministère de la Santé étaient au courant, au moins de l'existence et de la gravité du virus, alors que les mesures nécessaires n'ont pas été prises pour fournir aux professionnels de la santé les moyens et le matériel nécessaires afin de les protéger. »

À court terme, ni le président du gouvernement ni le ministre de la Santé ne peuvent être inquiétés par cette plainte, puisqu'ils sont protégés par leur immunité parlementaire. Mais l'Ordre des infirmiers promet d'être tenace.

Francis Matéo

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