Du bon usage du contrôle à une éthique du contrôle - Objectif Soins & Management n° 261 du 01/02/2018 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 261 du 01/02/2018

 

Éthique

Marie-Claude Miremont*   Jacqueline Moye**  

Le contrôle est au centre du développement de l'être humain, depuis sa naissance : contrôle physiologique pour vérifier les conditions de sa croissance, puis contrôle scolaire pour valider sa capacité à poursuivre des études et s'orienter vers un métier, jusqu'à l'évaluation des compétences comme facteur clé du développement professionnel et constitutif de l'identité managériale.

Cette fonction est complexe et les managers, bien que conscients de son utilité, sont parfois peu enclins à envisager leur mission sous cet angle.

Comment alors aborder la notion du contrôle, quels sont les risques d'un mauvais contrôle, quels sont les outils et les conditions d'un contrôle efficace, comment combiner contrôle et autonomie pour permettre l'innovation dont les organisations hospitalières ont cruellement besoin... sans y perdre son âme ? Telles sont les questions abordées dans cet article.

Vers un bon usage du contrôle par les cadres de santé

Contrôler : pourquoi et pour quoi ?

Pour l'ingénieur Henry Fayol, précurseur français du management, le « contrôle » est une des cinq activités fondamentales (1) de tout chef d'entreprise. Elle consiste à vérifier l'application du programme d'actions, des procédures, des ordres et est indissociable de la notion de sanction. Le contrôle fait lui-même l'objet de procédures rigoureuses. L'HAS caractérise le management à partir de cinq fonctions : prévoir, organiser, décider, motiver, évaluer. Pour ce qui concerne l'évaluation, sont décrits les champs d'application, sans que soit apportée une définition de l'évaluation. Le contrôle est défini (Le Robert) comme une vérification, une inspection (contrôle d'identité, contrôle de comptabilité, de connaissances), un examen pour surveiller ou vérifier ; c'est également le fait de maîtriser ou de chercher à maîtriser... y compris soi-même (se contrôler, rester maître de soi). Nous pouvons retenir de cette définition cette notion de recherche de maîtrise, de vérification et d'inspection. L'évaluation renvoie à une notion de fixation ou d'appréciation de la valeur donc à plus de subjectivité.

Au-delà de la définition, nous pouvons considérer le rôle du contrôle de manière systémique. En effet, il permet de mesurer l'efficacité d'une organisation, d'apprécier les résultats obtenus au regard des objectifs fixés par les différents projets institutionnels. Cela signifie, et impose, qu'en amont du contrôle soient déterminées des normes qui serviront de référentiel pour mesurer les écarts, au regard des attendus, et apprécier le chemin parcouru.

Le cadre étant ainsi fixé, le contrôle permet alors de :

• vérifier les conditions d'exécution des décisions de la hiérarchie, des procédures existantes, des informations reçues ;

• mesurer des écarts entre les performances observées et celles attendues ;

• mettre en place des actions correctives ;

• définir les modalités de récompense pour valoriser les réussites et développer la motivation.

La fonction contrôle est au cœur des pratiques managériales (hyper ou hypocontrôle)

La fonction contrôle est au cœur de la mission des cadres hospitaliers : « Tout manager a pour mission de mettre en œuvre les moyens techniques, financiers et humains dont il dispose pour atteindre ses objectifs. Il y parvient en assumant des fonctions de : direction, planification, organisation, contrôle » (2). Cependant cette fonction, bien qu'essentielle, reste un sujet sensible voire dénigré par les managers car elle est souvent associée à une attitude inquisitrice, à une mise en cause personnelle, à un manque de confiance. Ce rôle du manager est souvent mal vécu par les cadres de santé.

De plus, les formations en management abordent peu la notion de contrôle et préparent insuffisamment les cadres de santé à assurer cette dimension de leur fonction. Il en résulte soit un manque de contrôle, soit un hypercontrôle, avec des conséquences parfois désastreuses sur le fonctionnement du service, sur l'ambiance, et sur les résultats. Les risques liés à la défaillance de la fonction contrôle sont multiples : le premier est de ne pas contrôler et d'éviter la remise en question, nécessaire, d'une organisation qui, face à la complexité croissante du système, n'est plus adaptée au contexte. Les causes peuvent être diverses : excès de confiance, habitudes, ou même méconnaissance d'un contexte en pleine mutation.

Un autre risque réside dans la mauvaise définition des normes et procédures de contrôle. Leur explicitation, en équipe, peut être cependant un formidable fédérateur des énergies, participer à développer la motivation et favoriser l'intelligence collective.

Les réformes qui touchent l'hôpital impactent la fonction contrôle du cadre de santé en intensifiant les modes de contrôle face aux exigences économiques et de qualité. A contrario, certains cadres de santé, en perte de repère et de sens, suite à ces changements, s'engagent dans un management affectif, avec une peur de la confrontation qui rend très difficile la fonction contrôle. Or le manque de contrôle peut générer, au sein des équipes, un sentiment d'insécurité, ce qui en retour met le cadre en difficulté et est un frein à la cohésion de son unité.

Le risque de l'excès de contrôle est tout aussi néfaste puisqu'il maintient les agents dans une logique de soumission, de crainte ou de rébellion face à un cadre rigide qui ne développe pas l'autonomie ni la prise d'initiative.

Alors que contrôler et comment ?

La fonction contrôle du manager est vaste car elle doit s'exercer à plusieurs niveaux et exige des compétences multiples :

• le contrôle des résultats s'appuie sur le triptyque : coûts, qualité, délais ;

• le contrôle des processus de travail concerne la relation entre les acteurs, les règles de jeu et la démarche retenue pour parvenir au résultat ;

• le contrôle des actions et des comportements permet d'évaluer la capacité à gérer des situations imprévues, des prises de risque, la communication interpersonnelle...

Ces niveaux de contrôle portent à la fois sur du quantitatif et du qualitatif. Le contrôle quantitatif exige des données mesurables, et techniquement présente moins de difficultés. Le contrôle qualitatif, plus complexe à définir, est cependant indispensable pour mesurer la qualité du travail et le professionnalisme, en appréciant le comportement des agents en équipe pluridisciplinaire, avec les patients, en clientèle, mais aussi leur implication dans des projets transverses. Il est plus subjectif et se rapproche de l'évaluation dans le sens où il s'agit d'identifier la valeur ou un « niveau » de valeur : l'empathie, la disponibilité, le care...

Selon David Autissier (3), les mutations socio-économiques des contextes de travail ont conduit « à une remise en cause progressive des fondements rationnels, homéostatiques et fonctionnalistes des modèles traditionnels du contrôle ». De ce fait, « le contrôle doit s'orienter vers des approches qui lui permettent d'intégrer les principes de transversalité, de flexibilité et de savoir collectif ». Ainsi plus les outils et procédures de contrôle sont élaborés avec le collectif de travail, au sein de l'unité ou pour des projets transversaux, dans l'interdépendance, plus l'appropriation du contrôle par les agents est possible et s'inscrit dans une logique de développement de l'organisation. Par ailleurs, il convient d'évaluer non le résultat en lui-même mais la progression. Pour le cadre, il s'agit de s'inscrire, avec son unité et ses partenaires, dans une logique de remise en question et d'évolution, à partir des réussites et des difficultés individuelles et collectives. Ainsi la fonction contrôle est un des fondements de l'intelligence collective et invite tout manager, son équipe et les fonctions associées à poser des questions pertinentes pour adapter la structure aux nouvelles exigences. Minimiser ou occulter cette fonction revient à mettre en danger l'organisation.

Comme nous l'avons indiqué précédemment, le champ sur lequel s'exerce le contrôle opérationnel est très vaste. Les outils sont donc nombreux mais restent très dépendants de la culture managériale de l'établissement insufflée par l'équipe de direction et des processus existants : ce sont les processus « qualité et sécurité », les modes de conduite de projet, le processus budgétaire. À titre d'exemples, nous pouvons citer plusieurs champs non exhaustifs du contrôle : rapports d'activités, bilans, indicateurs, retours d'expériences, observations, feedbacks, entretiens en face à face, recadrages, entretiens professionnels, etc. La qualité avec laquelle cette fonction s'exerce reste un facteur déterminant de succès.

Un bon contrôle... un contrôle pensé !

Le contrôle doit avoir du sens. Le sens « direction » avec, comme nous l'avons précédemment indiqué, des objectifs définis au préalable. Le sens comme finalité : pour quoi contrôler ? Cette question peut se révéler absente, pour les cadres de santé, du fait d'un mode de fonctionnement souvent très hiérarchique et pyramidal des organisations hospitalières. Faute d'inscrire le contrôle dans un système plus global, où les cadres de santé sont fortement parties prenantes, le risque est grand de scléroser les modes de fonctionnement et d'éviter une remise en question nécessaire dans un contexte évolutif. Mais le contrôle doit, également, être simple ; les contrôles compliqués sont très souvent inefficaces. Les processus complexes peuvent rassurer les directions mais aboutir à des tableaux très détaillés, souvent inexploitables, du fait d'une interprétation difficile, voire erronée. Ils sont alors décriés dans les services, car consommateurs de temps et d'énergie au détriment du cœur de métier qu'est le soin. Un contrôle « bien pensé » et « bien fait » permet de développer l'« agilité » – au sens défini par Éric Alonso (4) – des organisations hospitalières, quel que soit le contexte de complexité et d'incertitude, afin de développer flexibilité, réactivité et renouveau face à la crise économique.

Enfin les contrôles doivent être opérationnels, centrés sur l'action. Et ce d'autant plus que, comme l'indique Christophe Dejours (5), nous avons en France un rapport très affectif au travail. Il convient donc d'évaluer l'activité et les façons de faire par rapport à un résultat attendu et non par rapport à une personne. Le contrôle est alors à envisager sous le prisme de l'éthique pour une éthique du contrôle et des contrôles éthiques.

De l'éthique du contrôle au contrôle éthique

L'éthique et le management

Nous sommes passés d'une médecine de soins, identifiés comme un art, à la protocolisation incontournable des décisions, des actes, des processus organisationnels. Il ne s'agit pas ici de contester le bien-fondé de « bonnes pratiques » pour un cadre thérapeutique secure. Mais l'hyper-rationalisation ne doit pas faire oublier que l'être humain est avant tout sujet et singulier.

L'éthique oblige à penser ses actes à la recherche de sens : en quoi ce que nous faisons a du sens ? quel sens cela a ? cette décision est-elle juste ? L'éthique questionne aussi les lois et les règles à la recherche d'épanouissement et du bonheur de tous... ou d'une majorité. À l'hôpital, le questionnement éthique sur le management est un regard sur les comportements et les actes en regard de valeurs humanistes.

Paul Ricoeur (6) définit l'éthique comme étant le bien, le bon et le juste sur deux axes, celui des règles et des normes (nécessaires à la vie sociale, au vivre ensemble) et celui de la recherche du bonheur. Les règles sont structurantes – « je suis obligé de... » – ce qui n'empêche pas d'interroger le « pourquoi je suis obligé de... » ; appliquer la norme ne doit pas empêcher de penser. Mais l'humain, en tant qu'humain, a le désir de s'accomplir, d'être heureux, il a envie d'une vie qui a du sens. L'éthique est alors ce cheminement, entre des règles, des normes et un désir de bien vivre. Le désir de bien vivre peut le faire sortir de la règle et donc devenir dangereux pour lui et pour autrui. Ricoeur, encore, place l'éthique comme « le rapport au bien-vivre », la morale comme le rapport à l'obligatoire, et propose un autre niveau qu'il nomme la « sagesse pratique ». Celle-ci, sur le plan comportemental, correspondrait au « comment je m'en sors entre des règles et une recherche du bien-vivre ». À chacun de ces trois niveaux, que sont l'éthique, la morale et la « sagesse pratique », il associe trois rythmes, soi-même, autrui proche et le tiers. Cela nous apparaît important pour ce qui concerne le cadre de proximité. En effet, appliqué à la fonction contrôle, cela peut signifier que dans une démarche éthique, il doit regarder quel contrôle il porte sur lui-même, sur autrui proche – les agents –, et sur le tiers – le patient, mais aussi l'institution et la hiérarchie dans l'institution (voir le schéma ci-dessous).

Pour une éthique du contrôle

Ainsi, au regard de ce modèle, l'éthique du contrôle, dans une organisation du travail hospitalier, serait la recherche du bien-vivre, dans un cadre de normes et de règles à respecter. Entre la recherche du bien-vivre pour les agents et le respect de règles et de normes pour le « travailler ensemble » et pour la personne soignée, la « sagesse pratique » est, alors, cette attitude qui oscille entre la prudence ou le courage en situation. C'est questionner son positionnement vis-à-vis de la hiérarchie et de l'institution et assurer le contrôle relativement aux objectifs de changements qui émanent d'eux, en toute loyauté, en lien avec son rôle et sa mission (voir le schéma ci-dessous).

Mais nous entendons régulièrement les cadres de proximité dire qu'ils ont un sentiment de « ne plus être en accord avec leurs valeurs » quand ils managent. La focalisation sur l'économique perturbe et semble prendre le pas sur les valeurs humaines. Il est vrai que nous sommes passés en quelques années du slogan « la santé n'a pas de prix » à interroger, à l'hôpital, la rentabilité d'un malade. Comment passer du sentiment d'injonctions paradoxales à la possibilité de « reliance » entre la recherche de la pérennité d'un système, la rigueur économique que cela nécessite et le maintien de soins empreints d'humanité.

Pour une éthique du contrôle un premier niveau serait donc de s'interroger sur la loyauté, le respect vis-à-vis de l'institution et de sa mission. Le deuxième niveau serait de garder une vigilance sur l'effet constaté sur les soins. Le cadre de proximité a un devoir de vigilance, vis-à-vis des règles et injonctions pensées à distance du terrain, sur leur faisabilité et sur les impacts potentiellement délétères pour les hommes que sont les patients et les agents. Il lui revient d'oser dire, d'avoir le courage d'oser faire remonter, vers les directions, les impacts de règles pouvant être contre-productifs, voire délétères pour les professionnels et/ou les patients.

Ainsi une éthique du contrôle devient le questionnement sur le sens de la fonction contrôle, le sens de tel ou tel contrôle et la mobilisation d'une certaine « sagesse pratique » à la recherche d'un positionnement juste entre normes et désirs des agents.

Qu'en est-il alors du processus même et qu'est-ce qui permet de dire d'un contrôle qu'il est éthique ? Nous proposons d'aborder cette question à partir de trois pôles : la méfiance, la confiance et l'autonomie.

Vers une éthique du contrôle

Michela Marzano (7) soutient la thèse que nous sommes, en Occident, dans une société de méfiance. Comment réinvestir la confiance et quel degré d'autonomie possible pour cela ? Qu'est-ce qui va faire que je fais confiance ou que je me méfie ? Pour cette philosophe, les peurs et la capacité ou la difficulté à assumer ses peurs orientent l'être humain vers la confiance ou la méfiance. Ainsi la confiance en soi et en ses capacités est le fondement du « pari » de la confiance vis-à-vis d'autrui. L'application de cette conception à une activité de contrôle implique qu'un contrôle peut être inadapté par manque de confiance en soi. La question de la confiance est au centre de la manière dont le contrôle va être assuré et questionne les peurs du manager, pouvant aller jusqu'à l'image assez caricaturale des « winners » qui contrôlent tout et des « loosers » qui sont dans le laisser-faire.

La fonction contrôle peut ainsi fluctuer entre la confiance accordée à autrui, avec une grande autonomie laissée – dans ce cas de figure, le contrôle devient plutôt une vigilance – et la méfiance (ou manque de confiance), avec un hypercontrôle, et la recherche d'une maîtrise absolue de la situation et d'autrui en situation. Or, il est généralement admis que l'implication individuelle est reliée à l'autonomie, plus l'agent perçoit une large autonomie plus il peut être créatif et force de propositions.

Avoir l'audace de faire confiance

Un contrôle éthique est un contrôle qui laisse la porte ouverte à la possibilité de faire différemment. Philippe Gabillet (8) explique que nous pouvons fonctionner en restant dans une certaine « zone de confort ». Quand nous fonctionnons dans notre zone de confort, nous sommes dans la routine, nous ne sommes pas dans la progression, le développement, mais c'est sécurisant. Ainsi, en fonction de qui je suis, je peux être dans l'hypercontrôle et être dans ma zone de confort lorsque je maîtrise très fortement ce que je fais et ce que fait l'autre : je suis dans ma zone de confort en hypercontrôlant. Pour d'autres, la zone de confort est plutôt dans le « laisser-faire ». Le laisser-faire par peur de confronter, peur du conflit. Mais l'investissement fort de valeurs telles que le respect de l'autonomie de l'autre, la considération que l'autre est adulte et responsable peuvent donner, aussi, le sentiment que le management est plutôt de type « laisser faire ». Un management de type « laisser faire » peut donc, également, correspondre à la zone de confort de ces managers. Ainsi, dans leur zone de confort, un manager peut être « hypercontrôlant » alors qu'un autre développe le « laisser-faire ».

Pour Philippe Gabillet, sortir de sa zone de confort c'est entrer dans une zone d'incertitude. Nous pouvons imaginer que pour l'« hypercontrôlant », développer le faire-confiance, c'est accéder à sa zone d'incertitude, alors que pour le manager « laisser-faire », ce sera apprendre à confronter ou être en capacité de mener un entretien de recadrage. Un contrôle éthique, c'est faire le pari de la confiance, tout en ayant le courage, nécessaire, à la confrontation. Il est important donc d'identifier sa zone de confort pour savoir et pouvoir en sortir, mais également vérifier que les compétences pour faire différemment sont bien là, et avoir défini les moyens et la démarche pour sortir de sa zone de confort, avec une prise de risque mesurée. C'est en fait sur un plan philosophique mobiliser à la fois courage et prudence. Quand je décide de donner à l'autre plus d'autonomie, cela signifie que je vais diminuer le contrôle, mais en maintenant la vigilance.

Savoir équilibrer contrôle et autonomie

Contrôle et vigilance ne répondront pas aux mêmes indicateurs. Prenons cette représentation classique en gestion des ressources humaines qui consiste à positionner les agents selon deux axes : l'axe motivation et l'axe compétence. Quatre positions sont alors possibles : compétent/motivé, compétent/non motivé, incompétent/non motivé, incompétent/motivé (voir le schéma ci-après). Il semble évident au regard de cette matrice que le contrôle doit être spécifique à la position identifiée pour l'agent sur cette matrice. Pour un agent compétent et motivé, le contrôle doit être faible et l'autonomie laissée grande, car cet agent peut être acteur de changement et force de propositions. L'agent compétent/non motivé n'a pas besoin d'un contrôle important mais de signes de reconnaissance forts et d'accompagnement pour retrouver du sens et du désir dans ses activités ou, peut-être, pour prendre un chemin différent dans sa carrière. Pour un agent incompétent et non motivé, il est nécessaire d'associer à la fois contrôle fort et signes de reconnaissance mais, également, envisager que la personne puisse ne pas être au « bon endroit ». Le poste, voire le métier, ne correspond peut-être pas à ses capacités. Enfin pour une personne peu compétente mais motivée, le contrôle est important pour développer la compétence mais doit être associé à des encouragements, (coaching) afin de maintenir sa motivation. Il s'agit de contrôler l'agir tout en manifestant de la confiance vis-à-vis de ses potentiels, de reconnaître ses progressions et ses réussites.

Conclusion

Le contrôle ne peut être réduit à un processus et des outils, aussi rigoureux soient-ils, lorsqu'il s'adresse à de l'humain. Or ce qui caractérise l'hôpital, c'est l'accueil et les soins d'hommes et de femmes le plus souvent en situation de fragilité et de vulnérabilité, assurés par des agents qui eux-mêmes vivent une forme de pression à laquelle ils ont de plus en plus de mal à faire face, comme le montrent les nombreuses études et statistiques relatives aux RPS, à l'épuisement professionnel... aux suicides au travail. Le contrôle éthique serait-il alors : un contrôle juste, caractérisé par de l'audace, associée au courage et à la prudence, avec la confiance comme valeur fondamentale, une confiance possible, du fait de la prise en compte de ses peurs et des peurs de l'autre.

Selon Michela Marzano (7), je peux faire confiance si je prends en compte les peurs qui font que je suis en incapacité de « me » faire confiance et de faire confiance à « l'autre ». En tant que cadre de proximité, les peurs peuvent être générées par les comportements de la hiérarchie, réels ou imaginés. Mais elles peuvent être aussi liées au besoin de se sentir aimé par l'équipe ou par certains membres de l'équipe ou, a contrario, à la peur d'être rejeté, car « la confiance en soi est la base même pour pouvoir faire confiance en l'autre » (7).

1 Pour Henry Fayol (1841-1925), le dirigeant assure cinq types d'activités : commander, contrôler, prévoir, organiser, coordonner.

2 Nicole Aubert, Jean-Pierre Gruère, Jak Jabes, Hervé Laroche, Sandra Enlart, Management : aspects humains et organisationnels, Paris, PUF, 2006.

3 David Autissier, Jean-Michel Moutot, Méthode de la conduite du changement, Paris, Dunod, 2016.

4 Éric Alonso, Delphine Barrais, Déléguer en toute sérénité, Paris, ESF éditeur, coll. « Les Affaires », 2011.

5 Christophe Dejours, Le choix, souffrir au travail n'est pas une fatalité, Montrouge, Bayard, 2015.

6 Paul Ricoeur, « Des normes au désir », Conférence, 2003.

7 Michela Marzano, Le contrat de défiance, Paris, Grasset, 2010.

8 Philippe Gabillet, Éloge de l'optimisme, Paris, Éditions Saint-Simon, 2010.