L’alcoolisation au travail dans la fonction publique hospitalière - Objectif Soins & Management n° 241 du 01/12/2015 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 241 du 01/12/2015

 

Ressources humaines

Jean-Marc Panfili  

L’addiction à l’alcool d’un agent public pose un double problème : de santé pour lui-même et de sécurité pour lui et les tiers. Cette situation doit être abordée sur le plan sanitaire, mais aussi sur le plan juridique. De par la diversité de ses activités, la fonction publique territoriale est la mieux organisée pour faire face à une éventuelle alcoolisation de ces agents en service.

La fonction publique hospitalière s’est peu saisie de ce sujet, mais elle n’est cependant pas épargnée par cette problématique. Dans le processus de continuité des soins, les agents s’adressent à un public potentiellement fragile, sur lequel ils vont pratiquer des actes souvent lourds de conséquences. Ils utilisent à cette fin des techniques, des matériels et des produits dont la mise en œuvre nécessite la sobriété. Dès lors, l’administration hospitalière doit prendre en compte et prévenir l’intempérance éventuelle de certains de ses agents en service.

L’hôpital est tenu d’envisager l’ensemble des conséquences induites par la consommation d’alcool, pour les agents eux-mêmes, mais aussi pour les collègues et pour les usagers. En cas de dommages, il y a un risque d’engagement, à la fois de la responsabilité civile et pénale de l’établissement, de l’agent en cause, ainsi que de ses collègues. Il appartient dès lors à l’administration hospitalière de réglementer son fonctionnement interne, de manière à prévenir, contrôler et traiter les situations d’alcoolisation de ses agents en service. Les travaux des centres de gestion(1) constituent une source de référence à ce propos.

RESPONSABILITÉS

La responsabilité civile de l’administration peut être engagée sur le fondement du non-respect de son obligation de sécurité et de résultat. C’est le cas si l’agent en état d’ivresse cause un accident portant préjudice à lui-même ou à un tiers, sans que l’administration ne détecte les signes d’ébriété et ne lui interdise l’accès au poste de travail. L’administration peut aussi être poursuivie pénalement pour homicide ou blessure involontaire, non-assistance à personne en danger ou mise en danger de la vie d’autrui. L’agent lui-même et, à un degré moindre, ses collègues peuvent également voir leur responsabilité recherchée. L’agent est potentiellement auteur d’une faute inexcusable détachable du service au vu des dommages causés, s’il se trouve en état d’ébriété au moment des faits. Les collègues peuvent aussi se voir reprocher leur défaut de réaction au vu de l’état de l’agent qu’ils côtoient en service.

Responsabilités de l’employeur

Responsabilité indemnitaire

L’employeur public a l’obligation de veiller au respect des règles de sécurité sur les lieux de travail. En application des principes généraux de prévention prévus à l’article L. 4121-1 et suivants du Code du travail, applicables à la fonction publique hospitalière, l’employeur est tenu à l’obligation de sécurité de résultat en matière de prévention des risques professionnels. En cas d’accident, il sera présumé fautif, sauf s’il apporte la preuve qu’il est hors de cause. Dans certaines conditions, il pourra être responsable, même en l’absence de faute. Pour la chambre sociale de la Cour de cassation(2), « en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat ». Cette jurisprudence de droit privé fondamentale constitue la référence, dès lors que les règles du Code du travail relatives à la sécurité au travail sont aussi applicables aux établissements de santé publics. La Cour confère de plus à cette obligation « le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale », dans la mesure ou « l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ».

La responsabilité de l’employeur public pour risque professionnel est rappelée par la circulaire du 23 décembre 2011 du ministère de la Santé(3), s’appuyant sur la jurisprudence du Conseil d’État(4). Elle énonce un rapprochement avec les règles de droit privé, considérant que, même en l’absence de faute de sa part, l’administration hospitalière est tenue de réparer les dommages corporels subis par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions. Ainsi, selon le ministère, « la responsabilité de l’administration pourrait être engagée dès lors que les mesures nécessaires de prévention de la santé des agents n’auraient pas été prises et qu’un dommage en aurait résulté directement ». La circulaire conclut que « ce régime de responsabilité en matière indemnitaire plaide pour la mise en place effective d’une véritable politique de prévention ».

Responsabilité pénale

La santé, à la fois physique et mentale, est une composante essentielle des conditions de travail. À ce titre, elle doit être au centre de toute décision en matière de gestion des ressources humaines. L’abstention d’agir dans ce domaine peut engager directement ou indirectement la responsabilité pénale du chef d’établissement, voire de ses agents sous certaines conditions. Précisément, les infractions non intentionnelles prévues en application de l’article 121-3 alinéa 4 du Code pénal trouvent à s’appliquer pour la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. En cas de dommages occasionnés aux personnes physiques, la méconnaissance, par le chef d’établissement ou son délégataire, de la réglementation sur la sécurité des travailleurs constitue une faute pénale. Bien qu’ils n’aient pas souhaité le résultat dommageable, ils exposent autrui à un risque d’une particulière gravité qu’ils ne peuvent ignorer. Le chef d’établissement ou son délégataire sont responsables de la mise en œuvre de la réglementation applicable à la santé et de la sécurité au travail et doivent en répondre en cas de dommage consécutif aux manquements. Notons enfin que la responsabilité pénale du chef d’établissement peut également être engagée en l’absence même d’un dommage réel. Selon le 2e alinéa de l’article 121-3 du Code pénal, « lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d’autrui ». L’objectif du délit de mise en danger d’autrui prévu par le législateur est de prévenir les accidents, en réprimant les manquements graves aux règles de sécurité, y compris en l’absence d’accident.

Responsabilités de l’agent et de ses collègues

Responsabilités de l’agent

L’agent intempérant est également responsable des dommages qu’il cause. Au plan civil, il peut être condamné personnellement à participer pour tout ou partie au paiement des dommages occasionnés par sa faute, au service, à des usagers ou à des tiers.

Si l’agent est victime d’un accident causé par son imprégnation alcoolique, dans l’exercice de ses fonctions ou entre le lieu du travail et le domicile, il perd le bénéfice de certaines protections. Il ne bénéficiera pas du régime des accidents de service, ni de la protection fonctionnelle telle que prévue à l’article 11 de la loi statutaire de 1983. En effet, la jurisprudence considère que l’état d’ébriété constitue une faute personnelle détachable de l’exercice des fonctions. Enfin, il convient de rappeler que l’ivresse en tant que telle ne constitue pas un motif de sanction. En revanche, les conséquences de l’imprégnation alcoolique sur le comportement de l’agent peuvent faire l’objet d’une procédure disciplinaire. En effet, l’agent en état d’ébriété peut manquer de retenue et entraîner une mauvaise exécution du travail. Ce comportement peut se caractériser notamment par des retards répétés, l’insubordination, de l’agressivité et de la violence, un absentéisme ou bien une incapacité à exécuter le travail demandé. Il s’agit d’autant de faits qui constituent un manquement aux obligations professionnelles inhérentes au statut d’agent public.

Responsabilités des collègues de l’agent

Les dispositions du législateur prévues à l’article L. 4122-1 du Code du travail nous indiquent qu’en fonction de sa formation et de ses possibilités, le travailleur doit prendre soin, non seulement de sa propre santé et sécurité, mais aussi de celle des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail. De plus, selon les termes de l’article 223-6 du Code pénal, l’agent qui est témoin d’actes dangereux pour lui-même ou autrui, de la part d’un collègue en état d’ivresse, doit intervenir. Pour la chambre criminelle de la Cour de cassation(5), l’infraction est constituée dès lors que l’employé n’était pas en état de conduire et qu’un cadre ou collègue aurait pu intervenir, sans employer la force et sans risque pour lui-même. En cas d’abstention, le cadre ou le collègue peut être poursuivi pénalement pour omission de porter secours et pour mise en danger de la vie d’autrui. De plus, le droit d’alerte prévu par l’article L. 4131-1 et suivant du Code du travail induit que, face à un risque grave présenté par une personne en état d’ivresse, l’agent est soumis à une obligation d’assistance et de signalement, dès lors qu’il a un motif raisonnable de penser que la situation présente un danger grave et imminent. En l’occurrence, dans la mesure du possible, l’agent témoin doit en premier lieu directement intervenir auprès de l’agent concerné. Sinon, a minima, il doit alerter le supérieur hiérarchique à même d’intervenir. Dès lors, face à ce type de situation, ne rien faire et garder le silence par “esprit de solidarité” avec l’agent concerné constitue une erreur d’appréciation potentiellement lourde de conséquences.

CONDUITE À TENIR

En cas de laxisme face à l’intempérance des agents, la responsabilité de l’établissement public de santé et de son représentant est engagée sans ambiguïté. Il est donc nécessaire de réglementer au niveau interne de l’institution. Les comportements anormaux et la dégradation de la santé manifeste d’un salarié doivent alerter et faire réagir sa hiérarchie. Il faut aussi évaluer l’impact possible d’un problème de vigilance induit par l’intempérance, par rapport au service public, dans les situations à risques. Ceci nécessite d’abord d’adopter des mesures préventives (lire l’encadré p. 28), mais aussi de prévoir des mesures d’accompagnement et de contrôle le cas échéant. Ainsi, dans certains cas de figure, le recours au contrôle d’alcoolémie peut s’avérer indispensable. Le gouvernement interrogé sur la possibilité et les conditions permettant à une administration d’opérer des contrôles inopinés d’alcoolémie sur ses agents a d’ailleurs rappelé le cadre juridique, par la voix du ministre de l’Intérieur(6). Contrairement à certains a priori, il existe bien un cadre juridique permettant de faire face à ces situations.

Accompagnement et contrôle

Il convient de distinguer deux cas de figure d’alcoolisation en service. En effet, la nécessité d’un accompagnement peut être envisagée en dehors d’un contexte de danger. Mais il peut s’agir de cas où le danger est réel et imminent, qui nécessitent des mesures spécifiques de contrôle. Enfin, il est également nécessaire d’envisager la conduite à tenir, en cas de refus du contrôle par l’agent concerné.

Accompagnement “à froid”

L’autorité hiérarchique doit déclencher un entretien avec la personne concernée, dès que les signes sont avérés. Pendant cet entretien, les points observés doivent être décrits de manière objective, mais avec tact et mesure. L’autorité doit signaler à l’agent le repérage d’un changement de comportement pouvant être lié à une consommation de substances psycho-actives. Il faut alors prendre en compte la souffrance de la personne, mais aussi lui notifier que le bon fonctionnement du service est en jeu. L’agent doit aussi être sensibilisé à l’éventualité d’une sanction disciplinaire. Il s’agit d’ouvrir le dialogue avec l’agent qui devra être informé des aides possibles sur le plan médical et social, mais aussi de l’obligation de rencontrer le médecin de prévention. L’entretien fera enfin obligatoirement l’objet d’un compte rendu écrit par l’autorité hiérarchique à destination de l’agent et du médecin de prévention.

Outre la surveillance médicale, le médecin de prévention doit rendre un avis sur l’adéquation santé-travail pour l’agent concerné. De manière plus spécifique, il devra évaluer l’aptitude de l’agent à reprendre son poste de travail et décidera des éventuels restrictions ou aménagements de postes nécessaires. De plus, en accord avec l’agent, une rencontre avec le responsable hiérarchique et le médecin de prévention doit être organisée pour mettre en place un contrat d’accompagnement. Ce contrat, qui doit être établi dans un climat de confiance, doit intégrer une définition d’objectifs réalisables par chacun des contractants. Les éléments du contrat pourront porter, par exemple, sur l’engagement du salarié à respecter les horaires, les règles de sécurité et les rendez-vous fixés. Enfin, un suivi devra être mis en place.

Le contrôle par éthylotest en cas de danger “à chaud”

Possibilité de recourir à l’éthylotest

Face à la problématique de l’alcool au travail, l’employeur public peut être amené à contrôler l’état d’ébriété d’un agent sans préalable. Ce contrôle doit néanmoins strictement respecter les droits et libertés individuelles des agents concernés. L’éthylotest peut certes être utilisé, mais dans un cadre de proportionnalité strictement défini. La disposition doit être prévue par le règlement intérieur de l’établissement ou par une note de service. L’autorité administrative doit d’abord avoir posé un cadre réglementaire (voir supra), puis porter la procédure de contrôle par éthylotest à la connaissance de l’ensemble des agents. Elle doit enfin compléter impérativement la démarche par une approche préventive.

Attention : l’avis du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est indispensable, aussi bien pour la mise en place des dispositions que pour les modifications ultérieures du règlement intérieur. Le Conseil d’État(7) confirme le droit applicable en considérant que si « l’éthylotest doit avoir pour but de prévenir et faire cesser une situation dangereuse, et non de permettre à l’employeur de constater une faute disciplinaire », un employeur peut toutefois proposer des éthylotests aux agents, si cela est précisé dans le règlement intérieur. Doivent y figurer les conditions et modalités du dépistage, ainsi que la liste des postes concernés.

L’éthylotest est un acte non médical qui peut être effectué par l’employeur lui-même ou une personne expressément déléguée, les résultats étant transmis secondairement à l’employeur. Cet examen peut déboucher sur une prise en charge médicale si l’état du salarié l’impose. Attention : l’éthylotest indique seulement si le taux d’alcool de l’agent est supérieur à la limite légale autorisée par le Code de la route pour conduire un véhicule sur la voie publique. Il ne donne pour autant aucune autre indication et ne prouve pas en lui-même l’état d’ébriété. De ce fait, aucune sanction ne peut être prononcée du seul fait qu’un agent est contrôlé positif à l’éthylotest. Seul le comportement inadapté lié à une alcoolisation excessive peut être sanctionné (voir supra).

La chambre sociale de la Cour de cassation(8) considère que les dispositions du règlement intérieur qui permettent d’établir par éthylotest l’état d’ébriété d’un salarié sur le lieu de travail sont licites, mais sous deux conditions cumulatives. En premier lieu, ces modalités de contrôle doivent en permettre la contestation par l’agent contrôlé. En second lieu, eu égard à la nature du travail confié, un tel état d’ébriété doit être de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger. Sous ces conditions, il peut s’agir d’une faute grave du salarié.

À titre d’exemple, pour ses agents publics, le ministère de la Justice(9) a prévu des procédures de contrôle, y compris par éthylotest, à faire figurer explicitement dans les règlements intérieurs de ses services. À titre conservatoire, « tout agent ayant des troubles caractérisés du comportement qui apparaissent liés à une alcoolisation aiguë ou chronique doit être écarté ponctuellement du service ». D’abord, le responsable hiérarchique doit « constater l’incapacité de l’agent à exercer ses fonctions ». Ensuite, l’agent en question doit être placé, « dans la mesure du possible, avec une tierce personne, en salle de repos ». Enfin, le supérieur doit « prendre attache auprès d’un médecin et […] organiser, selon l’avis médical, son rapatriement à son domicile ou son transfert à l’hôpital ». Le ministère précise également un point essentiel, puisqu’à cette fin, le responsable hiérarchique « peut ordonner un alcootest ». Les objectifs consistent en l’espèce à « apprécier l’état de l’agent », ainsi qu’à « l’empêcher, le cas échéant, de prendre son service afin de prévenir ou faire cesser une situation dangereuse ». Les personnes habilitées à effectuer cet alcootest sont en priorité l’employeur, ainsi que celles que celui-ci aura désignées comme compétentes. Cela peut être des personnes nommément désignées ou bien une catégorie professionnelle particulière.

Utiliser l’éthylotest à bon escient

En vertu de l’article L. 4228-20 et suivant du Code du travail, l’autorité hiérarchique doit agir si elle a de bonnes raisons de penser que l’agent est en état d’ébriété, au vu de son comportement, des propos tenus ou des témoignages d’autres employés. Si l’administration doit interdire le séjour d’un agent en état d’ivresse sur son lieu de travail, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille le laisser rentrer seul chez lui. Dans ce dernier cas, au regard du risque potentiel qu’il représente, il faut le raccompagner ou le faire reconduire. Selon l’état d’ébriété, avancé ou non, il peut être préférable de le retenir le temps qu’il soit en mesure de partir sans danger. De même, au titre de la présomption d’état d’ébriété, il faut empêcher l’agent de reprendre son travail, même s’il certifie en être apte. Après le contrôle, il faut mettre l’agent à l’écart de son poste et éviter, autant que possible, qu’il parte avec ses moyens personnels. La meilleure conduite à tenir consiste alors à attendre le dégrisement ou bien à le raccompagner à son domicile.

Le Conseil d’État(10) a toutefois réservé les contrôles par éthylotest aux postes à risques, car de telles dispositions doivent rester proportionnées au but de sécurité recherché. Le contrôle ne peut être systématique, mais orienté vers les agents occupant des postes à risques, pour eux-mêmes ou pour les tiers. Ce recours est justifié seulement s’il intervient pour prévenir ou faire cesser immédiatement une situation dangereuse. Il n’existe pas de définition réglementaire des postes à risque, mais, selon la jurisprudence, il s’agit de postes qui présentent certaines caractéristiques. La nature du poste est telle qu’une défaillance humaine ou un simple défaut de vigilance peut entraîner des conséquences graves pour les personnes. Ces postes peuvent aussi comporter intrinsèquement des exigences de sécurité nécessitant un haut degré de vigilance. Ceci n’est cependant pas exhaustif et l’établissement peut inclure d’autres types de postes en fonction de sa propre analyse des risques à laquelle il est tenu, conformément à l’article L. 4121-3 du Code du travail. Pour la fonction publique hospitalière, c’est évidemment le cas des agents intervenant directement ou indirectement dans le processus de sécurité des soins aux patients, directs ou indirects, ou encore par exemple appelés à la conduite de véhicules de transport de personnes. Le règlement intérieur de l’hôpital peut à ce titre prévoir une liste de postes ou tâches à risques pour lesquelles le recours à un éthylotest est possible.

Conduite à tenir en cas de refus de contrôle par l’agent

Le Conseil d’État(11) a considéré que l’agent public, manifestant des signes d’ébriété, qui refuse de se soumettre à l’épreuve d’alcootest, est auteur de faits de nature à justifier une sanction disciplinaire. Si l’agent refuse de se soumettre, il y a alors présomption de l’état d’ivresse à son égard. Le refus de se soumettre à un contrôle d’alcoolémie peut être considéré dans ce cas comme un refus d’obéissance et sanctionné en conséquence. En l’occurrence, la réponse du gouvernement (voir supra) rappelle que, conformément à l’article R. 4228-21 du Code du travail, applicable à toutes les fonctions publiques, il est interdit de laisser pénétrer ou séjourner sur le lieu de travail des personnes en état d’ébriété. Par ailleurs, être en état d’ébriété sur le lieu de travail constitue un manquement aux obligations d’un agent public, donc une faute susceptible d’être sanctionnée. C’est ce que rappelle la circulaire du ministère de la Justice ( voir supra) indiquant que « le fait de présenter des signes manifestes d’ébriété et le refus de se soumettre à l’épreuve de l’alcootest sont de nature à justifier des poursuites disciplinaires ». Signalons enfin que, dans le cadre des dispositions du règlement intérieur de l’établissement, l’agent en question doit impérativement avoir la possibilité de contester le résultat de l’éthylotest en demandant une contre-expertise.

NOTES

(1) “L’alcool sur les lieux de travail”, guide pratique, Inspection médicale du travail et de la main d’œuvre, Inspection du travail, sous l’égide de la Direction régionale du travail de l’emploi et de la formation professionnelle de Basse-Normandie et de l’Institut universitaire de recherche et de formation en santé au travail de Basse-Normandie ; “Alcool sur le lieu de travail – Novembre 2010”, Centre de gestion de la fonction publique territoriale de Côte d’Or, www.cdg21.fr ; “La gestion du risque alcool”, Centre de gestion fonction publique territoriale des Hautes-Alpes, Pôle organisation et sécurité au travail service hygiène et sécurité.

(2) Cass, ch soc, 28 février 2002, n° 00-10051. Publié au bulletin.

(3) Circulaire n° DGOS/RH3/2011/491 du 23 décembre 2011 relative au rappel des obligations en matière d’évaluation des risques professionnels dans la fonction publique hospitalière.

(4) CE, 21 juin 1895 Cames.

(5) Cass. crim., 5 juin 2007, n° 06-86228.

(6) Question écrite n° 06243 de Monsieur le Sénateur Jean-Louis Masson (Moselle - NI), réponse du ministère de l’Intérieur publiée dans le JO Sénat du 27/06/2013 - page 1945.

(7) CE, 9 octobre 1987, n° 72220. Mentionné dans les tables du recueil Lebon.

(8) Cass, chambre soc., 24 février 2004, n° 01-47000. Publié au bulletin.

(9) Bulletin officiel du ministère de la Justice n° 88, 1er octobre – 31 décembre 2002. Prévention de l’alcoolisme, AP 2002-11 RH/18-10-2002NOR : JUSE0240157C- 18 octobre 2002.

(10) CE, 12 novembre 2012, Société Caterpillar France, n° 349.365. Mentionné dans les tables du recueil Lebon.

(11) CE, 17 février 1995, n° 107766. Publié au Recueil Lebon.

Les mesures préventives

Les dispositions de l’article L. 4121-3 du Code du travail imposent à l’employeur d’évaluer les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs. Il doit de plus mettre en œuvre « les actions de prévention », ainsi que « les méthodes de travail » garantissant le meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il doit enfin intégrer ces actions et ces méthodes « dans l’ensemble des activités de l’établissement et à tous les niveaux de l’encadrement ». Précisément, les dispositions des articles R. 6141-11 et R. 6141-13 du Code de la santé publique prévoient l’établissement d’un règlement intérieur dans les établissements publics de santé. Ce règlement doit être arrêté par le directeur vu les compétences définies par l’article L. 6143-7 du même code. Cette obligation repose également sur les dispositions de l’article L. 4111-1 du Code du travail, qui rend applicable aux établissements de santé la partie de ce code concernant la santé et la sécurité au travail. Ainsi, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales(1) considère dans ses recommandations que l’établissement d’un règlement intérieur présente une réelle utilité en matière de santé et de sécurité dans le cadre professionnel, y compris dans la fonction publique hospitalière, tout particulièrement en matière de prévention des risques liés aux conduites addictives.

Concernant les risques spécifiques liés à la consommation d’alcool au travail, le décret(2) du 1er juillet 2014 permet aux employeurs de restreindre, voire d’interdire complètement la consommation dans l’entreprise, en complétant les dispositions règlementaires du Code du travail. L’article R. 4228-20 du même code modifié indique désormais que « lorsque la consommation de boissons alcoolisées, […] est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur, […] prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d’accident ». Outre le cadre préventif général, ces mesures règlementaires, même si elles doivent être strictement proportionnées au but recherché, « peuvent notamment prendre la forme d’une limitation, voire d’une interdiction de cette consommation ».

(1) CNRACL, Fond de prévention, Point de réglementation n° 7, “Prévention des conduites addictives en milieu professionnel dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière”, février 2014.

(2) Décret n° 2014-754 du 1er juillet 2014 modifiant l’article R. 4228-20 du Code du travail, JORF n° 0152 du 3 juillet 2014 page 10 988, texte n° 39.