Les principales mesures de la loi de santé du 26 janvier 2016 - Objectif Soins & Management n° 244 du 01/03/2016 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 244 du 01/03/2016

 

Droit

Gilles Devers  

Après un long processus d’adoption, la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a été publiée, après validation par le Conseil constitutionnel (décision du 21 janvier 2016, n° 2015-727 DC).

C’est objectivement un texte très important, par son volume d’abord, avec plus d’une centaine de pages au Journal officiel, et par son contenu, la loi procédant à la fois à la rénovation de nombre de concepts et apportant des innovations majeures. La loi organisé autour de trois axes - mieux prévenir, mieux soigner en proximité, renforcer les droits et la sécurité des patients - procède un balayage de tout le Code de la santé publique. Quelques jours plus tard, a été publié la loi n° 2016-87 du 2 février 2016 qui aménage la loi Leonetti sur la fin de vie. Ainsi, les professionnels trouvent un cadre législatif réaménagé sur de nombreux points, et nous aurons l’occasion au cours de l’année, d’étudier en détail ces références législatives nouvelles qui s’imposent à tous.

Dans l’immédiat, voici un coup d’œil sur les principales dispositions de la loi : pratique des soins, professions de santé, politiques de santé publique. La suite dans le prochain numéro d’Objectif Soins & Management.

I - PRATIQUE DES SOINS

Consentement des mineurs

Pour tout ce qui concerne sa santé sexuelle et reproductive, une personne mineure peut consentir à des soins sans l’accord de ses parents.

« Article L. 1111-5-1. Par dérogation à l’article 371-1 du Code civil, l’infirmier peut se dispenser d’obtenir le consentement du ou des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions à prendre lorsque l’action de prévention, le dépistage ou le traitement s’impose pour sauvegarder la santé sexuelle et reproductive d’une personne mineure, dans le cas où cette dernière s’oppose expressément à la consultation du ou des titulaires de l’autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé. Toutefois, l’infirmier doit, dans un premier temps, s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation. Dans le cas où le mineur maintient son opposition, l’infirmier peut mettre en œuvre l’action de prévention, le dépistage ou le traitement. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d’une personne majeure de son choix. »

Isolement et contention

La loi définit enfin le régime de l’isolement et de la contention, considérés comme des pratiques « de dernier recours ».

« Article L. 3222-5-1. L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, prise pour une durée limitée. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin.

« Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l’Agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l’article L. 3222-1. Pour chaque mesure d’isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date et son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée. Le registre, qui peut être établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires.

« L’établissement établit annuellement un rapport rendant compte des pratiques d’admission en chambre d’isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l’évaluation de sa mise en œuvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers prévue à l’article L. 1112-3 et au conseil de surveillance prévu à l’article L. 6143-1. »

Secret professionnel

La base du secret professionnel reste, mais son régime est étendu sans réserve au service social ou médico-social, et la loi précise les conditions du partage de l’information entre professionnels.

« Article L. 1110-4.

« I. Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou un des services de santé définis au livre III de la sixième partie du présent Code, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l’article L. 312-1 du Code de l’action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations le concernant.

« Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.

« II. Un professionnel peut échanger avec un ou plusieurs professionnels identifiés des informations relatives à une même personne prise en charge, à condition qu’ils participent tous à sa prise en charge et que ces informations soient strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social.

« III. Lorsque ces professionnels appartiennent à la même équipe de soins, au sens de l’article L. 1110-12, ils peuvent partager les informations concernant une même personne qui sont strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins ou à son suivi médico-social et social. Ces informations sont réputées confiées par la personne à l’ensemble de l’équipe.

« Le partage, entre des professionnels ne faisant pas partie de la même équipe de soins, d’informations nécessaires à la prise en charge d’une personne requiert son consentement préalable, recueilli par tout moyen, y compris de façon dématérialisée, dans des conditions définies par décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

« IV. La personne est dûment informée de son droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage d’informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment.

« Toutefois, en cas de décès d’une personne mineure, les titulaires de l’autorité parentale conservent leur droit d’accès à la totalité des informations médicales la concernant, à l’exception des éléments relatifs aux décisions médicales pour lesquelles la personne mineure, le cas échéant, s’est opposée à l’obtention de leur consentement dans les conditions définies aux articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1. »

II - PROFESSIONS DE SANTÉ

Exercice en pratique avancée

Une petite révolution s’annonce pour les “paramédicaux” : la loi organise le dépassement des compétences de bases. Il faut attendre le décret d’application, mais c’estun vrai terrain d’innovation qui s’annonce.

« Article L. 4301-1.

« I. Les auxiliaires médicaux relevant des titres Ier à VII du présent livre peuvent exercer en pratique avancée au sein d’une équipe de soins primaires coordonnée par le médecin traitant ou au sein d’une équipe de soins en établissements de santé ou en établissements médico-sociaux coordonnée par un médecin ou, enfin, en assistance d’un médecin spécialiste, hors soins primaires, en pratique ambulatoire.

« Un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Académie nationale de médecine et des représentants des professionnels de santé concernés, définit pour chaque profession d’auxiliaire médical :

« 1° Les domaines d’intervention en pratique avancée qui peuvent comporter :

« a) Des activités d’orientation, d’éducation, de prévention ou de dépistage ;

« b) Des actes d’évaluation et de conclusion clinique, des actes techniques et des actes de surveillance clinique et para-clinique ;

« c) Des prescriptions de produits de santé non soumis à prescription médicale obligatoire, des prescriptions d’examens complémentaires et des renouvellements ou adaptations de prescriptions médicales ;

« 2° Les conditions et les règles de l’exercice en pratique avancée.

« II. Peuvent exercer en pratique avancée les professionnels mentionnés au I qui justifient d’une durée d’exercice minimale de leur profession et d’un diplôme de formation en pratique avancée délivré par une université habilitée à cette fin dans les conditions mentionnées au III.

« Sont tenues de se faire enregistrer auprès du service ou de l’organisme désigné à cette fin par le ministre chargé de la santé, avant un exercice professionnel, les personnes ayant obtenu un titre de formation requis pour l’exercice en pratique avancée.

« La nature du diplôme, la durée d’exercice minimale de la profession et les modalités d’obtention du diplôme et de reconnaissance des qualifications professionnelles des ressortissants européens sont définies par décret.

« III. Toute université assurant une formation conduisant à la délivrance du diplôme de formation en pratique avancée doit avoir été habilitée à cet effet sur le fondement d’un référentiel de formation défini par arrêté conjoint des ministres chargés de la Santé et de l’Enseignement supérieur, dans le cadre de la procédure d’accréditation de son offre de formation.

« IV. Les règles professionnelles et éthiques de chaque profession, ainsi que celles communes à l’ensemble des professionnels de santé, notamment celles figurant aux articles L. 1110-4 et L. 1111-2, demeurent applicables sous réserve, le cas échéant, des dispositions particulières ou des mesures d’adaptation nécessaires prises par décret en Conseil d’État.

« Le professionnel agissant dans le cadre de la pratique avancée est responsable des actes qu’il réalise dans ce cadre. »

Pratique de la masso-kinésithérapie

La profession n’est plus définie par rapport à ses actes mais par rapport à ses missions. La loi indique les incapacités ou altérations sur lesquellesle masseur-kinésithérapeute est habilité à intervenir, et puis les compétences à mettre en œuvre pour prévenir ou traiter les patients. De même, elle précise le rôle du masseur-kinésithérapeute dans l’adaptation et le renouvellement des prescriptions.

« Article L. 4321-1. La pratique de la masso-kinésithérapie comporte la promotion de la santé, la prévention, le diagnostic kinésithérapique et le traitement :

« 1° Des troubles du mouvement ou de la motricité de la personne ;

« 2° Des déficiences ou des altérations des capacités fonctionnelles.

« Le masseur-kinésithérapeute peut également concourir à la formation initiale et continue ainsi qu’à la recherche.

« Le masseur-kinésithérapeute exerce son activité en toute indépendance et en pleine responsabilité conformément au Code de déontologie mentionné à l’article L. 4321-21.

« Dans le cadre des pathologies héréditaires, congénitales ou acquises, stabilisées ou évolutives impliquant une altération des capacités fonctionnelles, le masseur-kinésithérapeute met en œuvre des moyens manuels, instrumentaux et éducatifs et participe à leur coordination.

« Dans l’exercice de son art, seul le masseur-kinésithérapeute est habilité à utiliser les savoirs disciplinaires et les savoir-faire associés d’éducation et de rééducation en masso-kinésithérapie qu’il estime les plus adaptés à la situation et à la personne, dans le respect du Code de déontologie précité.

« La définition des actes professionnels de masso-kinésithérapie, dont les actes médicaux prescrits par un médecin, est précisée par un décret en Conseil d’État, après avis de l’Académie nationale de médecine.

« Lorsqu’il agit dans un but thérapeutique, le masseur-kinésithérapeute pratique son art sur prescription médicale et peut adapter, sauf indication contraire du médecin, dans le cadre d’un renouvellement, les prescriptions médicales initiales d’actes de masso-kinésithérapie datant de moins d’un an, dans des conditions définies par décret. Il peut prescrire, sauf indication contraire du médecin, les dispositifs médicaux nécessaires à l’exercice de sa profession. La liste de ces dispositifs médicaux est fixée par arrêté des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale, après avis de l’Académie nationale de médecine.

« En cas d’urgence et en l’absence d’un médecin, le masseur-kinésithérapeute est habilité à accomplir les premiers actes de soins nécessaires en masso-kinésithérapie. Un compte rendu des actes accomplis dans ces conditions est remis au médecin dès son intervention. Les masseurs-kinésithérapeutes peuvent prescrire des substituts nicotiniques. »

Pratique de l’orthophonie

La loi refond la définition de la profession d’orthophoniste, également dans une approche fonctionnelle, beaucoup plus adaptée que l’approche par compétences.

« Article L. 4341-1. La pratique de l’orthophonie comporte la promotion de la santé, la prévention, le bilan orthophonique et le traitement des troubles de la communication, du langage dans toutes ses dimensions, de la cognition mathématique, de la parole, de la voix et des fonctions oro-myo-faciales.

« L’orthophoniste dispense des soins à des patients de tous âges présentant des troubles congénitaux, développementaux ou acquis.

« Il contribue notamment au développement et au maintien de l’autonomie, à la qualité de vie du patient ainsi qu’au rétablissement de son rapport confiant à la langue.

« L’exercice professionnel de l’orthophoniste nécessite la maîtrise de la langue dans toutes ses composantes.

« L’orthophoniste pratique son art sur prescription médicale.

« En cas d’urgence et en l’absence d’un médecin, l’orthophoniste est habilité à accomplir les soins nécessaires en orthophonie en dehors d’une prescription médicale. Un compte rendu du bilan et des actes accomplis dans ces conditions est remis au médecin dès son intervention.

« Sauf indication contraire du médecin, il peut prescrire ou renouveler la prescription de certains dispositifs médicaux dont la liste est limitativement fixée par arrêté des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale pris après avis de l’Académie nationale de médecine.

« L’orthophoniste exerce en toute indépendance et pleine responsabilité, conformément aux règles professionnelles prévues à l’article L. 4341-9.

« Il établit en autonomie son diagnostic et décide des soins orthophoniques à mettre en œuvre.

« Dans le cadre des troubles congénitaux, développementaux ou acquis, l’orthophoniste met en œuvre les techniques et les savoir-faire les plus adaptés à l’évaluation et au traitement orthophonique du patient et participe à leur coordination. Il peut également concourir à la formation initiale et continue ainsi qu’à la recherche.

La définition des actes d’orthophonie est précisée par un décret en Conseil d’État pris après avis de l’Académie nationale de médecine. »

Pratique de l’orthoptie

Nouvelle définition pour la profession d’orthoptiste, et là encore par une approche fonctionnelle.

« Article L. 4342-1. La pratique de l’orthoptie comporte la promotion de la santé, la prévention, le bilan orthoptique et le traitement des altérations de la vision fonctionnelle sur les plans moteur, sensoriel et fonctionnel ainsi que l’exploration de la vision.

« L’orthoptiste pratique son art sur prescription médicale ou, dans le cadre notamment du cabinet d’un médecin ophtalmologiste, sous la responsabilité d’un médecin.

« Il dépiste, évalue, rééduque, réadapte et explore les troubles de la vision, du nourrisson à la personne âgée. Il participe à la prévention des risques et incapacités potentiels.

« L’orthoptiste exerce son activité en toute indépendance et en pleine responsabilité, conformément aux règles professionnelles prévues au 1° de l’article L. 4342-7.

« Dans le cadre des troubles congénitaux ou acquis, l’orthoptiste met en œuvre les techniques et les savoir-faire les plus adaptés à l’évaluation et au traitement orthoptique du patient et participe à leur coordination. Son intervention contribue notamment au développement et au maintien de l’autonomie et à la qualité de vie du patient.

« Il peut prescrire ou, sauf indication contraire du médecin, renouveler les prescriptions médicales des dispositifs médicaux d’orthoptie, hors verres correcteurs d’amétropie et lentilles de contact oculaire correctrices, dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale pris après avis de l’Académie nationale de médecine.

« L’orthoptiste peut réaliser les séances d’apprentissage à la manipulation et à la pose des lentilles.

« Il peut également concourir à la formation initiale et continue ainsi qu’à la recherche.

« La définition des actes d’orthoptie est précisée par un décret en Conseil d’État pris après avis de l’Académie nationale de médecine. »