LFSS 2015 ou plan Ondam 2015-2017 - Objectif Soins & Management n° 233 du 01/02/2015 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 233 du 01/02/2015

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

Les débats sont nombreux actuellement dans le secteur de la santé… Tous ont le même objectif : amender le projet de loi relative à la santé devant être débattu au parlement au printemps prochain. Pendant ce temps, une loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 a été promulguée le 22 décembre 2014.

Et pourtant, cette loi, décrétée presque dans l’indifférence, contient des dispositions tout aussi structurantes que celles contenues dans le projet de loi de santé. Car la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) marque le début d’un vaste plan d’économies sur les dépenses d’Assurance maladie pour les trois ans à venir : le fameux plan Ondam 2015-2017 (Ondam pour Objectif national d’évolution des dépenses d’Assurance maladie). Retour donc sur le contenu de cette loi n° 2014-1554, l’une des dernières de l’année 2014.

ASSURANCE MALADIE, UN BUDGET ADOPTÉ ENCORE EN DÉFICIT

Si les prévisions de recettes de l’Assurance maladie sont arrêtées à 191 milliards d’euros, tous régimes confondus, les dépenses sont quant à elles arrêtées à 198?millions d’euros, soit un déficit de 7 milliards d’euros. Ces chiffres sont à comparer à ceux de 2014 : 186,4 milliards d’euros de recettes contre 193,3 milliards d’euros de dépenses, soit un déficit de 7,4 milliards d’euros. Un déficit réduit donc de 400 millions d’euros en 2015 par rapport à 2014.

Il convient de souligner, comme le fait la loi, que la branche maladie est, depuis plusieurs décennies, ainsi : 8,5 en 2011, 5,9 en 2012, 6,9 en 2013, pour ne remonter que trois ans en arrière. Mais la loi prévoit une réduction drastique du déficit pour les années suivantes : 5,8 en 2016, 3,7 en 2017, 1,4 en 2018. Cette réduction du déficit réside dans une maîtrise des dépenses de santé dont les taux moyens d’évolution sont fixés à 2 % en moyenne sur les quatre années à venir, alors même que la hausse tendancielle des dépenses est fixée à 3,9 %. Cette contrainte forte sur les dépenses, c’est ce que les pouvoirs publics appellent le plan Ondam 2015-2017. Le régime général représente 87,3 % des recettes et 87,7 % des dépenses, mais il explique 98,6 % du déficit de la branche Assurance maladie.

LA RÉPARTITION DE L’ONDAM 2015

L’Ondam est réparti par grandes catégories de dépenses (voir le tableau ci-dessous).

Ces chiffres montrent que, globalement, les dépenses de soins de ville représentent 45,5 %, les dépenses des établissements de santé (hors honoraires médicaux des médecins intervenant en clinique) 42,2 %, les dépenses médico-sociales 9,8 %, le fonds d’intervention régional 1,7 %. Ce dernier chiffre interroge grandement quand on sait que c’est la seule marge de manœuvre des ARS pour conduire leur politique régionale, et qu’elle ne représente pas plus de 1,7 % des dépenses.

LE PLAN ONDAM 2015-2017 : UN EFFORT D’ÉCONOMIES EN DÉPENSES

L’Ondam est fixé à 2 % en moyenne, pour les trois années qui viennent, soit un effort global d’économies de 10?milliards d’euros sur trois ans. En 2015, les dépenses dans le champ de l’Ondam seront contenues en évolution de 2,1 % par rapport à l’objectif 2014. La loi indique que « le respect de cet objectif nécessitera un effort inédit d’économies, de 3,2 milliards d’euros, afin de compenser une évolution tendancielle des dépenses de 3,9 % ». Le plan d’économies de l’Ondam est articulé autour de quatre axes :

• renforcement de l’efficacité de la dépense hospitalière : mutualisation des moyens et des fonctions supports au sein des futurs groupements hospitaliers territoriaux (lire notre n° 230 de novembre 2014), économies sur les achats hospitaliers (programme Phare), supervision financière par les ARS des établissements de santé en difficulté (approbation des tableaux d’effectifs, des programmes d’investissements, pilotage par la marge brute d’exploitation) ;

• le virage ambulatoire dans les établissements hospitaliers : développement massif de la chirurgie ambulatoire, meilleure articulation ville-hôpital, développement de l’hospitalisation à domicile, amélioration de la prise en charge en sortie d’établissement et optimisation du parcours pour certaines pathologies ou populations. Autant de thèmes déjà traités dans les précédents numéros d’Objectifs Soins & Management ;

• l’action sur les produits de santé : maîtrise des prix, développement des médicaments génériques ;

• l’amélioration de la pertinence du recours au système de soins : réduction des actes inutiles ou redondants, que ce soit en ville ou en établissement de santé, maîtrise du volume de prescription des médicaments et lutte contre la iatrogénie, optimisation des transports de patients. Autant d’actions déclinées dans le programme national de gestion du risque.

En contrepartie, ces dix milliards d’euros d’économies doivent permettre, outre la pérennité de notre système socialisé d’Assurance maladie, de garantir l’accès aux soins des populations précaires. Ainsi il est notamment prévu d’étendre le dispositif de tiers payant intégral, déjà pratiqué pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, aux bénéficiaires de l’aide au paiement d’une assurance complémentaire de santé.

CONCLUSION

Depuis que la loi est promulguée, les ARS sont en attente de la déclinaison du plan Ondam 2015-2017 en région. Des objectifs régionalisés de diminution des dépenses sont annoncés, que ce soit en matière d’achat hospitaliers, mais également de maîtrises de la masse salariale, de réduction des capacités. Chaque ARS devrait ainsi se voir confier une feuille de route, dans le cadre d’un dispositif d’accompagnement par le niveau national. Les enjeux sont forts, mais seront-ils réalisables dans un contexte de grande contestation contre le projet de loi relatif à la santé ?

Par ailleurs, cela fait maintenant plus de trente ans que les pouvoirs publics essaient d’équilibrer les dépenses et les recettes de l’Assurance maladie, avec à chaque fois des mesures portant tout aussi bien sur les recettes que sur les dépenses. Et à chaque fois, force est de constater que cela a été l’échec : le déficit est toujours au rendez-vous. Dès lors, on peut réfléchir à la méthode : afficher un plan d’économies massif sans s’interroger sur les véritables causes du déficit est-elle la bonne méthode ?

Afficher un plan uniquement pour des économies ne risque-t-il pas de décourager l’ensemble des acteurs de santé ? Par exemple, ne serait-il pas plus judicieux de promouvoir l’ambulatoire pour des raisons de qualité et de sécurité des soins, mais également d’amélioration des conditions de travail des personnels, afin de faire adhérer la population et les professionnels, plutôt que d’annoncer faire de l’ambulatoire pour économiser ? Plan Ondam, oui, mais pour la qualité et la sécurité des soins, le maintien et le développement du système de soins, les économies ne devant être finalement que l’impact indirect. Tout est donc affaire de communication si l’on veut que le plan Ondam fonctionne, car n’oublions jamais qu’à la base, ce sont les acteurs de santé qui le mettront en œuvre, pas les pouvoirs publics. Et que le meilleur plan théorique peut s’avérer un véritable échec si les acteurs n’y adhèrent pas : c’est le constat de quarante années passées à maîtriser les dépenses d’assurance sans y être arrivé jusque-là.

LES MÉCANISMES D’ÉQUILIBRE DES DÉPENSES SOCIALES

La recherche de l’équilibre des dépenses sociales passe par deux canaux classiques (qui peuvent être combinés) : la hausse des recettes et la baisse des dépenses de protection sociale. Autrement dit, agir sur l’offre ou sur la demande.

→ AUGMENTER LES RECETTES

• Un aménagement des cotisations sociales

Une première voie de réforme du système de financement de la protection sociale peut consister à agir sur les cotisations sociales selon trois scénarii : le déplafonnement, l’abattement, l’élargissement de l’assiette.

– Le déplafonnement consiste à rendre la cotisation sociale proportionnelle au revenu. L’élargissement de l’assiette à l’ensemble des salaires améliore alors son rendement, l’équité entre les individus, et incite à l’embauche de main d’œuvre non qualifiée. En revanche, cette mesure est négative pour une reprise et risque de bouleverser les régimes de retraite, d’assurance maladie complémentaires.

– Une mesure inverse peut consister à créer un abattement à la base, c’est-à-dire un seuil plancher de revenu au-dessous duquel le salaire est systématiquement exonéré de cotisations sociales. Ceci conduit à un barème progressif qui renforceles effets du déplafonnement décrits précédemment.

– Enfin, on peut envisager un élargissement de l’assiette à la valeur ajoutée brute des entreprises : les cotisations sociales sont assises à la fois sur les salaires et sur les profits des entreprises. Cette mesure apparaît cependant moins stable à court terme, plus difficilement mesurable et plus sujette également à fraude. Si elle peut entraîner des effets négatifs sur l’investissement, elle a en revanche des effets positifs sur l’emploi et sur le niveau d’activité stimulé par la croissance de la consommation. Il y a augmentation des cotisations à taux identique et le rendement du prélèvement social est plus équitable.

• Le prélèvement sur les dépenses de consommation

Si on considère que la capacité contributive des ménages est mesurée par leurs dépenses de consommation, la TVA apparaît alors comme le moyen de prélèvement social le plus approprié : fiscalisation indirecte du prélèvement social intégré dans la TVA. Cette mesure peut avoir des effets positifs sur l’investissement et la balance commerciale du pays, dans la mesure où le produit intérieur brut est égal à la consommation plus l’investissement. Les entreprises sont incitées à investir pour diminuer leur taux assiette parafiscale. L’ensemble du prélèvement social porte sur les dépenses, sur l’entreprise, qui de ce fait est incitée à investir. En revanche, cette mesure a des effets négatifs en termes d’équité : la TVA est au mieux neutre, et au pire dégressive en termes de revenus.

• Le prélèvement sur le revenu des ménages

Cela consiste à intégrer le prélèvement social dans l’imposition directe. On peut dans ce cas-là imaginer intégrer le prélèvement social dans l’impôt sur le revenu ; seulement, cela signifierait multiplier par quatre le taux d’imposition, compte tenu des sommes en jeu. Une autre solution peut être de créer une contribution proportionnelle au revenu, dont la CSG (contribution sociale généralisée) est une ébauche. Cette contribution est prélevée sur l’ensemble des revenus (salaires, profits, revenus du capital, retraites). Le rendement est identique, favorable à l’équité.

→ LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DE PROTECTION SOCIALE PAR LA DEMANDE

Si l’on prend pour exemple les dépenses de santé, une régulation par la demande consiste à responsabiliser les usagers en jouant sur le ticket modérateur. Dès lors, la politique du ticket modérateur est arithmétique : pour équilibrer les comptes de la branche maladie de la Sécurité sociale, on augmente autant que nécessaire le ticket modérateur, que les usagers soient responsabilisés ou non. Pour que l’objectif de responsabilisation soit atteint, il faut que l’usager réagisse effectivement à la hausse du prix restant à sa charge, en changeant son mode de consommation des soins. Statistiquement, il existe une certaine élasticité de la consommation de soins par rapport aux prix dans le secteur de la santé, mais celle-ci est faible. Cette faiblesse s’explique par le fait que la demande de santé a trois pôles : le malade, le médecin, l’assureur. Ce n’est pas le malade qui décide, ni le malade ou le médecin qui financent, ce n’est pas l’assureur qui achète. L’usager ne pouvant réellement être responsabilisé, l’augmentation du ticket modérateur se traduit alors par un simple transfert de charge de la collectivité sur l’individu. Cette politique régule les dépenses de la Sécurité sociale, mais pas celles des usagers. De plus, quid des questions d’accessibilité aux soins, d’équité ? Tout ce débat a été fourni avec la mise en place des franchises. Pourtant, la régulation des dépenses par la demande pourrait passer par une politique proactive en matière de prévention. Mais ces politiques ont des effets à moyen terme difficilement mesurables à court terme, et peu objectivables.

→ LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DE PROTECTION SOCIALE PAR L’OFFRE OU L’HYPOTHÈSE D’INDUCTION DE LA DEMANDE DE SOINS PAR L’OFFRE DE SOINS

À l’hôpital, cela revient à maîtriser à la fois la quantité de l’offre et les prix. Le régime des autorisations sanitaires, la planification hospitalière, les schémas régionaux d’organisation des soins relèvent d’une telle politique. Il s’agit de réguler la croissance du parc hospitalier au regard des véritables besoins de la population. La réforme du financement relève également de cette politique de maîtrise de l’offre. Ainsi, si les hôpitaux facturent plus à l’Assurance maladie, un des moyens de régulation des dépenses est de réduire les tarifs dans le système de la tarification à l’activité. En médecine libérale, les différentes mesures reposent sur le contrôle de l’activité réalisée en instaurant des quotas à ne pas dépasser, le contrôle du nombre de médecins (le fameux numerus clausus), la régulation par les prix par le biais du conventionnement, la mise en place de profils médicaux types en termes d’activité, la mise en place de références médicales opposables.

POUR EN SAVOIR PLUS

• Loi n° 2014-1554 du 22 décembre 2014 de financement de la Sécurité sociale pour 2015 (via ce lien raccourci petitlien.fr/7tk1).