Éducation thérapeutique pour iléostomisé(e)s - Objectif Soins & Management n° 239 du 01/10/2015 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 239 du 01/10/2015

 

Promotion de la santé

Jocelyne Drouin  

L’intervention de l’iléostomie programmée entraîne un choc psychologique, dû aux meurtrissures du corps et à une nouvelle écoute de son fonctionnement, coordonnée avec la pensée. Les périodes pré- et post-opératoires représentent un temps d’apprentissage envers la nouvelle image de son corps et la manière d’appréhender autrement sa vie pour soi-même et envers les autres.

Les conseils diététiques, cutanés, psychologiques recensés ici permettent d’obtenir des repères, afin de mieux appréhender la nouvelle expérience de vie des patients. Ces derniers apparaissent comme le point central, les personnes uniques capables de penser, de vivre leurs émotions, faire des choix, et d’agir pour eux-mêmes.

APRÈS LA PREMIÈRE INTERVENTION

Conseils pour les soins cutanés

Au domicile

Les changements quotidiens de la poche d’iléostomie, de son support tous les trois jours, peuvent entraîner des irritations dermiques. Si le patient prend une douche, protéger la poche par l’application d’un film étanche. Puis nettoyer à l’eau et sécher minutieusement la peau. Ensuite, étaler largement sur et autour des lésions cutanées une couche fine bien pénétrante en massant régulièrement avec une crème cicatrisante et réparatrice. Enfin, apposer le montage du socle de la poche comme à l’habitude. Renouveler l’utilisation de la crème deux fois par jour. Si le problème persiste, demander conseil au stomathérapeute.

Les soins cutanés de la cicatrice de laparotomie, au bas du ventre

Masser quotidiennement la cicatrice et autour, dans le sens des aiguilles d’une montre, pour faciliter la cicatrisation et la prévention de constitution de la fibrine. Ne pas apposer de crème cicatrisante, elle a un effet néfaste ultérieurement : elle durçit la peau. Ne pas s’exposer au soleil, ni mettre de crème solaire sur cette cicatrice, pendant la première année post-opératoire.

Conseils diététiques

La relation entre le volume des selles et l’alimentation se trouve dans le carnet de suivi : situation d’iléostomie post-opératoire. L’apprentissage de cette surveillance est indispensable pour réaliser un équilibre. La quantité quotidienne d’élimination des selles est de 600 à 800 cl. Il faut boire un litre d’eau gazeuse par jour pour compenser les pertes en sel et magnésium dans les selles. Si le patient ne supporte pas les gaz, les éliminer en mettant, la veille, une bouteille au frais après l’avoir secouée et retiré le bouchon. Il faut consommer un litre et demi d’eau minérale sous forme de thé, tisanes, café, soupes. Au-delà du volume de selles quotidien de 850 ml, prendre un comprimé anti-diarrhéique. Par ailleurs, manger une banane une à deux fois par semaine et un carré de chocolat noir à faire fondre sous la langue, tous les jours. Ces aliments, riches en magnésium et en potassium, compenseront naturellement les pertes électrolytiques et réduiront les crampes musculaires. Le régime alimentaire doit permettre la réintroduction progressive des fibres et crudités.

Semaine 1 post-opératoire

Se référer au tableau “régime sans résidus” ci-après. La prise des repas est conseillée à heure fixe, par exemple à 9?heures, 12?heures, et 19?heures. L’intérêt est que la digestion puisse se réaliser trois heures avant l’endormissement. Effectuer les soins de vidange de la poche avant le coucher. Ce rythme est conseillé pendant la période intermédiaire, c’est-à dire entre la première intervention et le rétablissement colique qui a lieu dans les six à sept semaines après l’opération.

Semaines 2 à 7 post-opératoire

Introduire progressivement les fibres associées au régime sans résidus. Si, le midi, des aliments riches en fibres sont consommés, il est préférable de favoriser le soir un plat sans résidus. Il est recommandé de prendre les salades de crudités au début du repas, en entrée, pour éviter les gaz et les ballonnements. Si des gaz persistent, prendre du bicarbonate ou du charbon. Attendre un mois post-opératoire avant d’introduire petit à petit des petits pois bien cuits et des flageolets. Surveiller grâce au carnet de suivi (voir ci-dessus), la relation entre l’alimentation et les selles (l’aspect et le volume).

Conseils vestimentaires

• Pour les femmes, être à l’aise en portant des robes droites, amples, des pantalons à taille basse ou des joggings. Vider la poche d’iléostomie toutes les deux à trois heures, aussi souvent que nécessaire, même à moitié pleine. Tout risque de fuite, d’irritation cutanée et de décollement du support sera ainsi évité. De ce fait, l’appareillage est discrètement dissimulé.

• Pour les hommes, favoriser les pantalons à taille base, ou les joggings. Éviter les chemises près du corps.

Conseils relatifs au rythme de vie

Il est très important pour le patient d’effectuer des activités quotidiennes dans la maison. Certaines activités lui sembleront difficiles, telles qu’étendre du linge, balayer, laver le sol, passer l’aspirateur, se baisser… Du moins dans les premiers temps. En aucun cas il ne faut forcer. Dans la mesure du possible, recommander au patient de faire des siestes. Les promenades et rencontres d’amis lui permettront de retrouver une vie sociale qu’il ne faut pas négliger.

APRÈS LA SECONDE INTERVENTION

Conseils pour les soins cutanés

Après la deuxième phase opératoire apparaît un orifice cutané profond, à l’endroit de l’iléostomie. Des soins stériles quotidiens seront effectués par une infirmière à l’hôpital et par la suite à domicile tous les deux jours.

• En cas de lésions cutanées, causées par les adhésifs retirés et reposés fréquemment, il faudra varier la taille du pansement pour changer les points de contacts des adhésifs ; par ailleurs, faire pénétrer une crème cicatrisante pour calmer les sensations de brûlures et grattages cutanés, si nécessaire deux fois par jour.

• Quand la cicatrisation de l’iléostomie sera complète et lorsque le patient sera allongé, lui conseiller de masser la zone quotidiennement dans le sens des aiguilles d’une montre. Le but est d’éliminer les regroupements de fibrine et de favoriser la cicatrisation interne. Quelquefois, des sensations de grattage, de picotements internes sont ressenties un court instant ; ceci est tout à fait normal, la sensation de cicatrisation des tissus est effective ; elle se dissipe progressivement au cours du temps. Par ailleurs, continuer à masser quotidiennement la cicatrice de laparotomie, sans crème (comme indiqué ci-dessus).

Conseils diététiques

L’introduction des fibres devra toujours être progressive, associée à des sucres lents tels que des pâtes, du riz, de la semoule ou des pommes de terre. Il en sera de même pour les crudités. Comme pour la première opération, celles-ci seront consommées en début de repas, pour réduire l’émission de gaz. Éviter les plats en sauces. Varier autant que possible les menus. Maintenir la consommation d’une banane tous les deux jours, ainsi qu’un carré de chocolat quotidien, pour compenser les pertes en magnésium, qui souvent se manifestent par des crampes, mais aussi faciliter la concentration des selles. La consommation d’alcool doit demeurer faible, c’est-à-dire un à deux verres de vin par jour. Les alcools forts seront bus en quantité d’un verre par mois. Il est impératif de continuer à boire plus d’un litre et demi d’eau quotidiennement. Utiliser à nouveau le carnet de suivi, proposé après la première intervention. En fonction du nombre de selles (normalement de deux à quatre quotidiennement), adapter son régime alimentaire.

Amélioration de l’image du corps

Les périodes d’hospitalisation ont entraîné une perte de poids, une fonte musculaire et une fatigue. À partir du deuxième mois après la seconde intervention, la pratique du vélo, de la marche, du jogging, de la natation et des exercices de musculation légers sont possibles. Neanmoins, il faut favoriser des périodes de repos, d’au moins une à deux heures quotidiennement, et des exercices respiratoires relaxants. Le patient pourra dissiper les marques de fatigue par un maquillage des joues, des yeux et des lèvres. Certains cosmétiques permettent d’obtenir un résultat naturel, comme de l’anticerne, une crème colorante de type fond de teint, du fard à joues et du rouge à lèvres. Conseiller de continuer à prendre soin de sa coiffure, de son apparence vestimentaire.

Se ressourcer

Écouter ses envies, donner de son temps. Cela suppose de prendre le temps de s’interroger sur ce qui fait barrage à cette écoute, et à ce légitime soin de soi. Ce temps d’écoute de soi est nécessaire pour débusquer ses freins et apprendre à les lever en douceur. Un fort sentiment de culpabilité conduit à étouffer tout ce qui pourrait procurer du plaisir. On n’a pas le sentiment de ne pas le mériter, on se prive de ce qui pourrait nous faire du bien. Cette posture de sacrifice, la culpabilité, est un frein puissant, dont la principale caractéristique est l’incapacité à s’autoriser à se faire du bien. Il est important de retrouver les sensations de bien-être, de plaisir, associé à un nouveau vécu et d’investir son énergie psychique dans des solutions concrètes.

Conclusion

Ces conseils pratiques serviront à guider la personne iléostomisée pour vivre le plus naturellement possible l’opération chirurgicale et la période de convalescence qui suit. Les exercices de visualisation créatrice consistent à se projeter dans une situation imaginaire, pour se connecter à son propre potentiel de réalisation. L’outil de transformation aide la personne à se déconnecter d’une situation angoissante, épuisante, et à activer ses ressources inconscientes. Cela permet d’élargir son horizon, de mettre de l’étonnement, de la féérie dans ses activités les plus banales. En effet, tous ces soins et conseils représentent une réalité complexe, pour prendre soin de ces personnes. Ainsi convergent différentes compétences infirmières : celles des sciences médicales, humaines, éducatives. Le projet de soins infirmiers doit pouvoir s’adapter à l’individu, être clarifié et partagé au sein de l’équipe. Poser la question de la formalisation d’un raisonnement clinique aide le patient à clarifier sa problématique, évaluer, développer avec lui le niveau d’aide dont il a besoin, en le rendant acteur. C’est aussi articuler son projet de vie avec son projet de soins.

Le cadre de santé à l’écoute

Le cadre de santé est avant tout un cadre de “métier”. Il est le référent professionnel dans le soin, le prendre soin de l’autre. Il est le leader, le manager de l’équipe. Il développe le consensus, pour une approche globale et personnalisée des problèmes de santé du patient, de la souffrance, de la famille. Ce cheminement avec l’équipe soignante demeure son rôle fondamental : être toujours à la juste distance, permettre l’adhésion aux finalités, par rapport aux objectifs, aux valeurs professionnelles que sont l’écoute, le respect, la considération de l’autre. Le patient doit être aidé dans cette étape de vie ; le soignant, attentif à toutes ses émotions. Elles sont un terrain d’expériences fabuleux… sources d’énergie créatrice d’évolution.