GHT : que reste-t-il aux directeurs des soins ? - Objectif Soins & Management n° 239 du 01/10/2015 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 239 du 01/10/2015

 

Actualités

Hélène Colau  

Compétences Le projet de texte sur les futurs groupements hospitaliers de territoire (GHT) que doit présenter le ministère de la Santé vise à recentrer les activités hospitalières autour d’établissements pivots. Cette réforme risque de bouleverser les fonctions de direction.

Regroupement des achats, des systèmes d’information, de la formation continue, des services médico-techniques… Quelles compétences resteront du ressort des directions des établissements de santé qui n’auront pas été désignés comme “supports” après la création des groupements hospitaliers de territoire, l’une des propositions phares du projet de loi de santé, examiné au Sénat depuis le 14 septembre* ? Telle est la question que se posaient les directeurs présents au colloque du syndicat Syncass-CFDT, le 9 septembre à Paris.

« Si le but est d’aboutir à une fusion, pourquoi le ministère avance-t-il masqué au lieu de nous donner des informations qui nous permettraient de nous organiser ? », ont lancé plusieurs participants. « Il n’y a pas de grand complot, a tenu a préciser Jacqueline Hubert, directrice générale du CHU de Grenoble (Isère) et chargée de mission sur la mise en place des groupements hospitaliers de territoire auprès du ministère de la Santé. Si la fusion semble pertinente dans certains cas, elle se fera. Mais ça ne sera pas la meilleure solution partout. »

Quoi qu’il en soit, la nouvelle organisation, qui obligera chaque hôpital public à s’adosser à un établissement pivot, souvent le CHU le plus proche, modifiera profondément les fonctions de direction. Dès à présent, l’incertitude dans laquelle se trouvent les directeurs pèse sur leur exercice au quotidien. « On a des besoins en termes de recrutement d’infirmières, explique Éric Guyader, directeur du CH de Beauvais (Oise). Il faut désormais les anticiper au niveau d’un territoire et non plus d’un établissement. Or le projet de texte ne nous permet pas de créer les instances permettant de tels recrutements. »

Déplacements quotidiens

Selon Marc Pentecouteau, directeur des soins aux CH de Châteauroux et du Blanc (Indre), la principale conséquence de la mise en place des GHT sera le passage d’une fonction de proximité à un rôle plus stratégique, puisque les directeurs seront intégrés dans le comité stratégique du GHT. « Les directeurs des soins exercent déjà en collaboration avec les directeurs d’établissement dans leurs domaines de compétences : la politique des soins, la qualité et la gestion des risques, la communication… Mais il faudra aller plus loin », estime-t-il. Outre les interrogations sur l’avenir des directeurs des soins des établissements « non-supports », qui pourraient être dépouillés d’une partie de leurs prérogatives, ce qui l’inquiète le plus, c’est la distance entre les différents établissements d’un même GHT : « Comment gérer l’articulation entre les acteurs locaux et le territoire de façon si éloignée ? Comment répondre aux besoins d’accompagnement ? Comment assurer des conditions de travail satisfaisantes si des déplacements quotidiens sont nécessaires ? » L’incertitude plane aussi sur la direction des instituts de formation. En effet, le projet de loi de santé confie leur gestion aux établissements supports… « Va-t-on vers une concentration des instituts ? », s’inquiète Marc Pentecouteau.

Une chose est sûre : le métier devrait glisser vers une fonction de coordination territoriale, que ce soient des soins ou des instituts de formation. « On doit aller vers un management situationnel, qui prend en compte les particularités locales, qui fait confiance aux acteurs locaux tout en prenant en compte les usagers », conclut Marie-Dominique Périot, directrice du CH de Selles-sur-Cher (Loir-et-Cher).

* Prévue pour janvier 2016, la mise en place des GHT sera probablement repoussée.