Covid-19 : En Ehpad, les soignants se préparent au pire | Espace Infirmier
 

17/03/2020

Covid-19 : En Ehpad, les soignants se préparent au pire

Alors que l’épicentre de l’épidémie de coronavirus s’est installé en Europe, la France se confine de plus en plus. En Ehpad, où le virus pourrait faire des ravages, les équipes se mobilisent tant bien que mal.

« Nous n’avons pas attendu le déclenchement du Plan bleu pour suspendre l’intégralité des visites de personnes extérieures », signale Nadine Huss, coordonnatrice des soins de l’hôpital La Grafenbourg, à Brumath (67). Dès lundi 9 mars, la direction de cet établissement limitrophe du Haut-Rhin – où un foyer de contagion est apparu début mars – a en effet décidé de fermer les portes de ces trois Ehpad. S’en sont rapidement suivies les annonces au niveau national, le 11 mars dernier, qui ont mis un terme à toutes les visites non essentielles dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.  

Des règles drastiques respectées à la lettre

« Ce confinement est indispensable, estime Damien, infirmier dans un Ehpad à côté de Bordeaux. Nous accueillons des personnes très vulnérables, avec des pathologies respiratoires lourdes qu’il nous faut protéger à tout prix. » Si toutes les activités “de convenance” faisant intervenir un professionnel extérieur ont cessé jusqu’à nouvel ordre, certaines professions, comme les kinésithérapeutes, les orthophonistes ou les ambulanciers, sont, pour le moment, encore autorisées à faire des allers-retours.

Pour eux, comme pour le personnel soignant, les directives sanitaires sont drastiques : prise de température et questionnaire coronavirus à l’arrivée, port du masque obligatoire, solution hydroalcoolique avant tout contact physique, etc. « C’est exactement la même chose qu’en cas d’épidémie de grippe ou de gastro, les soignants appliquent les précautions gouttelettes et l’hygiène est un peu renforcée », indique Nadine Huss. Damien, lui, n’est pas totalement de cet avis. « Ce n’est pas comparable avec les autres épidémies durant lesquelles on privilégie le confinement des patients entre eux et non pas de l’extérieur. Alors qu’actuellement la structure est isolée mais le déplacement des usagers n’a pas changé. Ça reste un lieu de vie », rappelle le jeune homme.  

Adoucir l'éloignement des familles

Alors que les familles ont pris la mesure de la gravité de cette crise sanitaire sans précédent, il faut désormais composer avec les résidents pour qui l’absence de contact extérieur est difficile. « Depuis que ce virus a été mis au jour, la vie au sein de ma structure s’est arrêtée. Les résidents nous demandent sans cesse quand ils pourront revoir leurs proches. Une de mes patientes m’a raconté que sa fille venait la voir à travers la fenêtre de sa chambre. C’est tellement triste », témoigne Alexandre, aide-soignant.

Pour tenter d’adoucir la situation, certains établissement s’appuient sur les animations, « on accentue les moments musicaux, on danse, témoigne Morgane, IDE dans un Ehpad en Charente. Certains résidents ont tout de même du mal à comprendre. » À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Certains Ehpad envisagent ainsi la mise en place d’un système d’appels par vidéoconférence avec les proches. Mais quid des personnes en fin de vie ? « Pour l’instant, nous n’avons pas autorisé la venue des familles mais nous y réfléchissons. Nous allons voir si une dernière visite pourrait être organisée, avant confinement total », explique Morgane.    

Situation très anxiogène pour les soignants

Reste que les interrogations des personnels soignants sont nombreuses. Des points d’information quotidiens sont certes organisés pour libérer la parole, mais l’inquiétude continue de gagner du terrain, en particulier pour ceux, comme Alexandre, qui sont au contact permanent des résidents. « Je me pose beaucoup de questions sur la façon dont nous allons faire face à ce virus si un patient venait à contracter la maladie. Je ne suis pas sûr que l’isoler suffira. J’ai un enfant de 19 mois à la maison et ma femme est enceinte, je ne veux pas ramener ce truc chez moi », avoue-t-il.

À la lumière des prévisions annoncées, la pénurie de personnel soignant serait pourtant dramatique. Dans ce contexte, la gestion du personnel est une priorité, pour arriver à maintenir l’activité. « Actuellement, il manque déjà chaque jour au moins un ou deux aide-soignants, constate Damien. Pour les remplacer, la direction s’est tournée vers son pool de soignants qui se disent prêts à apporter du renfort. » La résidence Les Jardins de Leysotte, en Gironde, a, quant à elle, rappelé deux soignants tout juste retraités qui viennent prêter main forte aux 18 soignants de l’Ehpad. Ailleurs, comme dans l’Ehpad de Morgane, « nous étions déjà en effectif réduit avec une infirmière  et des AS non remplacés. Il y a aussi une vraie tension au sein des équipes liée à la crainte, très anxiogène, d’être à terme obligés de dormir sur place tout une semaine pour limiter les entrées et sorties, de ne pas pouvoir rentrer chez soi… »   

Protection à durée déterminée

La préoccupation est toutefois plus importante en ce qui concerne le matériel de protection. « Nous ne sommes pas du tout assez équipés en masques chirurgicaux, déplore Julie Lavigne, directrice de l’établissement girondin. Malgré des relances à l’ARS, je n’ai pas eu de retour à ce jour. Pour le reste : nous avons de quoi tenir trois semaines en solution hydroalcoolique et jusqu’à fin mars en produits alimentaires. » La situation décrite par Morgane est pire encore : « Nous n’avons que des masques visiteurs, même pas de masques chirurgicaux, ni FFP2. Des surblouses ont été commandées. »

Damien, de son côté, estime qu’il est bien équipé et protégé. Sans enfant, il se dit même prêt « à faire des heures supplémentaires pour dépanner les collègues qui ne peuvent pas se déplacer ». Même vent d’optimisme à l’hôpital de Brumath, où un cas avéré a pourtant transité le 11 mars : « On réajuste tout le temps, mais on essaie surtout d’anticiper sans créer de psychose, tranquillise Nadine Huss. On pense aussi à nos résidents qui continuent à vivre. »

Eléonore de Vaumas

Les dernières réactions

  • 22/03/2020 à 23:09
    AES 15
    alerter
    Bonsoir en remplacement en ce moment 6 j sur 7 en remplacement en EHPAD privé grand groupe financier connu .y aura t il une prime mérite risque soignant ?

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