Le binge drinking, un réel problème de santé publique - Objectif Soins & Management n° 236 du 01/05/2015 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 236 du 01/05/2015

 

Promotion de la santé

Payen Wilfrid*   Gelig Laurent**   Decherf Prisca***   Picotti Franck****   Hercelin Ester*****  

La pratique du binge drinking chez les jeunes adultes est de plus en plus pratiquée. Les conséquences de ce phénomène ne sont pas sans poser problème sur le plan de la santé ainsi que sur l’environnement social.

L’enquête de terrain a été menée dans un lycée public et a permis l’élaboration de cette recherche. Ce phénomène d’actualité pose une problématique de santé publique. Par ailleurs, la population ciblée (les jeunes adultes) démontre le paradoxe dans la connaissance entre la pratique et les conséquences de celle-ci. L’importance dans la sensibilisation des jeunes adultes reste un atout majeur afin de les rendre acteurs de la prévention chez les plus jeunes.

DÉFINITION

Le binge drinking est un mode de consommation excessif de grandes quantités de boissons alcoolisées sur une courte période de temps.

Ce type de comportement, où l’état d’ivresse est recherché rapidement, est considéré comme une addiction.

Un phénomène actuel…

De nos jours, le binge drinking chez les jeunes adultes est une préoccupation nationale. De nombreux reportages ainsi que des enquêtes montrent que cette pratique est un problème de santé publique.

… aux conséquences multiples

L’objectif de cet article est de sensibiliser l’ensemble des professionnels de santé à cette pratique. Les conséquences de ce phénomène sont multiples tant sur l’organisme que sur les comportements. En effet, les mises en danger occasionnées pour soi-même ou pour autrui lors de cette pratique demandent une attention particulière du fait de la non-prise de conscience de la part des pratiquants.

ENQUÊTE

En France, la moitié des jeunes de 17 ans ont pratiqué le binge drinking au cours des trente derniers jours et ce phénomène ne cesse d’augmenter. Cette pratique a pourtant des conséquences néfastes sur la santé des adolescents (diminution des capacités d’apprentissage et de mémorisation à long terme, impulsivité accrue, impact sur l’apprentissage des émotions, l’anxiété et l’humeur) et augmente les risques de dépendance par la suite. En outre, chaque semaine, sept jeunes âgés de 18 à 24 ans perdent la vie sur les routes de France dans un accident lié à l’abus d’alcool et plus de vingt-sept sont blessés.

Échantillon

Nous avons mené notre enquête auprès de 140 jeunes adultes dans un lycée public de Picardie à l’aide d’un questionnaire anonyme en novembre 2013. Les lycéens ont répondu à hauteur de 74 %, soit 104 questionnaires collectés et exploités. La population ciblée était les 18/25 ans et les résultats obtenus montrent une moyenne d’âge de 19,38 ans.

Finalité

La finalité de l’enquête était de mesurer les connaissances des lycéens sur la pratique du binge drinking et ses conséquences.

ANALYSE ET RÉSULTATS

La population ciblée, les 18/25 ans, se répartit ainsi : 67,3 % pour les moins de 20 ans et 30,8 % pour les 20/23 ans. Une majorité de population féminine ressort de cette enquête avec 70,2 %.

Consommation régulière d’alcool ?

92,3 % des personnes interrogées ont déjà consommé de l’alcool.

La consommation d’alcool est principalement pratiquée en soirée et lors des vacances.

De façon quasiment équilibrée, la population enquêtée a connu l’ivresse avec 52,9 %, contre 47,1 % qui ont répondu non ; 59,6 % ont répondu ne pas mélanger les alcools ; 63,5 % n’y associent pas de boissons énergisantes.

Connaissance du binge drinking

Le binge drinking est connu par 40,4 % de l’échantillon total. Seulement 12,5 % ont déjà pratiqué le binge drinking. Les résultats montrent que 66,3 % des personnes ont répondu comme risque majeur le coma éthylique, et à 19,2 % les accidents de la route.

DISCUSSION

Les personnes interrogées sont en majeure partie féminines, certainement dû aux spécificités des classes rencontrées. À quelques exceptions près, tous ont déjà consommé de l’alcool, surtout lors de soirées et pendant les périodes de vacances scolaires. De plus, l’ivresse a déjà été vécue par la moitié de la population interrogée.

Une consommation d’alcool marquée

Le mélange d’alcool avec l’association des boissons énergisantes est pratiqué par une partie non négligeable de la population.

La connaissance du binge drinking n’est pas corrélée à sa pratique. En effet, une partie de la population connaît ce terme mais la majorité ne la pratique pas.

Le coma éthylique, les accidents de la route et la mort sont les principaux risques cités face à la consommation massive et rapide d’alcool.

Par ailleurs, 9 % ne donnent pas de réponses et une personne pense qu’il n’y a aucun risque. Malgré une faible pratique du binge drinking, nous pouvons néanmoins observer une consommation d’alcool fortement marquée.

Les risques

Outre les risques organiques, il est important d’attirer l’attention sur le risque non négligeable de désocialisation progressive, à l’image de décrochage scolaire.

DES PISTES ?

Au vu de ces résultats, des plans d’actions sont envisageables. Par exemple, en relation avec l’infirmière scolaire, ces plans peuvent porter sur la prévention, avec la mise en place de plusieurs stratégies impliquant les jeunes adultes et le personnel enseignant, ainsi que l’infirmière scolaire.

Au sein de l’établissement

Au sein de l’établissement, plusieurs axes ont été développés.

Création d’un fascicule

À travers ce document, des recommandations seront rappelées sur les lois déjà existantes et sur les dangers de l’alcool comme les accidents de la voie publique.

Des ateliers de sensibilisation

Ils ont eu lieu dans l’établisement. Il s’agissait de mettre en place des échanges privilégiés avec les étudiants en groupe restreint afin de débattre sur le sujet.

Création de travail de groupe

Pour finaliser les axes de préventions, nous avons mis en place un projet commun pluridisciplinaire. L’implication des étudiants dans ce projet commun pluridisciplinaire a été encadrée par les enseignants pour la réalisation d’une vidéo, d’affiche, d’information via la radio locale…

Au niveau national

Au niveau national, il semblait évident de proposer des axes de prévention et de sensibilisation.

Information préventive

De la même manière que pour les campagnes anti-tabac, nous avons proposé de mettre des messages d’information ou des images chocs sur les étiquettes des bouteilles.

Spot publicitaire ou d’information sur le binge drinking

Ceci permettrait de sensibiliser les personnes en leur montrant sous forme de court métrage la pratique de l’alcoolisation massive et rapide ainsi que les dangers engendrés.

Inscription dans les programmes de l’éducation nationale

Cette inscription dans le programme scolaire permettrait d’accéder à une sensibilisation obligatoire pour les plus jeunes (comme pour la prévention routière).

CONCLUSION

L’enquête a mis en avant que les jeunes adultes consommaient régulièrement de l’alcool de façon massive. Pourtant, ils connaissent les conséquences graves qui y sont associées.

Cette prévention semble incontournable car, selon France Info dans l’article paru le 26/05/2014 concernant le binge drinking, l’alcool tue une personne toutes les dix secondes dans le monde.

Le binge drinking est un réel problème de santé publique auquel nous devons accorder toute notre vigilance.

ÊTRE CADRE DE SANTÉ EN ADDICTOLOGIE

Expérience de Fatiha Boukercha, cadre supérieur de santé au Centre hospitalier interdépartemental de Clermont de l’Oise.

« En psychiatrie, la prise en charge des conduites addictives induit une offre de soins médico-psychosociaux. L’hospitalisation est indiquée devant des troubles du comportement liés à la consommation de produits psychotropes. Elle repose sur un accompagnement personnalisé du patient. L’objectif pour l’équipe pluriprofessionnelle est d’offrir des soins adaptés afin d’éviter les complications liées au sevrage physique, avec un cadre de soins susceptible d’aider le patient dans un processus de maturation psychologique afin de prévenir les rechutes.

LA PLACE ET LE RÔLE DU CADRE

La place du cadre dans ce dispositif de soin est primordiale. Il doit veiller sur la bonne coordination des soins entre les multiples intervenants dans la prise en charge du patient. Outre ses missions de gestionnaire et de manager (organisation de l’activité paramédicale, gestion et animation de l’équipe, coordination des moyens nécessaire en veillant à la qualité, la sécurité et l’efficacité des soins…), il doit créer une véritable dynamique collective avec l’ensemble des acteurs du soin. La durée d’hospitalisation est variable selon les objectifs fixés et les comorbidités psychiatriques associées. Les soins sont individualisés où un contrat personnalisé reste indispensable car, en addictologie,le patient est acteur de son projet de soins. Le cadre de santé a également pour mission le maintien de la motivation des soignants qui sont souvent “découragés” par les patients addicts décrits comme “difficiles” et cela en raison des réhospitalisations récurrentes en lien avec la reprise de la consommation des toxiques. L’impact de la rechute peut induire chez les soignants un sentiment d’inefficacité et par conséquent un risque de rejet de ce type de pathologie avec la conviction d’une incurabilité. Le cadre apporte aux soignants, en collaboration avec le psychiatre référent de l’unité, son expertise clinique et favorise les analyses de pratiques et les réunions de concertation pluriprofessionnelles. La formation, l’accompagnement des soignants dans l’acquisition de nouveaux savoirs et l’amélioration des pratiques leur permettront de mieux s’impliquer dans les prises en charge et d’éviter le sentiment de dévalorisation de leur fonction. Le cadre de santé doit composer entre ses missions de manager, de gestionnaire et son éthique professionnelle afin de répondre aux besoins des patients dans le respect des contraintes institutionnelles. La question de la compatibilité de toutes ces exigences avec la mission du cadre de proximité reste posée. »