Promouvoir la simulation - Objectif Soins & Management n° 248 du 01/09/2016 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins_Hors série n° 248 du 01/09/2016

 

Promotion de la santé

Érick Plassart*   Agnès Bocquet**  

La simulation en santé évolue et commence à se répandre. Ainsi, en promotion de la santé, deux expériences très différentes vous sont proposées.

Le traumatisme psychique : une urgence à traiter en commun

Lors d’un nouvel exercice de simulation de masse type séisme en mars 2016, l’Ifsi (Institut de formation en soins infirmiers) du Centre hospitalier Annecy Genevois et le Sdis 74 (Service départementale incendie et secours) ont intégré pour la première fois les effectifs de la CUMP 74 (Cellule d’urgence médico-psychologique).

Depuis une dizaine d’années, une attention particulière est consacrée aux conséquences psychiques qui peuvent survenir chez les personnes exposées à des événements graves et choquants. Ces prises en charge très rapides de l’urgence psychologique permettent de prévenir l’ESPT (État de stress post-traumatique) et d’organiser le suivi. Les derniers événements (attentats à Paris et Bruxelles) et les bilans des prises en charge effectuées confortent l’intérêt d’inclure, dans un exercice de catastrophe, des professionnels de la prise en charge psycho-traumatique. De plus, il est aussi fréquent que les sauveteurs ou soignants présentent des symptômes de stress post-traumatique. Il est essentiel qu’ils puissent aborder ces problématiques et prendre conscience des risques inhérents à leurs rôles et missions.

RESITUER LE SUJET

La technique de prise en charge immédiate type defusing, sorte de déchoquage psychologique, vise à désamorcer l’angoisse et le stress, grâce à une attention soutenue et des paroles visant à resituer le sujet dans une communauté d’êtres humains. « Il s’agit de permettre à la victime de reprendre pied avec une certaine forme de réalité, de l’aider à se soustraire du vécu de perte d’identité, de projection dans un univers d’hostilité, voire d’inhumanité. »(1)

L’intervention psychologique post-traumatique s’effectue dans les premières heures du traumatisme et se caractérise par un premier paradoxe. Il n’y a pas de demande implicite ou explicite des victimes. Les deux axes majeurs sont l’approche de l’état de stress adapté (réaction de défense de l’individu face à une agression qui concerne 80 % des états observés sur le terrain) et de l’état de stress dépassé (réaction immédiate inadaptée quand les réserves de l’organisme sont épuisées ou que le sujet est fragilisé). Elles se traduisent le plus souvent par des réactions de sidération (immobilisme dans le danger), d’agitation (hyperactivité stérile), de fuite panique (fuite en avant) ou d’activités automatiques (gestes stéréotypés, comportements répétitifs inefficaces ou incongrus).

Cette mise en œuvre a développé pour la CUMP l’approche de la réalité des vécus des victimes. Ainsi, au final, ce sont près de soixante victimes qui ont ainsi été vues, avec une majorité de stress adapté, et quelques situations de stress dépassé. Cette simulation, conformément à ce qu’évoque Wittorski(2), aura sans doute permis une triple professionnalisation des acteurs, des activités et des organisations.

Les volontaires CUMP ont pu à la fois travailler leur adaptabilité, leur réactivité et leurs capacités à rapidement prendre en charge la souffrance psychique, identifier les sujets à risque tout en progressant sur leur confiance en eux. Tous, volontaires CUMP, étudiants comme pompiers, auront pu identifier leurs propres difficultés et limites dans la gestion de ce type de situation.

Aussi cette première expérience aura été l’occasion d’initier une collaboration adaptée et efficace entre les intervenants grâce à une meilleure connaissance des apports de chacun. Véritable outil de développement des compétences, cet exercice aura enfin permis d’insister auprès des différents acteurs sur l’importance du tri psychique et de la prise en charge de chaque impliqué. L’urgence psychique reste certes moins urgente que l’urgence somatique mais, “oubliée”, elle est susceptible d’entraîner de lourdes séquelles et des coûts (humain, social et financier) importants.

La simulation en formation aide-soignante

La mise en place de la simulation s’inscrit dans le projet pédagogique de l’Ifsi d’Annecy. Proposée dans un premier temps aux étudiants infirmiers, elle a naturellement trouvé sa place dans la formation des élèves aides-soignants.

Quel module ? Quelle compétence ? Quelle complexité ? Dans le cadre du module 1 relatif à l’accompagnement de la personne dans les actes de la vie quotidienne, notre choix s’est porté rapidement sur l’une des missions journalières de l’aide-soignant : l’aide au repas. Activité répétée et parfois complexe, le scénario retenu a été celui de la gestion des troubles alimentaires et plus précisément du risque de “fausse route”.

Nos objectifs étaient multiples :

• identifier les paramètres en lien avec l’installation de la personne pour le temps du repas,

• accompagner un patient requérant une aide partielle,

• reconnaître les signes cliniques de la fausse route,

• proposer une attitude adaptée.

Un scénario évolutif a donc été proposé aux élèves qui devaient, dans un premier temps, se renseigner sur les habitudes alimentaires de la personne et l’installer confortablement pour le déjeuner, puis, dans un second temps, constater un changement d’état clinique et réagir de façon appropriée. Deux formateurs étaient présents pour chaque séance. L’un était “facilitateur”, l’autre jouait le rôle d’une personne âgée. Dans l’optique de se rapprocher au plus près de la réalité, un travail de collaboration a été réalisé avec le responsable de la cuisine du Centre hospitalier Annecy Genevois. Des plateaux repas ont été mis à notre disposition. Une chambre a également été reconstituée au sein d’une salle de pratique. Le bilan effectué par les élèves a mis en exergue les bénéfices de cette méthode pédagogique. Certains ont souligné l’intérêt de « se retrouver en situation » et « d’apprendre à gérer [leur] stress », d’autres ont évoqué cette possibilité de « tester [leurs] réactions en situation difficile » dans un cadre sécurisant. Les élèves observateurs ont également mesuré l’intérêt de pouvoir « imaginer ce qu’ils auraient fait ». Pour les formateurs, cette séquence a permis une réflexion sur les invariants et les variables liés à la situation proposée. Le temps de débriefing reste un temps fort pour travailler la pratique réflexive.

L’une des difficultés rencontrées fut le rôle joué par le formateur lors de la séquence. Jouer en interaction avec l’un de ses enseignants peut engendrer une forme de gêne chez l’élève. De plus, la présence des autres élèves, observateurs, reste perçue comme un facteur de stress non négligeable. Au regard de ces remarques, le recours à des comédiens ou autres acteurs (étudiants infirmiers) semble être une piste d’amélioration. La qualité du grimage de la personne âgée en est une autre. Enfin, l’acquisition récente de matériel vidéo nous permet d’envisager une organisation différente de la mise en situation. Permettre à l’élève de se retrouver seul en interaction avec le patient diminuerait certainement la pression générée par la présence du groupe. L’expérience ayant été concluante, cette méthode pédagogique est désormais déployée dans le cadre d’autres modules. Nous avons notamment conçu des séquences sur la réalisation de la toilette et la prise des paramètres vitaux. L’utilisation de mannequins de basse et haute-fidélité est venue compléter notre dispositif. La simulation est désormais intégrée dans la formation que nous proposons aux élèves aides-soignants.

NOTES

(1) Briole G, Lafon B. Émoi et traumatisme psychique. Ann Med Psychol (Paris) 1998.

(2) Wittorski (2005) Formation, travail et professionnalisation, Paris: L’Harmattan, pp.29-4.