À l’hôpital public, le mécénat fait recette - Objectif Soins & Management n° 243 du 01/02/2016 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 243 du 01/02/2016

 

Actualités

Aveline Marques  

Levées de fonds Avec des budgets en berne, de nombreux établissements engagent des démarches de collecte pour financer des projets qui s’inscrivent dans la continuité de leurs missions de soins.

Paris, Le Mans, Montpellier, Nantes, Nice, Versailles, Lille, Argenteuil, Dijon… Ces dernières années, les fonds de dotation et plateformes de dons en ligne fleurissent au sein des hôpitaux publics. Dernier-né, le site de collecte dédié de la Fondation de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris pour la recherche(1), lancé début janvier avec pour vocation « d’apporter des ressources complémentaires aux projets de recherche de l’institution ». En vogue en Amérique du Nord, la levée de fonds (fundraising) séduit de plus en plus d’établissements français, minés par les restrictions budgétaires.

Loin d’être inédite, la démarche est un retour aux sources : l’histoire des hôpitaux, depuis le VIe siècle, est jalonnée de dons et de legs ; ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que la solidarité nationale a pris la relève(2). « Nous sommes dans un contexte économique qui nous contraint à réduire les investissements. Le fonds de dotation nous permet de réaliser des projets qu’on n’aurait pas faits en priorité, mais qui sont nécessaires », explique Christine Khani, directrice du mécénat au centre hospitalier de Versailles (Yvelines) qui a créé son fonds de dotation(3) en juillet dernier. Et de citer la recherche et l’innovation, la modernisation des équipements, l’amélioration de l’accueil des patients ou des conditions de travail du personnel.

Argent privé

Lancé en septembre lors d’un événement conviant particuliers et entreprises à une vente aux enchères, à un concert et à des conférences, le fonds a déjà collecté 80 000 euros, qui pourraient être mobilisés pour la création d’un centre de recherche clinique. Des formulaires et affiches seront disséminés dans les services. L’établissement espère pouvoir lever 200 000 à 300 000 euros par an. « L’idée d’utiliser de l’argent privé n’a pas été tout de suite acceptée, les partenaires sociaux étaient un peu réticents, reconnaît Christine Khani. On a expliqué que des gens cherchaient à donner et que l’hôpital pourrait en profiter. » « Les collectes ne sont pas là pour financer nos missions de base, mais pour des projets “bonus” », insiste Lauriane Noury, chargée de la communication et du mécénat au centre hospitalier d’Argenteuil (Val-d’Oise), qui a créé son fonds de dotation en décembre 2014.

Charité bien ordonnée

Pour cette dernière, le fonds de dotation permet de bien ordonner la charité des patients, proches, associations et entreprises locales. « C’est une structure bien différenciée, dans laquelle le don est tracé. Le donateur sait à quoi sa générosité a servi », précise-t-elle. Actif depuis l’été, le fonds a déjà permis de financer à hauteur de 24 000 euros la pose de plafonds lumineux dans les nouveaux locaux de radiothérapie, notamment grâce à un don de La Ligue contre le cancer.

À Argenteuil comme à Versailles, les équipes médicales et soignantes sont pleinement associées à la démarche : « On leur a dit que, si elles ont un projet mais pas les moyens, cela ne signifie pas que c’est inaccessible. On en parle ensemble, on fait un devis, on voit qui on peut contacter et quelle action de communication mettre en place », relate Lauriane Noury. Les idées ne manquent pas : un “espace nature” à la maternité, l’aménagement de la future unité de pédo-psychiatrie, des nouvelles baignoires pour la pédiatrie…

Réseaux sociaux

Au centre hospitalier universitaire de Dijon (Côte-d’Or), on cherche les fonds nécessaires à l’achat de cinq sonomètres en réanimation (5 300 euros), au remplacement des téléviseurs des résidents de l’Ehpad (7 000 euros) et à l’embellissement artistique de l’accès principal de l’établissement (6 600 euros). Avec sa plateforme de dons en ligne, lancée en juillet, l’hôpital fait le pari du “financement par la foule” (crowdfunding), qui a fait ses preuves dans le domaine culturel. « Grâce à une campagne dans la presse locale, on avait réussi à lever 110 000 euros pour le robot chirurgical en 2008 », rappelle Céline Cornillat, directrice de la communication.

Cette fois, l’hôpital compte notamment sur les réseaux sociaux pour mobiliser la population. Car l’enjeu est aussi de « fédérer » et « animer une communauté de donateurs » : ils recevront une carte de remerciement et seront associés à un événement annuel. 4 000 euros ont déjà été récoltés. Si les collectes ne sont pas bouclées d’ici leur date limite, en juin, le centre hospitalier s’engage à ce que les projets soient néanmoins mis en œuvre.

(1) Créée par la loi du 10 août 2011, la fondation hospitalière a des règles de fonctionnement similaires à une fondation d’utilité publique et doit financer des actions de recherche ; celle de l’AP-HP a été créée en mai 2015.

(2) “La levée de fonds dans les établissements publics de santé : application au centre hospitalier universitaire de Nice”, Guillaume Koch, mémoire de l’École des hautes études en santé publique.

(3) Créé par la loi du 4 août 2008, le fonds de dotation reçoit et gère des biens et droits de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable et les utilise pour réaliser une œuvre ou une mission d’intérêt général ou pour assister une personne morale à but non lucratif.