Agnès Buzyn : « Aujourd’hui, nous avons une médecine à deux vitesses » | Espace Infirmier
 

19/02/2019

Agnès Buzyn : « Aujourd’hui, nous avons une médecine à deux vitesses »

La ministre des Solidarités et de la Santé a défendu son projet de loi sur la transformation du système de santé dans une série d’interviews, qui l’a menée notamment sur « France inter » le 12 février, veille de la présentation du texte en conseil des ministres.

Partant de la suppression du numerus clausus, via le maillage du territoire pour favoriser l’accès aux soins et enfin s’ouvrant vers une pratique de e-prescription, le futur texte de loi est censé permettre à « chaque Français [de] trouver un professionnel de santé à proximité de son domicile », « notamment des infirmières ». Les 500 à 600 établissements qui, dès 2020, seront labellisés « hôpital de proximité » seront dotés de financements pour effectuer des travaux de modernisation, et seront axés sur la médecine générale, la gériatrie et la réadaptation.

En interview sur France inter le 12 février, Agnès Buzyn a fait le constat du dysfonctionnement global du système de santé : « Aujourd’hui, nous avons une médecine à deux vitesses », déclare-t-elle. Ainsi, le projet de loi, à travers la réorganisation des services de soins, devra « redonner du temps aux médecins », en faisant faire « par tous les professionnels ce que les médecins n’ont pas besoin de faire ».

À l’interrogation d’un auditeur urgentiste, qui mentionne plusieurs décès survenus récemment faute de temps et de moyens, Agnès Buzyn répond que les urgences « sont le réceptacle » de cette désorganisation. En libérant du temps médical, le plan « redonnera du souffle et des moyens à l’hôpital ». La Cour des comptes a rendu début février son rapport annuel, dont le chapitre sur les urgences, titré « Les urgences hospitalières : des services trop sollicités », continue de tirer la sonnette d’alarme. La réponse d’Agnès Buzyn, rendue publique dans ce rapport, rappelle que « les structures des urgences sont depuis plusieurs années soumises à des tensions récurrentes » dont les origines sont, selon la ministre, les « difficultés de recrutement liées à la démographie médicale, la croissance continue de l’activité, les difficultés d’hospitalisation des patients en aval des urgences ».

Vers la reconnaissance des actes réalisés aux urgences ?

Le futur texte de loi prévoit que les médecins pourront s’affranchir de la vaccination, déléguée en pharmacie, et du suivi des malades chroniques, pour lequel sont prévues les futures infirmières de pratique avancée. Cette nouvelle profession, salariée par les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires, sera pratiquée par des « auxiliaires médicaux », « notamment infirmiers ». Il sera donc possible de « facturer à l’Assurance maladie les actes réalisés par l’infirmier de pratique avancée »

Ce point rejoint les préconisations de la Cour des comptes, pour qui « dans de nombreux services d’urgences, la dispensation d’antalgiques par un(e) infirmier(e) diplômé(e) d’État (IDE) est, de fait, déjà pratiquée. L’infirmière d’accueil peut également être autorisée à prescrire des radiographies à l’arrivée du patient, à orienter ceux d’entre eux qui présentent de la petite traumatologie, voire à poser un dispositif d’immobilisation après diagnostic par le médecin. Les services d’urgence constituent un cadre favorable à la mise en place de délégations de tâches, en raison de la possibilité de recourir en permanence à un médecin en cas de difficulté. La définition récente du cadre juridique des pratiques avancées des infirmier(e)s devrait permettre de progresser dans ce domaine, pour autant que leur champ de compétence soit élargi et adapté au contexte spécifique des urgences. »

Côté financements, la Cour des comptes préconisant d’établir une liste de délégations d’actes en faveur des IDE dans les services d’urgences, la ministre répond ainsi : « Il s’agirait d’élargir et de modifier le décret des actes des infirmiers en soins généraux et éventuellement, d’enrichir l'article R. 4311-14 du code de la santé publique. Une telle modification permettrait alors d’intégrer les actes spécifiques à l’urgence soit dans le rôle autonome propre à l’infirmier, soit dans le rôle prescrit de l'infirmier. Cette question pourra être abordée dans le cadre du chantier de la réforme du droit des autorisations de médecine d’urgence en concertation avec les acteurs. » Un nouveau chantier, de nouvelles négociations, avec l’objectif de s’inscrire dans le cadre temporel du plan Macron « Ma santé 2022 », quitte à aller à marche forcée.

Véronique Seignard-Kowalewski

• Voir le rapport annuel de la Cour des comptes ;
• L’interview d’Agnès Buzyn sur « France Inter » ;
• Le projet de loi sur la transformation du système de santé.


Les dernières réactions

  • 20/02/2019 à 18:48
    safyma
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    Plus on en rajoute aux infirmières plus elles bossent avec le même salaire!!!!et toujours aucune vrai reconnaissance salariale...et ces mêmes infirmières sont tellement contentes de jouer au petit médecin!!! et ce à effectif réduit .... quand arrêtera t on de croire que les infirmières doivent faire les soins médicaux à la place des médecins...il faut un nombre suffisent de médecin dans les services d'urgence et obliger le corps médical de s'installer dans les régions ou le besoin existe: stop aux parades qui ne résolvent rien!!!
  • 20/02/2019 à 19:35
    Patou27
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    Déjà en sous effectif dans bien des services,dans l'incapacité de faire face à nos propres tâches,on nous demande a présent d'effectuer celles des médecins,et ce avec le même salaire dont le point d'indice est bloqué depuis 9ans!!!!avec des primes de nuit et de dimanches qui n'ont pas bougé depuis des décennies
    la population croît,vieillit,mais toujours moins de moyens... l'hôpital est bien malade,le système de santé aussi,soumis à des contraintes comptables de la part de bureaucrates qui ne savent rien des difficultés sur le terrain,
    Infirmière depuis 35 ans,moi qui adorait mon metier ,je suis heureuse d'arriver au bout du chemin de ma carrière,ce que je vois aujourd'hui me laisse un goût amer
  • 20/02/2019 à 21:08
    inda
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    il serait d'abord essentiel de déterminer la charge réelle des services. c'est à dire le temps passé auprès des patients. C'est le seul moyen de déterminer les effectifs de personnels soignants en cohérence avec les besoins. Aujourd'hui on établit le nombre de soignants en fonction du nombre de lits? C'est complètement aberrant. Le système ratio est un système qui engendre des sous-effectifs chroniques, des situations d'épuisement des agents et un désintérêt pour ces professions. Sans parler du manque de reconnaissance, des salaires qui sont dérisoires. Il faut arrêter le blablabla et s'occuper de nos hôpitaux...revaloriser les salaires...embaucher massivement...c'est urgent

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