Personnes âgées : l’indispensable animation - Objectif Soins & Management n° 252 du 01/01/2017 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 252 du 01/01/2017

 

Management des soins

Laurent Soyer*   Antonio Alves**  

L’animation au sein des unités de soins de longue durée (USLD) est semble-t-il peu documentée. Notre propos est donc d’ouvrir à une dialectique sur cette thématique. Comment est abordée la spécificité de l’animation en USLD ? Retour d’expérience des Hôpitaux du Bassin de Thau, dans l’Hérault.

Cet article est le fruit d’une étroite collaboration entre cadre de santé et animateur, dans l’objectif d’optimiser le projet d’animation au sein de l’USLD de l’hôpital Saint-Loup d’Agde (Hôpitaux du Bassin de Thau, Hérault).

Étymologiquement, le terme “animation” provient du latin animatio. Il est employé pour désigner « le principe vital, la force qui donne la vie »(1). L’animation est donc nécessaire à la vie, elle en est l’essence. Ainsi, développer l’animation dans les paroles ou/et dans les actes correspond bien à rendre la vie apparente, à diffuser de la chaleur humaine qui, in fine, s’oppose à la froideur de la mort.

L’ANIMATION EN GÉRONTOLOGIE

Au niveau gérontologique, l’animation s’entend comme « un ensemble coordonné d’actions diverses et adaptées, en lien avec le vécu des personnes âgées. Elle vise une réponse aux attentes et aux besoins des personnes âgées, en vue du maintien, du développement de leur vie relationnelle, sociale et culturelle. Elle se situe dans une perspective d’accomplissement de l’être humain dans le respect de ses capacités et l’expression de ses aspirations »(2). Cette définition situe l’animation dans une approche sociale, avec une focale portée sur l’attention à l’autre, de l’animateur(3) vers l’animé. Elle n’est pas en opposition avec le soin, qui a pour synonymes « attention, sollicitude, prévenance »(4). Ce rapprochement sémantique ne constitue pas un allant de soi dans la pratique. Surtout dans une conjoncture où la rationalisation des coûts hospitaliers priorise une forme de soins qui ne répond pas nécessairement à une approche holistique de la personne âgée. « La hiérarchisation des besoins liée aux recherches d’économie vise de fait à ne prendre en compte que les besoins primaires (sécurité, propreté, santé) et délaisse totalement les autres besoins de la personne (vie sociale, citoyenneté, culture, accomplissement de soi…). »(5) Une donnée est éclairante à ce sujet. En 2011, le budget consacré à l’animation (en Ehpad) était « de 32 euros par résident et par an, soit 8,76 centimes par jour et par résident, c’est-à-dire environ 1/1000 du coût moyen d’une journée tous tarifs inclus (90 euros) »(6).

L’animation en secteur gérontologique, pour être efficiente, s’inscrit donc dans une visée, dans un projet, le projet d’animation. Celui-ci revêt aujourd’hui un caractère réglementaire, un attendu en termes de démarche qualité. Une enquête nationale de 2011(7) précise que, grâce à la professionnalisation des animateurs en gérontologie, la mise en place des projets d’animation atteint 95,9 %. Cette culture du projet dans la corporation des animateurs prend sa genèse dans les années 1970(8). A contrario, la culture du projet ne transparaît pas chez les personnes âgées. Il est vain de communiquer avec les personnes âgées sur la base de la construction ou de la co-construction d’un projet d’animation. Il est préférable de s’attacher à identifier leurs attentes. L’évaluation, c’est-à-dire littéralement la mise en valeur de ces attentes individuelles, constitue une nécessité incontournable, comme fondement du projet d’animation. Cependant, pour l’animateur, cette évaluation relève du défi car ces attentes ne sont pas toujours émergées, évidentes. Elles sont parfois dites, parfois non dites et parfois cachées. Cette activité minutieuse d’enquête s’appuie sur une relation de confiance entre résidents et animateur et, lato sensu, avec l’ensemble des intervenants. L’objection parfois entendue au sein des équipes “soignantes” où le résident « ne veut plus rien faire » ne tient pas. En effet, comme le souligne Hervy(8), si la personne âgée est en vie, c’est bien que quelque chose la retient en vie. À partir de ce postulat, il y a tout lieu de rechercher et recueillir des attentes, notamment en lien avec l’animation. Pour ce faire, il existe un document intitulé “Fiche enquête sur les attentes des personnes accueillies en soins de longue durée”(9). L’USLD dans laquelle nous exerçons a utilisé cette fiche en l’adaptant. Néanmoins, il nous a semblé nécessaire de requestionner les spécificités des USLD.

L’animation en secteur gérontologique, fondée sur cette expression des attentes de chaque résident, tend bien à proposer une réponse avant tout qualitative : à donner du sens à la vie ! Elle est interdépendante du projet de vie individualisé et constitue donc une priorité, notamment en USLD, unité fonctionnelle sur laquelle nous allons maintenant porter la focale.

LES CARACTÉRISTIQUES DES USLD

Les résidents vivant en USLD répondent au critère médical nommé “hospitalo-requérant”. Le centrage de recrutement des résidents porte sur « des personnes présentant une pathologique organique chronique ou une polypathologie, soit active au long cours, soit susceptible d’épisodes répétés de décompensation, et pouvant entraîner ou aggraver une perte d’autonomie durable »(10). La spécificité de la population admise en USLD impose une sujétion médicale et paramédicale plus importante qu’en Ehpad car elle requiert « un suivi médical rapproché, des actes médicaux itératifs, une permanence médicale, une présence infirmière continue et l’accès à un plateau technique minimum »(10). Le ciblage d’admission en USLD est donc lié principalement à une perte d’autonomie fonctionnelle. Cette institutionnalisation engendre un risque élevé de perte d’autonomie sociale qui appelle alors une réponse dont l’animation est un vecteur essentiel. Une étude nationale de 2015(11) indique que l’animation en Ehpad et en USLD du même établissement est proposée indifféremment aux personnes prises en charge « des deux côtés »(11). De notre point de vue, les publics étant différents, l’animation mérite d’être adaptée. Le présent article se veut donc humblement contributif à un corpus de littérature professionnel et découle d’un questionnement : quelles sont les spécificités de l’animation en USLD ? Nous aborderons donc les caractéristiques clés (voir schéma ci-dessus) concernant l’USLD de l’hôpital Saint-Loup d’Agde en espérant que, pour une part, ils ne démentiront pas l’activité générale des secteurs de soins de longue durée.

Un degré d’autonomie des résidents très hétérogène

Une première caractéristique concerne l’hétérogénéité d’autonomie des résidents accueillis. Pour un visiteur, cette grande hétérogénéité est flagrante. Se côtoient des personnes âgées porteuses de maladies chroniques ou/et dégénératives, souvent invalidantes et parfois « en situation de long mourir »(11), ou ayant conservé une mobilité correcte. Hormis ces extrêmes, se retrouve également tout un panel de degrés dans la mobilité depuis la gêne liée par exemple à des problèmes d’arthrose jusqu’au handicap avéré, par exemple lié aux séquelles d’accident vasculaire cérébral. S’ajoute une autre variable en lien avec la présence ou non de troubles cognitifs. Nous recevons aussi des personnes dites “en fin de vie” et des personnes en soins palliatifs et quelquefois des « personnes atteintes de maladie psychiatrique, ne relevant plus des services de psychiatrie mais non admises en établissement médico-social en raison de leurs troubles »(11). Cette description non exhaustive doit aussi prendre en considération la rotation de résidents liée d’une part aux départs/décès compensés par de nouvelles admissions, ainsi que les hébergements temporaires. Cette hétérogénéité impulse une dynamique particulière, celle de rechercher une constante adaptation de la structure aux résidents. Concrètement, si le projet d’animation ne veut oublier personne et atteindre ses objectifs, il doit inclure les résidents dans l’incapacité partielle ou totale de se déplacer. Pour les personnes mobiles, l’animation peut s’envisager de manière individuelle ou collective, par exemple dans des lieux dédiés (cuisine thérapeutique, salle polyvalente, jardin…). Pour celles à mobilité très réduite, voire immobilisées, l’animation individuelle sera envisagée. Cette pratique de l’animation au lit du résident, qu’il est possible de dénommer “animation clinique”, peut être considérée comme l’une des spécificités des USLD.

Cette perspective implique que, lors de l’élaboration du projet d’animation, soit évalué le potentiel de mobilité des résidents, car, nous l’avons esquissé, il existe des degrés entre le tout alitement et l’autonomie de déplacement. Pour ce faire, le recours à un outil d’évaluation est indispensable. La classique grille Aggir est à proscrire car elle n’évalue pas les capacités du résident. Elle est davantage un outil de mesure de la charge de travail. « C’est le temps soignant qui est évalué : c’est ce que la personne fait et ce dont elle a besoin et non ce qu’elle est capable de faire. »(13) Nos recherches et nos formations nous ont amenés à nous intéresser au soins palliatifs et plus avant aux échelles de performance comme celles utilisées en médecine ou en oncologie, qui permettent d’évaluer l’état de santé général et les activités du quotidien effectuées par des patients. Parmi les différentes possibilités existantes, nous avons retenu et adapté (voir tableau ci-dessous) l’échelle de Zubrod ECOG/OMS(13). Simple d’utilisation, en supprimant le cinquième indice (5 : mort), elle semble transférable à l’évaluation de la mobilité en USLD.

Une composante interculturelle forte

Une seconde caractéristique de l’USLD d’Agde est d’être implantée sur un territoire où les migrations et brassages culturels ont été et sont encore prégnants. De fait, une dimension à examiner lors de la construction du projet d’animation est celle de la culture, précisément de l’interculturalité(14). Le concept d’interculturalité se définit comme un processus de rencontre entre cultures. Le préfixe “inter” signifiant une “réciprocité” renforce la dynamique de rencontre par celle d’interaction. Le conseil de l’Europe énonce que l’interculturalité « se caractérise par des relations réciproques et la capacité des entités à bâtir des projets communs, assumer des responsabilités partagées et forger des identités communes »(15). Cette dimension culturelle et interculturelle est à comprendre selon deux axes. Sur le plan individuel, elle se réfère à l’histoire personnelle de chaque résident, son origine, son parcours de vie. Sur le plan collectif, une structure d’accueil collective pour personnes âgées s’inscrit sociologiquement dans une proximité territoriale(16). L’USLD de l’hôpital Saint-Loup d’Agde est située dans le Midi, en bordure de la méditerranée, au voisinage de ports assurant des échanges avec l’Afrique du Nord. De même, la commune d’Agde est placée sur une bande topographique correspondant à des zones migratoires ou d’exodes (pieds-noirs, Espagnols…), notamment en provenance de l’Espagne. « Durant près de cent cinquante ans, entre le milieu du XIXe siècle et 1990, l’immigration espagnole est prépondérante en Languedoc-Roussillon. Le voisinage avec la péninsule Ibérique joue à plein. »(17) Par exemple, en 1939, plusieurs camps de réfugiés de la guerre civile espagnole ont vu le jour. « À la fin du mois de mai 1939, par exemple, la population réfugiée se répartissait de la façon suivante : 7 208 individus dans le camp n° 1, 8 002 dans le camp n° 2 et 9 014 dans le camp n° 3. »(18) La création dans l’Hérault de ce camp de concentration s’inscrivait dans le cadre de la politique nationale menée par le général Ménard, visant à désenclaver le département des Pyrénées-Orientales, « l’un des plus touchés par l’exode »(18). Se retrouvent aujourd’hui au sein des résidents de l’USLD d’Agde, comme au sein de l’équipe soignante, des personnes d’origine pied-noir ou hispanique. Ajoutons les apports étiolés aujourd’hui, en provenance d’Italie. « Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la deuxième colonie étrangère au niveau régional est italienne. »(17) Enfin, plus contemporainement, le climat du Midi a favorisé une migration nord-sud croissante de retraités qui, dans l’optique d’un rapprochement familial de leurs parents, ont généré une nouvelle demande renouvelée d’admission en USLD. Cette variété de provenances culturelles constitue un véritable vivier d’interculturalité pour cet USLD.

Outre ces flux migratoires, la prise en compte de la dimension culturelle et de l’interculturalité est toujours complexe du fait que l’intégration au pays d’accueil répond à une pluralité de stratégies identitaires. “L’intégration” est davantage une adaptation ou une recomposition identitaire selon trois grandes directions : une scission avec la culture d’origine, synonyme d’assimilation à la culture d’accueil ou, au contraire, une accentuation significative de l’attachement à la culture initiale, ou encore une synthèse culturelle où l’immigré tente de tirer la meilleure partie de chacun des creusets culturels. Pour l’animateur, le recueil de données à l’admission, tel qu’il est généralement renseigné, ne suffit pas à prendre une mesure significative de cette dimension culturelle. Un recueil digne de ce nom mérite une entrevue avec le résident et, le cas échéant, avec ses proches, c’est-à-dire toutes les personnes en interface avec l’histoire de vie du résident. Cet état des lieux va permettre de dresser un profil socio-culturel des résidents de l’USLD. Celui-ci va aider l’animateur à cibler des types d’animations où le contenu fera écho culturellement ou interculturellement au résident ou groupe de résidents. Un ciblage d’animations adaptées aux caractéristiques interculturelles du public de résidents permet ainsi une mise en éveil, une réactivation de la mémoire culturelle.

Une durée de séjour variable

Si la régulation financière de l’activité générale de soins se fonde sur la durée moyenne de séjour (DMS), qui, en USLD, au niveau national, « approche seulement dix-huit mois »(11), cette mesure est peu éclairante à l’USLD d’Agde pour étayer le projet d’animation. En effet, la troisième caractéristique de cette unité fonctionnelle est d’avoir des durées de séjour très variables, de quelques jours à plusieurs années. La position de l’USLD, en extrémité de filière gériatrique, implique de plus en plus une orientation de patients en phase aiguë de perte d’autonomie, en attente d’un placement en Ehpad, ou encore en soins palliatifs (plus ou moins en phase terminale à courts termes). Les admissions sont demandées dans une logique médico-sociale mais également dictées par la nécessité de respecter la DMS des services demandeurs (médecine, court séjour gériatrique…). La durée de séjour varie alors selon plusieurs critères. Si le résident a été aiguillé vers l’USLD dans l’attente d’un retour à domicile ou d’un placement en Ehpad, la durée de séjour sera très courte. Ces résidents sont souvent parmi les moins “hospitalo-requérants”, ce qui les rend potentiellement participatifs à des animations collectives. Pour autant, cette participation ne pourra s’inscrire sur le long terme. Maintenant, si le résident a été transféré d’un autre service (il provient rarement du domicile), avec un état de santé très déficient, son potentiel de participation sera plutôt faible, avec peut-être une perspective d’animation clinique. Cette hypothèse n’est pas généralisable. En effet, en USLD, l’inscription des soins dans une plus grande temporalité amène parfois des améliorations nettes de la santé des résidents. Dans ce cas, les résidents en question rejoignent soit la première catégorie évoquée et le projet de vie redessine une réorientation vers un Ehpad, voire le domicile, soit une autre catégorie, celle des longs séjours qui peuvent se comptabiliser en mois, voire en années. Dans cette catégorie se retrouveront tous les degrés de l’échelle de performance de Zubrod ECOG/OMS(13). Pour ces résidents, l’animation, qu’elle soit collective ou individualisée, peut alors s’inscrire dans une dynamique de fidélisation et d’adaptation du projet d’animation à un groupe social constitué et relativement stable.

Une recomposition des rôles sociaux

Cette durée présentielle dans ce milieu de vie de l’USLD, plus ou moins longue, va influencer les rôles sociaux joués par les résidents. « L’être humain se définit par plusieurs composantes et, sur le plan social, par les rôles qu’il a, qu’on lui donne ou qu’il prend vis-à-vis des siens et vis-à-vis de la société, ce que l’on appelle les “rôles sociaux”. Tout au long de la vie, ces rôles évoluent et se transforment. On parle aujourd’hui de vieillissement d’un rôle quand celui-ci se transforme de manière définitive. »(19) La notion de rôle social est corrélative de la fonction d’utilité sociale. C’est la question récurrente des personnes âgées en institution : « À quoi je sers ? » L’un des objectifs majeurs de l’animation est alors de retrouver avec la personne âgée un rôle dans son environnement, c’est-à-dire, dans le cas qui nous concerne, au cœur de l’USLD. Dans le cadre de la constitution du projet d’animation, deux directions sont à emprunter. D’une part, comme nous l’avons déjà indiqué, la vie en USLD n’est pas, malgré un début souvent lié à une crise, en rupture avec un continuum de vie, un parcours dont l’USLD constitue une étape. L’animateur et, in extenso, l’équipe pluridisciplinaire devront s’attacher à recueillir des éléments biographiques permettant de mettre en exergue les différents rôles sociaux joués par la personne âgée durant sa vie, du moins les plus significatifs du point de vue de son vécu. Cette approche phénoménologique ne peut dépendre que d’un temps dédié à une ou plusieurs entrevue (s) et à la collecte de données issues du discours du résident. Ensuite, et c’est ici qu’intervient de manière prégnante la durée de séjour en USLD, l’animateur et l’équipe pluridisciplinaire auront tout intérêt à repérer l’émergence et le développement de rôles sociaux depuis l’entrée en USLD, qu’ils soient dans une continuité de la biographie du résident ou qu’ils constituent une innovation liée au nouveau contexte environnemental de l’USLD. Ces rôles sociaux peuvent s’observer dans un écrin collectif, par exemple lorsqu’un résident se rend disponible pour aider à l’organisation d’une animation de groupe. « Le petit groupe représente pour les êtres humains un lieu simultanément ou alternativement investi d’espoirs et de menaces. Entre la vie intime (celle du couple ou du recueillement solitaire) et la vie sociale (régie par les représentations et des institutions collectives), le petit groupe peut fournir un espace qui tantôt redonne vie aux liens, et tantôt aménage des écarts indispensables entre l’individu et la société. »(20) Ces rôles sociaux peuvent également trouver une genèse individuelle, par exemple lors de la pratique de récits de vie où les résidents prennent le rôle de transmetteur de mémoire. « Les professionnels du vieillissement (gériatres, praticiens) constatent que de nombreuses personnes âgées sont engagées dans l’élaboration d’une histoire de vie cohérente qu’elles écrivent dans leur tête. »(21)

LA COLLABORATION CADRE DE SANTÉ / ANIMATEUR

Notre réflexion, initiée dans la visée d’élaborer un projet d’animation inspiré des spécificités de l’USLD, a motivé une collaboration active entre cadre de santé et animateur. Cette collaboration est certainement catalysée par une appétence mutuelle pour l’animation, une certaine expérience pratique et la reconnaissance que l’animation n’est pas une simple plus-value mais s’ajuste au cœur de la réponse de santé de l’USLD. Ces considérations personnelles et déontologiques posées, il est intéressant de relever que l’animation est inscrite au niveau des fiches métiers respectives des deux corporations(22, 23). En effet, l’animateur est dévoué à l’animation envers les résidents, et le cadre de santé à celle des équipes. Les deux fiches métiers montrent également d’autres convergences, notamment une grande similitude dans la terminologie utilisée (voir le schéma ci-dessus). Le fait est que, abstraction faite des différenciations corporatives ou hiérarchiques, le vocabulaire exprimant le détail des missions des cadres de santé et des animateurs concorde, mettant en évidence une posture intimement liée au management, comprise comme « action ou art, ou manière de conduire une organisation, de la diriger, de planifier son développement »(24). Par ailleurs, dans un environnement encore dominé par une vision sanitaire, voire un paradigme biomédical, le cadre de santé et l’animateur, situés tous deux à distance de l’activité de “soins” et à proximité des équipes soignantes, sont idéalement placés pour assurer une médiation, voire une promotion de l’animation auprès des soignants. Une posture interfaciale entre l’extérieur et l’intérieur du service, également commune, les amène à rencontrer une pluralité d’acteurs (associations, prestataires divers…), ce qui peut contribuer à alimenter une pensée critique et une pensée créative(25, 26), utilisées respectivement pour mieux distinguer, parmi les informations, celles qui sont les plus pertinentes au regard des buts poursuivis, et pour inventer des idées originales qui ont de la valeur.

Seuls corporativement au sein d’équipes composées de plusieurs infirmières, aides-soignantes, agent de service hospitalier…, cadre de santé et animateur ont tout intérêt à collaborer, c’est-à-dire à unir leurs compétences pour réfléchir et travailler à un objectif commun, ici, l’optimisation de la qualité de vie des résidents via le projet d’animation.

EN ATTENDANT LA SUITE…

Ce premier article s’inscrit dans l’idée d’aller plus loin. Plus loin dans l’avancée réflexive puis l’expérimentation d’un projet d’animation spécifique à l’USLD. Plus loin dans l’écriture également, avec une volonté affichée de partager nos questionnements et notre expérience.

Nous sommes intimement convaincus que l’animation en gérontologie doit être reconnue comme une nécessité incontournable dans la prise en soin(27, 28) des personnes âgées. L’animation se situe entre le registre de l’aide à la personne, c’est-à-dire le soutien et le maintien de l’autonomie, et celui de l’accompagnement vers une valorisation de la dignité et du bien-être, de la qualité de vie.

Loin de constituer une offre figée, l’animation est, à l’instar des humains qui la déploient et la vivent, ajustée dans un parcours de vie. Elle est notamment concomitante d’une constante adaptation à l’évolution biologique, psychologique et sociale des résidents. Voilà une perspective qui invite à méditer la célèbre phrase de Siddhartha Gautama (Bouddha) : « Rappelez-vous bien mes enfants, que rien n’est permanent excepté le changement. »

NOTES

(1) www.cnrtl.fr/etymologie/animation

(2) Groupement national des animateurs en gérontologie (GAG). (2007). Charte de l’animation en gérontologie. Version courte.

Repéré à : www.non-traitance.com/charteanimation-version-courte.pdf

(3) Lire partout animateur et animatrice.

(4) Nouveau dictionnairede synonymes, 1985, p.391.

(5) Groupement national des animateurs en gérontologie (GAG). (2014). “Livre blanc. L’animation chez les personnes âgées”. Repéré à : www.non-traitance.com/livre_blanc-edition-05-2014.pdf

(6) www.non-traitance.com/qui-sommes-nous.html.

(7) Hervy, B., & Vercauteren, R. (2012). Enquête : Mesurer l’implantation de l’animation de la vie sociale en établissement et à domicile. Doc’animation en gérontologie, (34), p. 31-37

(8) Hervy, B. (2016, octobre). “Le projet d’établissement au cœur de la commande : de l’importance d’une bonne formulation”. Communication présentée à la journée ANFH : Du projet de vie au projet architectural. La Grande Motte :ANFH.

(9) Hervy, B., & Vercauteren, R. (2005). Enquête : “Quelles sont les attentes des personnes âgées en soin de longue durée ?” Doc’animation en gérontologie, (8), 1-12.

(10) Circulaire DHOS/O2/DGAS/2C n° 2006-212 du 15 mai 2006 relative à la mise en œuvre de l’article 46 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006 concernant les unités de soins de longue durée. Repéré via le lien raccourci bit.ly/2i96ugk.

(11) Delattre, A., & Paul, S. (2016). “Les unités de soins de longue durée (USLD)”. Paris : Igas, rapport 2015-105R.

(12) Lemaire, J.B. (2012). Structures pour l’hébergement des personnes âgées. Diplôme universitaire des personnes âgées. Repéré via le lien raccourci bit.ly/2iYBReT.

(13) Oken, M.M., Creech, R.H., Tormey, D.C., Horton, J., Davis, TE, Mc Fadden, ETR., & Carbone, P.P. (1982). “Toxicity and response criteria of the Eastern Cooperative Oncology Group. Am J Clin Oncol, 5 (6), 649-55.

(14) Soyer, L. (2016). “Développer une compétence interculturelle”. Objectif Soins & Management (244), 26-30.

(15) Birzea C. (2003). Learning Democracy. Education Policies within the Council of Europe. Session of the Standing Conference of European Ministers of Education on Intercultural education : managing diversity, strengthening democracy. Athènes : Council of Europe.

(16) Vercauteren, R. (2016, octobre). “Les intentions d’un projet d’établissement”. Communication présentée à la journée ANFH : Du projet de vie au projet architectural. La Grande Motte : ANFH.

(17) Dukic, S. (2009). “Deux siècles d’immigration Languedoc-Roussillon”. Hommes et migrations [en ligne], 1278 | 2009, mis en ligne le 29 mai 2013, consulté le 14 novembre 2016. URL : http://hommesmigrations.revues.org/230

(18) Parello, V. (2011). “Un Ailleurs concentrationnaire : le camp d’Agde dans l’Hérault (1939)”. Cahiers d’études romanes [En ligne], 23 | 2011, mis en ligne le 15 janvier 2013, consulté le 07 janvier 2017. URL : http://etudesromanes.revues.org//679.

(19) Hervy, B. (2003). Dossier Personnes âgées : restaurer le lien social. “Animateurs en gérontologie : des tisseurs de liens”. La Santé de l’Homme, (363), 23-26.

(20) Anzieu, D., & Martin, J.Y. (1982). La dynamique des groupes restreints. Paris : PUF.

(21) Guillemot, S. (2010). “Les motivations des personnes âgées au récit de vie et leurs influences sur la consommation de services biographiques. Gestion et management”.

Thèse de doctorat en Sciences de gestion. Brest : Université de Bretagne occidentale.

(22) À consulter via le lien raccourci bit.ly/2iHYz8u.

(23) À consulter via le lien raccourci bit.ly/2iHU0e9.

(24) Thietard, RA. (2005). In Aubert, N., Gruère, JP et al. Management, aspects humains et organisationnels. Paris : PUF Fondamental.

(25) Lipman, M. (1991). Thinking in Education. New York : Cambridge University Press.

(26) Lipman, M. (1995). À l’école de la pensée. Bruxelles : De Boeck Université.

(27) Collière, M. F. (1982). Promouvoir la vie. Paris : Inter-éditions.

(28) Hesbeen, W. (1997). Prendre soin à l’hôpital - Inscrire le soin infirmier dans une perspective soignante. Paris : Masson.