La culture qualité à l’hôpital - Objectif Soins & Management n° 252 du 01/01/2017 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 252 du 01/01/2017

 

Qualité Gestion des risques

Anne-Lise Favier  

L’idée d’une culture qualité fait peu à peu son nid dans le champ hospitalier. Naturelle pour les uns, normée et formatée pour les autres, elle s’installe dans le paysage hospitalier.

Avec l’arrivée de la certification des établissements de santé, la notion de culture qualité s’est peu à peu invitée dans l’univers hospitalier. « C’est une notion qui est intimement liée à l’activité de soins délivrés au patient. On n’imagine pas faire un soin qui ne soit pas de qualité, la notion est implicite, on a toujours fait de la qualité », indique Catherine, cadre de santé en service SSR. Qualité oui, mais culture qualité ? « Le mot est multiple », estime pour sa part Frederik Mispelblom Beyer, professeur de sociologie à l’université d’Évry (Essonne), dans un ouvrage sur la qualité(1). Une polysémie qui se révèle presque comme la garantie d’une mobilisation collective, « puisque chaque acteur ne peut que se retrouver dans des objectifs d’amélioration », précise le sociologue.

UNE NOTION COMMUNAUTAIRE

La culture qualité se définit par l’ensemble des aptitudes qui visent à satisfaire des besoins, exprimés ou non, par l’engagement de la structure hospitalière et des professionnels de santé, dans des actions permanentes et systématiques d’amélioration du service rendu au patient. « Cette notion de culture qualité est pour moi avant tout une culture organisationnelle qui peut se découper en deux niveaux, note un responsable qualité d’une clinique parisienne : à un premier niveau, on peut évoquer la recherche collective d’une amélioration et, à un deuxième niveau, les moyens que l’on utilise pour y arriver, l’un n’existant pas sans l’autre. » Ainsi, de la collégialité naît la culture de qualité à l’hôpital. « Il n’y a pas de culture sans adhésion, selon Catherine. L’adhésion n’implique pas pour autant une standardisation complète des démarches de soins, mais une action collective qui vise une certaine homogénéisation des pratiques soignantes, avec, par exemple, une amélioration de la coordination entre les services. »

Des moyens pour la construire

Pour y parvenir, il faut des référentiels, des normes, des guides pour définir ce qu’est la qualité et avoir une trame d’objectifs à suivre. « Il est vrai que nous avons la tête pleine de tableaux, d’objectifs à atteindre, d’indicateurs à suivre, de normes à respecter, en plus des soins que nous devons mener au quotidien, explique un cadre de santé anonyme. Pour autant, cette culture qualité que nous avons développée et peu à peu intégrée fait partie de notre quotidien, et il serait impossible de s’y soustraire. » Une culture quelque peu envahissante puisqu’une étude estimait qu’elle prenait plus d’un tiers du temps des soignants (en termes administratif). Cette culture qualité ne devrait-elle pas s’intégrer naturellement aux soins, quotidiennement, sans s’y soustraire ? « Il faut reconnaître que la culture qualité peut faire référence à deux choses différentes : prodiguer au quotidien, naturellement, des soins visant une seule chose, le rétablissement du patient, ce que je décrirais comme la qualité ultime d’un soin. Dans ce cadre, la culture qualité se définirait comme l’ensemble des pratiques visant à prodiguer les meilleurs soins qui soient. Mais je pense que cette notion de culture qualité est parasitée par des notions mercantiles apportées par la gouvernance hospitalière qui gère l’humain, le soin, selon une logique financière qui me semble au final peu compatible avec le soin », tempère un cadre de santé anonyme. Une culture qualité qui serait donc intimement liée à la culture du résultat.

De l’humain pour l’initier et la colporter

Pour permettre le développement de cette culture qualité, quelques leviers sont indispensables. C’est en partie le rôle du cadre qualité que d’être l’impulsion, dans les services, de cette culture et de veiller à son développement. Mettre en place des actions visant à une meilleure qualité des soins, veiller aux respects des normes et indicateurs qualité, animer des ateliers pour promouvoir les outils mis à disposition des soignants pour sensibiliser à la qualité sont autant de tâches que le cadre qualité peut mener à bien pour fédérer le personnel soignant. « Sans rassemblement autour d’une même cause, la culture qualité ne peut pas voir le jour », souligne Catherine, qui insiste aussi sur l’importance du changement de culture dans d’autres champs que celui de la qualité : « Longtemps, l’hôpital a fonctionné sur le modèle de la sanction, bien avant de prodiguer cette culture de la qualité qui permet en outre d’analyser les situations pour y faire face, voire de les anticiper. »

QUALITÉ, SÉCURITÉ ET GESTION DES RISQUES

De la culture qualité découle la culture de la prévention, même si le risque zéro n’existe pas. Dans ce domaine, la gestion des risques – la culture de sécurité – est indissociable de la culture qualité. Cette dernière demeure une interface, voire une charnière, entre l’organisation et l’humain, une démarche transversale qui englobe la réglementation, les aspects techniques et l’évolution des pratiques professionnelles. Plus que de culture qualité, la Haute Autorité de santé (HAS) évoque la culture sécurité des établissements de soins à travers un guide spécifique(2) qui construit des ponts entre la gestion des risques, la survenue d’événements indésirables et la qualité.

L’ÉVALUATION ET LA FORMATION

La culture qualité est enfin et surtout étroitement liée à la certification des établissements de santé menée par la HAS. Dans le manuel relatif à cette certification figurent les notions d’évaluation et même d’auto-évaluation (via le compte qualité instauré depuis la V2014) : « Toutes deux méritent de figurer aux côtés de la culture qualité comme une marge de progression, un appel à faire mieux, à s’interroger sur nos pratiques et à nous faire progresser vers le haut, vers encore plus de qualité. Au fond, ne serait-ce pas la culture qualité, faire toujours mieux ? », s’interroge ce responsable qualité. Sans compter les questionnaires qualité distribués à l’issue du séjour d’un patient qui permettent une remontée d’informations sur la qualité des soins et du service dispensés lors de l’hospitalisation.

Pour mener à bien cette culture qualité, la formation est indispensable. Elle qui offre l’opportunité d’accompagner le développement de la qualité dans les établissements de santé, notamment avec des formations de type sensibilisation, des formations qui mixent à la fois aspects théoriques et mises en pratique ou encore des formations managériales. Reste que la culture qualité est en plein essor et sa perception par les soignants qui la font est une source d’inspiration pour un engagement encore plus fort et une amélioration constante du soin. Loin d’être unique, la culture qualité est plurielle, même si elle vise le même objectif : le service rendu au patient.

NOTES

(1) Au-delà de la qualité, aux éditions de la Découverte.

(2) Via le lien raccourci bit.ly/207m2SS

Une culture qualité qui peine à s’installer

Cette notion récente n’est arrivée que tardivement à l’hôpital avec l’avènement des procédures d’accréditation/certification des établissements de santé. Avant 1996 et les réformes touchant l’hospitalisation publique et privée, les soins se déroulaient sans processus qualité, sans norme, sans référentiel précis. Car on avait longtemps pensé que ces notions étaient réservées au monde de l’industrie, normé, formaté et inapplicable à un domaine où l’humain prévaut logiquement sur le reste. D’autant que la notion même de qualité sous-tend la notion de client qui fut longtemps jugée impropre au monde de la santé, resté distant du monde du profit. Les différentes réformes aidant, l’arrivée de scandales sanitaires, peu à peu se sont installés tableaux de bord, indicateurs, suivi qualité. Le soin est-il devenu un objet de consommation comme les autres ? Peut-il se mesurer ? À un moment où plus aucune activité ne sort de l’hôpital sans que le mot qualité ne lui soit associé, on peut se demander si la qualité a encore de beaux jours devant elle. « Il faut être réaliste, ce que l’on appelle “qualité” est extrêmement chronophage et la bureaucratisation de la qualité a tué l’âme de la qualité, argue ce cadre de santé qui a préféré rester anonyme. On doit jongler entre les indicateurs d’évaluation, les tableaux de bord et l’évaluation n’est plus là que pour les chiffres. De la même manière qu’un avion ne doit pas passer sous un seuil de telle altitude pour ne pas rencontrer de soucis, à l’hôpital, on ne doit pas passer sous tel seuil pour continuer à fonctionner. C’est une simple logique de marché, une carotte. L’objectif de base était louable, mais les standards de qualité actuels sont devenus de simples indicateurs visant à illustrer une démarche où l’on risque d’exclure l’essence même de notre métier, le soin. »