« Remettre le relationnel au centre du soin » - Objectif Soins & Management n° 260 du 01/12/2017 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 260 du 01/12/2017

 

Dossier

Interview de Hombeline Sarton du Jonchay, cadre de santé à la Fondation Adolphe de Rothschild (Paris 19e). Pour elle, la qualité de vie au travail est essentielle pour pouvoir s’épanouir et délivrer un soin de qualité. Elle nous livre son parcours et son expérience et nous parle de l’accueil des nouveaux arrivants.

Objectif Soins & Management : Vous avez suivi une formation tutorat et accompagnement des nouveaux professionnels, pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste cette formation et pourquoi l’avoir suivie ?

Hombeline Sarton du Jonchay : La réforme du diplôme infirmier est fondée sur un référentiel par compétences. La place du tuteur est essentielle dans la dynamique d’encadrement. Cette formation fournit les outils pour accueillir et accompagner les nouveaux arrivants, stagiaires ou nouveaux embauchés. À la Fondation, plusieurs supports ont été élaborés par les professionnels : un guide du nouvel embauché et un triptyque spécifique à l’activité de chaque service. Le tuteur construit et personnalise le parcours du stagiaire ou du nouvel embauché en lien avec ses objectifs de stage ou son parcours individuel. Lors de cette formation, nous avons partagé nos expériences sur le positionnement du tuteur et son impact, notamment lors des bilans de stages. Enfin, en regard de situations d’apprentissage prévalentes dans nos services, les savoirs et savoir-faire à mobiliser ont été identifiés. Ces situations de soins clés sont intégrées dans ce guide du nouvel embauché.

OS&M : Avec ce guide, chaque nouvel arrivant a la marche à suivre, cela suffit-il à l’intégration dans le service ?

H. du Jonchay : Ce guide est une bonne base, mais on ne peut pas retirer le contact humain, indispensable. Pour chaque personne (étudiant ou professionnel) accueillie dans l’unité, je prévois un entretien préalable pour lui expliquer le fonctionnement général, la politique de qualité et la gestion des risques. Je lui présente aussi les différents outils à sa disposition et le dossier patient informatisé. Chacune d’entre elles a son tuteur référent, qui l’accompagne dans l’explicitation des situations et l’analyse de ses pratiques. À l’échelle de l’établissement, une journée d’intégration des nouveaux embauchés est organisée chaque trimestre afin de leur transmettre nos valeurs, leur expliquer les axes stratégiques de la Fondation mais aussi faciliter la rencontre et l’interaction entre les différentes catégories de personnels récemment arrivés. L’ensemble du comité de direction assiste à cette journée pour créer du lien et de la cohésion.

OS&M : Quelle est la clé d’une bonne intégration, d’un cadre de travail idéal ?

H. du Jonchay : Le management bienveillant ! C’est ce que notre direction des soins et moi-même nous attachons à développer ici ! Nous sommes exigeants avec les professionnels pour que la qualité des soins soit optimale mais cette exigence ne peut être satisfaite sans un accompagnement fort. Nous nous attachons à fournir de bonnes conditions de travail, à respecter les repos de chacun et surtout nous formons beaucoup pour le développement des compétences. En échange, les professionnels, reconnus, donnent le meilleur d’eux-mêmes. Il y a une forme de contrat moral qui se lie entre nous. Nous nous engageons ensemble pour la réussite individuelle et celle de l’établissement. Par ailleurs, un questionnaire sur la qualité de vie au travail dans lequel chacun peut s’exprimer anonymement est adressé annuellement à l’ensemble du personnel. Agir sur la qualité de vie au travail, c’est agir sur la qualité des soins. La communication, aller à la rencontre de l’autre, c’est sans doute la clé. Bien sûr tout cela prend du temps, mais je suis persuadée que le fait d’investir cette énergie, en posant bien toutes les bases, renforce l’autonomie et la responsabilité des soignants.

OS&M : Donc ceux qui opposent le manque de temps à l’accueil des stagiaires ou des nouveaux arrivants se trompent ?

H. du Jonchay : D’abord je précise que cet accueil, cet accompagnement font partie de nos missions. C’est, selon moi, un calcul un peu court de croire que le temps passé à l’arrivée du nouvel arrivant ou du stagiaire est simplement dépensé et jamais récupéré. Il y a certes un investissement de temps au départ mais il est rapidement rentabilisé. Vous passerez moins de temps à contrôler le travail d’un stagiaire bien formé, bien intégré, qui est motivé et communique avec vous. De même, votre nouveau collègue vous fera gagner du temps à moyen terme si grâce à sa bonne intégration il a gagné en connaissances et en efficacité.

OS&M : Finalement, à l’hôpital, le temps c’est de l’argent ?

H. du Jonchay : Exactement ! Dans le bon sens du terme. On peut dire ça si on estime que le temps est une valeur qu’on investit pour gagner plus tard en qualité et en efficacité. Le temps doit être bien investi pour ne pas en perdre. En remettant le relationnel au centre, en prenant le temps d’encadrer, d’expliquer, on finit par gagner sur tous les plans et cela a un retentissement positif sur l’ambiance et sur l’individu. Un service où il fait bon travailler parce qu’on prend le temps de se parler, de s’écouter, ça se voit : les soignants sont plus épanouis et l’absentéisme diminue.