Interview de Sophie Prissette et Catherine Dupuy-Maribas | Espace Infirmier
 

Sophie Prissette (à g.) et Catherine Dupuy-Maribas.

08/06/2016

"La simulation c'est plus que l'apprentissage du geste"

Pour la première fois en français, un livre se penche sur la formation par la simulation des professionnels infirmiers. Les coordinatrices de l'ouvrage, Sophie Prissette et Catherine Dupuy-Maribas, cadres formatrices à l'Ifsi Saint-Joseph (Paris), évoquent cette méthode pédagogique en plein essor.

Espaceinfirmier.fr: Ce livre est le premier en langue française consacré à l’utilisation de la simulation dans les formations paramédicales : quelle est la genèse du livre et comment avez-vous abordé le propos ?

Sophie Prissette : L’idée de cet ouvrage m’est venue lorsque j’ai pris les fonctions de coordonnateur de la formation par la simulation à l’Ifsi. J’ai lu plusieurs articles sur le sujet, certains plus pragmatiques que d’autres. Le guide de la Haute Autorité de santé est très pratique et il donne des repères. L’ouvrage La Simulation en santé, de la théorie à la pratique, est aussi très bien, très complet.

S. P. et Catherine Dupuy-Maribas : Nous avons alors cherché des ouvrages traitant de la simulation en santé et des soins infirmiers. Et nous n’avons trouvé que des livres anglo-saxons. Et malheureusement, les Français lisent peu l’anglais... Aussi, en échangeant avec d’autres formateurs sur leurs organisations pédagogiques, leurs expériences pédagogiques, sur le changement de posture qu’ils devaient adopter auprès des étudiants avec la simulation, nous nous sommes dit qu’il fallait rassembler ces expériences en un endroit.

Ainsi, nous nous sommes mises en quête d’auteurs intéressés et passionnés par ce qu’ils font. Et nous avons eu beaucoup de plaisir à échanger avec eux. On a souhaité que l’ouvrage soit abordé de la façon la plus pratique possible, sans omettre toutefois de s’appuyer sur certains champs théoriques de la pédagogie.


« Jamais la première fois sur un patient » : vous exposez dans le livre la notion d’immersion et d’environnement réaliste pour les étudiants. L’utilisation de simulation dans les Ifsi est donc une vraie révolution pédagogique ?

S. P. et C. D.-M.: Il ne s’agit pas à proprement dit de révolution mais davantage d’évolution de la pédagogie. Les techniques de soins infirmiers sont enseignées dans les Ifsi depuis longtemps, on se remémore les TP lors desquels les « monitrices » nous apprenaient à faire des injections intramusculaires dans des oranges… les moyens ont beaucoup changé. Mais dans cet exemple, il ne s’agit que d’apprentissage de gestes ou de simulation procédurale. Or, la simulation c’est plus que l’apprentissage du geste. Les étudiants apprennent à raisonner avec justesse. Et c’est ce raisonnement qui servira les actions futures.
L’environnement réaliste doit servir le raisonnement, donc la situation de soin pratiquée doit être crédible et s’appuyer sur les preuves reconnues scientifiquement. On veut créer de l’expérience et pouvoir l’analyser. L’apprentissage par l’expérience, par essai/erreur, date de la nuit des temps. C’est ainsi qu’un enfant apprend à marcher. Et c’est l’analyse de la situation de soins qui apporte la compréhension de la situation (notion de contextualisation et décontextualisation).
On espère ainsi que les étudiants puissent transposer ce qu’ils auront appris. Ainsi, « Jamais la première fois sur un patient » est un idéal vers lequel il faut tendre et ne se limite pas à la réalisation d’un acte technique, mais aussi à la rencontre de l’étudiant avec une situation de soin singulière.


Le livre ne concerne pas que les études infirmières : vous insistez sur la grande transversalité de la méthode…

La pédagogie par la simulation permet de former les futurs professionnels à des procédures, de développer leurs compétences techniques et non techniques, comme le travail en équipe et la communication, mais aussi d’analyser sa pratique entre pairs lors des débriefings. On peut également parler de gestion des risques en reprenant des événements indésirables ou en préparant les apprenants à faire face à des situations à risque pour le patient. On voit donc que les infirmières ne sont pas les seuls concernées et que ce type de pédagogie est applicable dans toutes les formations initiales des professionnels de santé.
Mais ce type d’apprentissage est adapté également à la formation continue des professionnels. Il peut concerner par exemple la réactualisation de connaissances mais aussi l’acquisition d’une meilleure posture soignante en étant confronté en équipe à des situations de soin complexes. Les soignants gagneront en habileté, en confiance en soi et donc en compétence.
Sans oublier l’importance de la collaboration interprofessionnelle dans le domaine de la santé pour laquelle il est indispensable d’acquérir des compétences afin de travailler efficacement en équipe et de coordonner la prise en charge du patient avec les différents professionnels de santé.

Vous avez construit ce livre à la fois comme une réflexion pédagogique et comme un guide pratique : à qui destinez-vous l’ouvrage ?

À tous ceux qui aiment le métier de soignant et la pédagogie. À tous ceux qui ont envie de faire progresser les compétences des infirmières, aides-soignantes. Aux cadres de santé, formateurs ou non.
Mais également à tous les tuteurs de stage, car débriefer un étudiant est extrêmement important pour qu’il comprenne ses actions, bonnes ou mauvaises. Il faut que l’étudiant comprenne quel est son niveau pour pouvoir progresser et atteindre le niveau supérieur.

Propos recueillis par Emmanuelle Lionnet


Formation par la simulation et soins infirmiers, Éd. Lamarre, mai 2016, 30 euros.

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