Intérêts d’une démarche qualité en douleur - Objectif Soins & Management n° 262 du 01/04/2018 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins_Hors série n° 262 du 01/04/2018

 

PROMOTION DE LA SANTÉ

Promotion de la santé

Virginie Piano*   Pascale Thibault**  

Le champ de la douleur constitue un axe de travail et d’évaluation des pratiques professionnelles de choix au sein d’une institution sanitaire. D’une part, ce symptôme concerne de nombreux patients et la plupart des secteurs d’hospitalisation. D’autre part, la douleur est un des éléments phare de la démarche qualité et s’adapte à de nombreux outils d’évaluation des pratiques professionnelles, alliant aisément la clinique à la démarche qualité.

Il existe dans le domaine de la prévention et du traitement des douleurs de multiples recommandations, auxquelles les professionnels peuvent se référer en fonction du type de patients accueillis dans leur secteur d’activité. Depuis de nombreuses années déjà, des exemples d’évaluation des pratiques professionnelles se sont développés et ont été diffusés, avant même le développement de la démarche qualité en santé(1).

LES PREREQUIS

La douleur est un phénomène complexe et il est préférable de parler aujourd’hui des douleurs plutôt que de la douleur. Évaluer la qualité de la prise en charge de ce symptôme implique en premier lieu d’identifier les différents types de douleurs, leurs spécificités, et le contexte d’accueil des patients : douleurs liées aux soins, douleurs postopératoires, douleurs du patient âgé, douleurs liées à une pathologie précise (diabète, pathologie neurodégénérative…), etc.

Si tous les types de douleur sont le plus souvent présents au sein d’un établissement de santé, tous ne le sont pas dans tous les services. Ainsi lors de la mise en place de démarches qualité est-il important et nécessaire de se centrer sur les particularités liées aux patients accueillis dans un service précis. Et parmi ces spécificités, identifier les questions prégnantes, prioritaires.

En effet, pour favoriser la réussite d’une démarche qualité, il est souhaitable de hiérarchiser les risques, d’identifier les priorités, d’accepter de ne pas tout traiter et résoudre en même temps, d’avancer progressivement, en soulignant, en particulier auprès des équipes, les réussites, les progrès.

UNE DEMARCHE D’EVALUATION FACILITEE

Dans le domaine de la douleur, même s’il reste beaucoup à comprendre et de multiples champs de recherche, de nombreuses recommandations existent, auxquelles les équipes peuvent se référer pour établir leurs règles de bonne pratique. Celles-ci sont facilement accessibles sur le site de la Société française d’étude et de traitement de la douleur(2).

L’évaluation de la qualité dans le champ de la douleur doit être source de plaisir, de satisfaction. Il est intéressant de chercher à l’inscrire dans le quotidien des équipes et non comme une charge supplémentaire. Cela est facilité par l’utilisation d’outils existants.

Concernant les méthodes d’évaluation de la qualité utilisables dans ce contexte, elles sont multiples et variées, adaptables en fonction du type de douleur, du service, des questions les plus prégnantes. On distingue l’audit, l’audit ciblé, le patient traceur, le chemin clinique, la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), le staff « évaluation des pratiques professionnelles » (EPP), le comité de retour d’expérience (CREX), la revue de morbidité-mortalité (RMM), la revue de pertinence, l’accréditation des médecins et équipes médicales.

Ces méthodes sont dotées d’outils déjà formalisés mis à disposition des équipes par la HAS(3) et la diffusion d’évaluation des pratiques mises en œuvre par d’autres services ou établissements dans le cadre de publications(4-6) en facilite l’appropriation.

L’évaluation des pratiques professionnelles permet l’élaboration de protocoles qu’il faut savoir sélectionner, contrôler régulièrement, rendre utiles, utilisables et utiliser parce qu’ils sont adaptés au secteur, disponibles et accessibles, connus et maîtrisés par les acteurs concernés.

Dès la mise en œuvre d’une démarche qualité, il est intéressant d’en prévoir la réévaluation. Celle-ci est facilitée grâce à l’informatisation des outils de recueil des données. Le suivi d’une démarche qualité est alors aisé et continu. Il ne s’agit plus seulement de produire un résultat pour la visite de certification, mais bien d’être en capacité d’identifier à tout moment la qualité de la prise en charge de la douleur pour les patients hospitalisés.

LES INTERETS D’UNE DEMARCHE D’EVALUATION DE LA QUALITE REUSSIE

Évaluer les pratiques professionnelles dans le champ de la douleur constitue un exercice porteur à bien des égards au sein d’une équipe : il favorise la compréhension et l’acceptation de la démarche qualité parce qu’elle s’ancre dans la clinique, la rend aisée et peu consommatrice de temps grâce à la maîtrise des différentes étapes.

Par ailleurs, cette démarche permet l’entretien du compte qualité de l’établissement, d’identifier les progrès réalisés dans le cadre de la prévention et/ou du traitement des douleurs, domaine en constante évolution.

L’EVALUATION DES DOULEURS LIEES AUX SOINS

Faire le choix d’évaluer la qualité de la prévention et du traitement des douleurs liées aux soins permet d’identifier un thème transversal au sein d’un établissement.

Les soins douloureux existent dans la plupart des services ; ils font l’objet de recommandations, les soignants disposent de moyens de prévention des douleurs induites.

Ce choix permet de fédérer au sein des équipes soignantes, des pôles, d’impliquer l’ensemble des instances : Clud, cellule qualité, commission médicale d’établissement, correspondants douleur (professionnels dans un service référent « douleur » afin de diffuser les bonnes pratiques).

Les douleurs liées aux soins représentent un domaine de la douleur qui concerne tous les acteurs de la prise en charge : médecin, infirmier, aide-soignant, kinésithérapeute, brancardier, manipulateur en électroradiologie, etc. La prévention et le traitement des douleurs liées aux soins permettent donc de rassembler autour de ce sujet prégnant et de valoriser tous les soignants.

Le chemin clinique, qui doit être identifié en fonction du service, des soins les plus fréquents, des moyens antalgiques disponibles, adaptés, maîtrisés, est aisément identifiable pour les situations cliniques les plus fréquentes dans chaque unité de soin.

EN CONCLUSION

Développer la démarche qualité dans le champ de la prévention et du traitement des douleurs présente de multiples intérêts, tant pour le patient que pour les soignants. Prévenir et traiter les douleurs au regard des recommandations de bonne pratique améliore indéniablement la qualité des soins, la qualité de vie du patient, et contribue de ce fait à sa « bientraitance ». Du point de vue des soignants, cela valorise leurs compétences et diminue les risques d’épuisement professionnel, l’évaluation de leurs actions leur permettant d’identifier qu’elles sont en adéquation avec leurs valeurs soignantes : soulager les patients, diminuer leurs souffrances.

NOTES

(1) Érik Vassort, Jocelyne Le Gall, Douleur. Programme d’amélioration de la qualité. Mode d’emploi, Paris, Masson, 2003.

(2) Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) : www.sfetd-douleur.org

(3) Référentiels HAS : www.has-sante.fr

(4) Delphine Casalini, Didier Marchand, Françoise Maurice, Olivia Brelerut, Virginie Piano, « Abécédaire de la qualité : douleur liée aux soins », Douleurs – Évaluation – Diagnostic – Traitement, 2016, vol. 17, n° 6, p. 306-310.

(5) Virginie Piano, Olivier Rabary, Michel Lanter-Minet, « Chemin clinique d’un hôpital de jour dans le département d’évaluation et de traitement de la douleur-médecine palliative de Nice : amélioration des pratiques et analyse médico-économique. Traitement des douleurs chroniques rebelles par la lidocaïne intraveineuse », Douleurs – Évaluation – Diagnostic – Traitement, 2010, vol. 11, n° 3, p. 107-115.

(6) Didier Marchand, Delphine Casalini, Nathalie Mary, Olivia Brelurut, Virginie Piano, « Utilisation des recommandations douleur pour faire son évaluation des pratiques professionnelles », Douleurs – Évaluation – Diagnostic – Traitement, 2016, vol. 17, n° 2, p. 77-85.

(7) Florentin Clère, Évelyne Blondet, François Christiann, Sébastien Desfosses, Marielle Grignon, Franck Henry et al., Douleur et évaluation des pratiques professionnelles, Rueil-Malmaison : Institut UPSA de la douleur, 2011.

À retenir

• La première EPP est toujours la plus difficile car il faut l’initier dans un emploi du temps chargé et avec une équipe pas toujours motivée pour débuter un tel projet.

• Il est conseillé de partir d’EPP déjà existantes, avec l’aide des documents à remplir fournis par la HAS.

• Dans le cadre des douleurs, des EPP clés en main sont disponibles(7).

• La première EPP lancée, les mises à jour sont faciles à réaliser et ne prennent pas plus d’une demi-journée (si préparées en amont).

• Disposer de résultats issus d’une EPP constitue un atout essentiel pour discuter en équipe médico-soignante d’une thématique importante et permettre des échanges.