Cancer et sexualité : une IDE brise le tabou

« Dès lors qu’une personne est atteinte d’un cancer, on présume qu’elle n’a plus de sexualité, plus de désir. Les médecins, et plus généralement les soignants, n’osent pas aborder ces sujets et sont le plus souvent mal à l’aise lorsqu’un patient évoque cette question, encore empreinte de tabou », relate Sandra Péchayrand, infirmière d’annonce et de coordination depuis quatre ans au CH de Bligny (91). Animant un programme d’éducation thérapeutique dédié aux femmes placées sous hormonothérapie, l’IDE et sa collègue se sont aperçues que nombre de patientes se questionnaient et les questionnaient sur le sujet et confiaient leurs difficultés dans leur vie intime.

Parole libérée

Les deux IDE imaginent alors un dispositif, dès la consultation d’annonce : proposer à tous les patients -hommes et femmes- qui le souhaitent de rencontrer un soignant formé à l’onco-sexualité pour répondre à leurs questions et, le cas échéant, les orienter, seuls ou en couple, vers une prise en charge spécialisée. « Si les patients rebondissent de suite, nous pourrons mettre en place un accompagnement. Si ce n’est pas le cas, l’important est qu’ils sachent que la possibilité d’en parler librement, et à tout moment, est ouverte », explique Sandra Péchayrand. 

À terme, l’équipe spécialisée -qui sera composée d’un médecin, d’un cadre de santé et des deux IDE- animera une consultation. « L’objectif est de redonner de la confiance aux patients et de leur expliquer que leurs troubles peuvent être dus à la maladie elle-même, à leur état psychologique, aux traitements », dit-elle. « Par exemple, on sait qu’un traitement par hormonothérapie, qui doit être suivi entre 5 et 10 ans, a pour effet indésirable d’entraîner une sécheresse vaginale et que devant cette contrainte, certaines femmes arrêtent leur traitement, avec un risque majoré de récidive. Or, il existe des solutions simples pour corriger ces effets secondaires. Encore faut-il en parler ! »

Sensibilisation des soignants

Les deux IDE veulent aussi sensibiliser l’ensemble des soignants de l’établissement à l’onco-sexualité : « L’idée, précise-t-elle, est que nos collègues n’éludent surtout pas les questions ou qu’ils coupent court au dialogue que veulent engager les patients, afin qu’ils les adressent à l’équipe spécialisée. »

Sensible aux projets infirmiers « visant à améliorer le bien-être, le confort et d’une façon générale, la prise en charge globale des patients », la société Any D’Avray, spécialisée dans la création de substituts capillaires, a récompensé l’initiative portée par Sandra Péchayrand en la désignant lauréate de son 21e prix (1), doté de 7 500 euros. Une somme qui permettra, entre autres, aux deux IDE de suivre une formation de formateur en onco-sexualité. Félicitations !

Françoise Vlaemÿnck

1- Deux prix spéciaux du jury ont également été décernés : le 1er, doté de 3 000 euros, à Déborah Gilquin, IDE au CHU de Toulouse, pour son projet « Bien être en oncogériatrie » ; le second, doté de 1 000 euros, à Joëlle Le Gonidec, IDE à la clinique des Ormeaux au Havre, pour son initiative Cericœur.


Pour aller plus loin, lire l'article "Quid de la vie intime", paru dans le hors série spécial Cancer de L'Infirmière magazine du mois d'avril 2015.