Le GHT au menu du projet de loi de santé - Objectif Soins & Management n° 229 du 01/10/2014 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 229 du 01/10/2014

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

Le chapitre VI du projet de loi de santé, qui redéfinit la place de l’hôpital, introduit une nouvelle modalité de coopération entre les établissements de santé publics : le groupement hospitalier de territoire (GHT). Ce groupement doit permettre de mutualiser un certain nombre de fonctions supports, comme les systèmes d’information, la formation, les achats, les fonctions administratives. Il doit également s’appuyer sur un projet médical commun entre les établissements membres du GHT.

Pourtant, il existait déjà un mode de coopération introduit en 2009 par la loi HPST (Hôpital, patients, santé et territoires) : la communauté hospitalière de territoire (CHT), à laquelle le groupement hospitalier de territoire (GHT) se substitue. Mais qu’est-ce qui différencie la CHT du GHT ? La loi HPST entendait renforcer la coopération entre les établissements par la biais de deux outils juridiques : les communautés hospitalières de territoire et les groupements de coopération sanitaire. Qu’est-ce qui n’a pas marché ?

HISTORIQUE

La volonté des pouvoirs publics de faire coopérer les établissements de santé entre eux n’est pourtant pas nouvelle. L’ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l’hospitalisation publique et privée encourageait déjà fortement les établissements à coopérer entre eux, et les incitait, par ailleurs, à développer des relations avec les praticiens libéraux, en vue de constituer des réseaux de soins. La coopération interhospitalière traduit les complémentarités qui s’instaurent entre établissements de santé publics et/ou privés. De nécessité économique dans les années 1970, elle est devenue un impératif médical dans les années 1990. Alors même que son initiative doit relever des établissements eux-mêmes pour être efficace et appropriée par les acteurs, de nombreux pouvoirs avaient cependant été conférés aux Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) pour imposer cette coopération, la faciliter et l’inscrire dans le temps, au premier rang desquels les communautés d’établissements et les groupements de coopération sanitaire (GCS).

COOPÉRATIONS EN QUESTIONS

Dès lors, on peut s’interroger sur la nécessité, cinq ans après la loi HPST, de focaliser à nouveau sur la coopération avec l’introduction du nouvel outil qu’est le GHT. Cela signifie-t-il que cette coopération par le biais des CHT, pourtant tant nécessaire, n’a pas été mise en œuvre ? La coopération n’est-elle pas plutôt l’affaire de volontés individuelles médicales et administratives relevant de la nécessité économique et médicale, plutôt que d’outils juridiques imposés, sans vraiment l’être, par la loi ? La tarification à l’activité n’est elle pas un meilleur outil pour imposer la coopération ? Chacun s’accorde à dire que l’organisation des soins hospitaliers n’est plus envisageable sans coopération entre les établissements, compte tenu de l’avancée des techniques médicales, des normes techniques de fonctionnement, des contraintes humaines et financières. Et pourtant, force est de constater que la mettre en œuvre relève encore, dans bien des cas, de l’épreuve de force.

DU GIHS AU GHT ET DU SIH AU GCS

La coopération n’est pas une idée nouvelle dans le domaine hospitalier. La loi du 31 décembre 1970 marque l’émergence de ce mode d’organisation des soins hospitaliers, qui n’a cessé d’être mis en valeur à travers les nombreuses réformes successives sur l’hôpital – et le projet de loi relatif à la santé ne fait pas exception à cette règle – avant de devenir l’élément central de la régulation hospitalière avec les ordonnances de 1996 et la loi HPST. Ainsi, la loi de 1970 introduit deux nouveaux instruments de coopération : le groupement interhospitalier de secteur (GIHS) et le syndicat interhospitalier (SIH).

→ Le GIHS regroupe l’ensemble des établissements de santé publics et privés d’un même secteur sanitaire dans le but de faire émerger des domaines et des actions de coopération possibles entre les différents acteurs de soins. Remplacez groupement interhospitalier par groupement hospitalier et secteur sanitaire par territoire, et vous venez de faire un bond de quarante-quatre ans. Mais dans les objectifs, rien de nouveau : alors, où sont donc passés ces fameux GIHS ?

→ Quant au SIH, il ne peut être constitué qu’entre établissements concourant au service public hospitalier, pour mettre en œuvre formellement les actions de coopérations que le GIHS a décidé : l’accent est mis sur la coopération entre établissements publics de santé (EPS) pour le financement et le partage des investissements et des équipements hospitaliers. Trente-neuf ans plus tard, avec la loi HPST, le SIH est mort, vive le GCS (la loi indique que les SIH seront obligatoirement transformés en GCS s’ils souhaitent continuer à exister). Mais en pratique, là encore, quoi de nouveau, si ce n’est les appellations ? À noter par ailleurs que les SIH ont été prorogés jusqu’en 2015.

DE 1970 À 1990 : TRENTE ANS DE COOPÉRATION INTERHOSPITALIÈRE

Dès le milieu des années 1970, la politique de maîtrise des dépenses de santé donne un regain d’intérêt à la coopération interhospitalière : l’hôpital coûte cher et il n’est plus possible avec un budget contraint de tout financer partout. L’instauration du budget global en 1984 fait de la coopération une nécessité économique pour l’hôpital public. Le partage d’activités est censé procurer des avantages et des gains sur les coûts de production ; le regroupement d’activités entraîne la naissance d’économies d’échelle qui se traduisent par une diminution sensible des prix de revient et des coûts de production. La coopération permet de financer le coût des actifs très spécifiques et nombreux dans le secteur hospitalier tant en matière d’équipements matériels lourds que de personnels à haut niveau de qualification.

La loi de juillet 1991 s’inscrit dans cette logique économique de coopération en permettant aux établissements de santé de s’associer dans le cadre de nouvelles structures juridiques, qui ne sont pas des établissements de santé mais qui peuvent gérer certaines activités hospitalières : le SIH (existant déjà depuis 1970), le groupement d’intérêt public (GIP), le groupement d’intérêt économique (GIE). La coopération devient désormais un impératif pour les établissements de santé au service d’une nouvelle planification hospitalière (c’est la création des schémas régionaux d’organisation sanitaire, les fameux Sros). Mais force est de constater que, malgré cette volonté affichée des pouvoirs publics et les nombreux outils juridiques offerts aux établissements depuis vingt ans, peu de coopérations sont mises en place au début des années 1990. Excepté dans les domaines logistiques, de formation et d’équipements. La culture de l’individualisme hospitalier explique en partie ce constat : elle conduit davantage à une logique d’opposition et de concurrence plutôt qu’à une logique de complémentarité. Chaque hôpital souhaite conserver ses activités, l’ensemble de ses représentants partageant ce point de vue. La coopération n’est pas vécue comme une complémentarité positive entre établissements, où chacun peut en tirer avantage, mais plutôt comme une menace d’absorption par la structure qui se révèlera la plus performante.

Cette coopération est encore moins développée entre les secteurs publics et privés de la santé. De par leurs activités davantage concurrentielles que complémentaires, des modes de financements différents (nous sommes en 1990 : pour les uns, c’est le budget global, pour les autres, le prix de journée), des fonctionnements différents, les hôpitaux et les cliniques font preuve de peu d’enthousiasme pour mener une politique de soins commune. D’autant que les outils juridiques de l’époque ne sont pas adoptés, voire n’existent pas.

1996 : L’AVÈNEMENT DE LA COOPÉRATION HOSPITALIÈRE PUBLIQUE/PRIVÉE

De nécessité purement économique, la coopération devient au milieu des années 1990 une nécessité médicale dans le but de préserver l’égalité d’accès aux soins. À la rareté des ressources financières s’ajoute la pénurie de certains personnels médicaux et paramédicaux, au moment même où les normes techniques de fonctionnement deviennent de plus en plus contraignantes, dans un souci d’amélioration constante de la qualité et de la sécurité des soins. Or de nombreux services hospitaliers de proximité ne satisfont pas ces normes et sont menacés de fermeture. La coopération devient alors le seul moyen de préserver une certaine égalité dans l’accès aux soins en permettant à ces petites structures de s’adapter pour répondre aux besoins de proximité. Mais l’ont-elles réellement compris ? À l’évidence non, si l’on en juge, en 2009, par les manifestations hostiles en cas de fermeture d’une petite maternité, par exemple. De l’intérêt individuel à l’intérêt collectif, la coopération n’arrive pas à faire le lien. Sur la base de ces constats, l’ordonnance de 1996 inscrit la coopération comme un principe essentiel dans l’adaptation du système hospitalier aux besoins de la population. Les communautés d’établissements de santé (autrement dit les anciens GIHS ou les futures CHT), qui réunissent les représentants des établissements concourant au service public hospitalier, donnent l’initiative aux établissements pour construire une politique active de coopération qui sera validée ou imposée par le directeur de l’ARH. Les GCS (et oui, les mêmes), permettent la complémentarité entre un établissement de santé privé et un établissement de santé public. La coopération devient une orientation stratégique que les établissements de santé doivent développer dans leurs projets d’établissement et les contrats d’objectifs et de moyens “négociés” avec les ARH. Désormais, la coopération interhospitalière apparaît comme le seul moyen qui puisse permettre au système hospitalier de répondre aux trois objectifs majeurs de la planification hospitalière : accessibilité aux soins, qualité des soins et efficacité dans la production hospitalière.

LA COOPÉRATION INTERHOSPITALIÈRE EN 2009

Il est indéniable qu’une politique de coopération doit être développée entre les établissements de santé dans tous les domaines de l’activité hospitalière. Or, si de nombreuses coopérations existent de manière effective en matière logistique et médico-technique, les complémentarités administratives et médicales sont encore peu développées et se heurtent à des résistances de toutes parts. Par ailleurs, la mise en œuvre de ces coopérations peut concerner le partage d’équipements hospitaliers, mais aussi de personnels hospitaliers, voire de patients. Enfin cette coopération peut être réalisée entre EPS, entre établissements de santé privés, ou entre EPS et établissements de santé privés. Le domaine logistique a constitué le premier domaine d’application de la coopération hospitalière, et notamment entre les EPS. La recherche de la rentabilité financière de l’investissement sous-tend ce type de coopération, en adoptant l’hypothèse selon laquelle l’augmentation des quantités produites permettra de rentabiliser plus vite l’investissement et d’en diminuer le coût. Or force est de constater que, dans bien des cas, les économies d’échelle ne sont pas forcément au rendez-vous. Car il ne s’agit pas seulement de mettre en commun un investissement, il convient également de partager les personnels qui y sont attachés et, souvent, d’en diminuer le nombre. Ce qui rarement est fait, sans compter les coûts de production largement supérieurs au marché concurrentiel. Dès lors, la coopération devient un argument, non pas pour rentabiliser un outil de production, mais pour sauvegarder des emplois. Alors que la véritable solution réside dans l’externalisation de ces fonctions. On peut considérer, à quelques rares exceptions, que la coopération interhospitalière dans les domaines logistiques n’a pas produit les effets d’économies escomptés, alors qu’elle est généralement très soutenue par les acteurs locaux. Les activités médico-techniques regroupent les équipements matériels lourds, les services de pharmacie et de stérilisation, les laboratoires. Autant de domaines où les investissements sont coûteux et où les normes sont de plus en plus drastiques. D’où la création de nombreux GIE, associant EPS, établissements privés et cabinets libéraux pour gérer en commun tel ou tel équipement. Le GIE est employeur, et son financement est assuré par les contributions des membres. De gestion privée, ces GIE sont un succès sur le plan économique, mais il n’est pas rare cependant de constater des conflits entre leurs membres, notamment en matière de radiologie. La coopération administrative peut constituer un élément déclencheur d’une coopération plus large en matière de soins. Elle repose sur l’idée que mettre une direction commune à plusieurs EPS va permettre le rapprochement des équipes médicales et paramédicales, d’harmoniser les fonctions logistiques, médico-techniques et administratives, de mieux pourvoir les postes vacants. Mais bien entendu à condition que la direction en question soit véritablement moteur de cette dynamique, et pas simplement à la demande de l’ARH de l’époque. Ces coopérations logistiques, médico-techniques et administratives ne sont pas suffisantes pour ancrer une véritable coopération interhospitalière. Elles ne sont que des étapes intermédiaires pour arriver à l’objet ultime, le médical et les activités de soins. Il est indispensable que les établissements réalisent un projet médical commun, de manière à déterminer, d’une part, la répartition des activités de soins dans chaque établissement, et, d’autre part, au sein de chaque activité, la répartition des niveaux de prise en charge par chaque établissement. Elle implique la prise de conscience nécessaire par chaque praticien de son utilité. Mais cette coopération n’est pas acquise, et, dans bien des cas, au lieu d’une prise de conscience de la nécessité de coopérer, c’est la défense de soi-même qui prévaut.

L’AVANT ARS

Cette coopération qui apparaît indispensable a cependant du mal à se mettre en place, alors que les mécanismes d’incitation, voire d’obligation, ne manquent pas, et sont même renforcés avec la loi HPST. Mais la coopération ne se décrète pas. Il revient aux établissements de santé d’être les moteurs dans cette politique de coopération. Ils doivent s’inscrire dans une démarche volontariste de complémentarité. Toutefois, au cas où cette initiative ne serait pas prise, l’ARH (actuelle l’ARS) dispose de nombreux outils pour inciter ou imposer cette coopération. Dès lors, d’un statut de “convention”, la coopération devient une contrainte pour les établissements, ou tout au plus un contrat, matérialisé sous la forme de diverses structures juridiques, fortement imposé par un tiers au contrat. Il est certain que la réussite d’une action de coopération passe obligatoirement par l’adhésion de l’ensemble de la communauté hospitalière, peu importe l’objet de la coopération ou la formule juridique retenue : c’est la condition nécessaire, ce qui suppose une parfaite transparence sur les objectifs attendus. Et en particulier, le personnel médical et paramédical doit être moteur, car, sans lui, pas de coopération possible. Or les deux instances que sont la conférence sanitaire de territoire et la CHT (autrefois communauté d’établissements) sont là pour favoriser la coopération et faire mûrir les esprits. Mais, dans la pratique, ces deux instances ne jouent que rarement ce rôle : les conférences ne se réunissent jamais (à l’exception de la consultation obligatoire sur le Sros provoquée par l’ARH) ; leur légitimité et leur utilité sont même remises en cause, les acteurs considérant qu’elles font double emploi avec les communautés d’établissements. Car on peut faire le même constat pour les communautés d’établissements, dont les chartes ont été agréées mais en sont restées aux déclarations de bonnes intentions sans réelle concrétisation. Ces communautés ont même été complètement oubliées. À tel point que la loi HPST semble ressortir les CHT en ayant complètement occulté qu’elles existaient déjà depuis 2000. Les établissements n’ont donc pas encore ancré dans leurs pratiques la notion de coopération. Dans la plupart des cas, elle est imposée par l’ARH (demain par l’ARS) soit dans le cadre du Contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM), qui est tout sauf un contrat au sens contractuel du terme (puisque pas négociable par l’établissement), soit dans le cadre de l’article L6131-2 du Code de la santé publique revu par la loi, mais inapplicable dans les faits.

LES CHT DE LA LOI HPST

Par rapport aux communautés d’établissements, les CHT sont décrites de manière précise dans la loi HPST. Cependant, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une possibilité offerte aux établissements, et non une obligation, qu’elles ne concernent que les EPS, et qu’elles relèvent du domaine conventionnel : une convention (autrefois une charte) les régit. Si tout est facilité au sein de la CHT pour organiser les activités de soins de manière différente, il n’en reste pas moins qu’on peut avoir des doutes certains sur leur réelle mise en œuvre, et surtout sur la volonté des acteurs de le faire. À tel point que le législateur a prévu d’emblée des incitations financières, comme s’il savait que les différents acteurs n’allaient pas s’en saisir. Car pourquoi ces CHT fonctionneraient-elles plus que n’ont fonctionné les communautés d’établissements, ou encore autrefois les groupements interhospitaliers de secteur ? La loi HPST ajoute des dispositions sur la coordination de l’évolution du système de santé. À ce titre, le directeur général (DG) de l’ARS est chargé de coordonner l’évolution du système hospitalier et il peut demander à des EPS de conclure une convention de coopération, une convention de CHT, de créer un GCS ou un GIE, de prendre une délibération tendant à la fusion des établissements concernés. Si sa demande n’est pas suivie d’effet, après concertation avec le conseil de surveillance de ces établissements, le DG de l’ARS peut prendre les mesures appropriées pour que les établissements concluent la convention de coopération, créent un GCS ou un GIE. De même, lorsque la qualité et la sécurité des soins le justifient ou qu’un déséquilibre financier important est constaté, le DG de l’ARS peut demander aux établissements concernés de conclure une convention de CHT, en motivant sa demande. Et dans l’hypothèse où sa demande n’est pas suivie d’effet, le DG de l’ARS peut prendre toutes les mesures appropriées pour que les établissements concluent la convention de coopération. Qu’entend-on pas mesure appropriée ? De quelle autre mesure appropriée peut-il disposer face à un refus de coopérer des établissements ? La loi HPST essaie de répondre à cette question en introduisant deux mesures “nouvelles”. D’une part, le DG de l’ARS peut diminuer les dotations de financement des Missions d’intérêt général et aide à la contractualisation (les fameuses Migac), c’est-à-dire la contrainte financière. D’autre part, lorsque la demande du DG de l’ARS est restée sans effet, il peut prononcer la fusion des établissements de santé publics, autrement dit l’arme ultime. Dès lors, on peut s’interroger sur la nécessité de renforcer le rôle des GCS, dans la mesure où, si les établissements ne veulent pas le faire, la seule solution qui reste à l’ARS est la fusion. Autant focaliser d’emblée les énergies sur la fusion, et non la coopération. À l’absence de coopération, le législateur répond par une autre forme de non-coopération.

L’ARTICLE 26

L’article 26 du projet de loi santé donne le ton : chaque EPS d’un même territoire doit se coordonner autour d’une stratégie de prise en charge partagée avec obligation à un GHT. Ces GHT, qui se substituent aux CHT, sont chargés d’élaborer un projet médical unique entre les hôpitaux publics du territoire, territoire défini quant à lui par le directeur général de l’ARS. Ceci dans le but de mieux répondre aux besoins de la population, dans le cadre du service territorial de santé au public (lire Objectifs Soins et Management n° 228 de septembre). Les modalités de fonctionnement et d’organisation sont souples et laissées à la discrétion des membres. En revanche, le contenu est défini par la loi : projet médical unique, unicité du système d’information, de la gestion de l’information médicale, de la qualité et de la sécurité des soins, du circuit du médicament et des achats. Des différences de taille donc avec la CHT : une obligation pour les établissements de santé publics (ils n’ont pas le choix, ils doivent adhérer à un GHT) ; des GHT déterminés par l’ARS, et non sur la bonne volonté (ou non) des établissements (c’est l’ARS qui arrête le schéma des GHT et donc leur ressort territorial et leur composition) ; un contenu défini par la loi avec un contenu obligatoire (le projet médical unique, le système d’information, le département d’information médicale, les achats, la formation).

CONCLUSION

Force est de constater que, malgré les innombrables outils de coopération interhospitalière développés depuis 1970, la coopération entre les établissements de santé publics est encore aujourd’hui au stade des balbutiements. Si l’on fait exception des coopérations sur les fonctions médico-techniques, nous sommes bien loin de la notion de groupe public au sein d’un même territoire. Car le bilan en matière de coopération est très contrasté selon les secteurs : le secteur privé s’est fortement restructuré sur l’ensemble des territoires, sans action véritable des autorités de tutelle, pour constituer des groupes très importants, certains cotés en bourse (le secteur du SSR pour l’instant n’a pas subi complètement ce mouvement de concentration, et encore moins la psychiatrie) ; le secteur public, malgré les orientations successives des ARH/ARS, n’est pas encore regroupé au sein de groupes publics par territoire.

Et donc un très faible nombre de CHT sur le territoire français. Dès lors, le GHT permettra-t-il de relever le défi ? Par rapport aux CHT, il devient obligatoire et n’est plus fondé sur la seule notion de volontariat. Par ailleurs, son contenu est fortement défini, à commencer par le projet médical. Mais les véritables freins à la coopération hospitalière publique seront-ils levés, à savoir les statuts des directeurs et des praticiens hospitaliers ? Car les règles statutaires de ces deux catégories de personnels, et non des moindres, sont fondées sur la notion d’établissement, et non de groupe. Dès lors, si leurs conditions de nomination et de rémunération ne sont pas revues en fonction de ce nouvel instrument qu’est le GHT, il est fort à craindre que le GHT ne fera pas mieux que la CHT. Il convient aussi de ne pas négliger le rôle des élus. Car si dans certaines situations, ils peuvent s’avérer comme bloquants, dans la plupart des cas ils sont au contraire des moteurs, et doivent donc être au cœur des GHT. À condition que chaque élu retrouve sa place au sein du conseil de surveillance du GHT. Mais là encore, le texte n’est pas précis sur ce point.

Ce n’est donc pas tant l’obligation et l’outil qui importent dans un outil de coopération hospitalière, mais les statuts des personnels qui le composent et la place des élus.

CHT, MODE D’EMPLOI

Des établissements publics de santé (EPS) peuvent conclure une convention de communauté hospitalière de territoire (CHT) afin de mettre en œuvre une stratégie commune et de gérer certaines fonctions et activités. La gestion est faite grâce à des délégations ou des transferts de compétences entre les établissements et grâce à la télémédecine, sachant qu’un EPS ne fait partie que d’une seule convention de CHT. La convention prend en compte la notion d’exception géographique que constituent certains territoires. Des établissements publics médico-sociaux peuvent participer aux actions menées dans le cadre d’une convention de CHT.

→ La convention de CHT est préparée par les directeurs et présidents de Commissions médicales d’établissement (CME), approuvée, après information des Comités techniques d’établissement (CTE) par les directeurs des établissements après avis de leurs conseils de surveillance, directement par ceux-ci, et enfin soumise à l’approbation du directeur général de l’ARS. C’est cette double approbation qui entraîne la création de la CHT. La convention définit le projet médical commun de la CHT et les compétences et activités déléguées ou transférées à chacun des établissements membres ; les modalités de mise en cohérence des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, des projets d’établissement, des plans globaux de financement pluriannuels et des programmes d’investissements ; les modalités de remboursement des frais pour services rendus ; les modalités d’articulation avec les établissements médico-sociaux publics ; la composition du conseil de surveillance, du directoire et des organes représentatifs des personnels de l’établissement siège de la CHT ; éventuellement la création d’instances communes de représentation des personnels ; l’établissement de comptes combinés. La commission de communauté, composée des présidents des conseils de surveillance, des présidents de CME et des directeurs, est chargée de suivre l’application de la convention. Les présidents des conseils de surveillance des EPS peuvent proposer au directeur de l’ARS la conclusion d’une convention de CHT. La convention est également soumise à l’avis du ou des Préfets de régions concernées et transmise avant son application aux directeurs généraux des ARS compétentes, qui apprécient la compatibilité avec les schémas régionaux d’organisation des soins. Peuvent être transférées dans le cadre de la convention de la CHT entre les établissements des autorisations d’activités de soins ou d’équipements matériels lourds selon une procédure simplifiée, des biens meubles ou immeubles ne donnant lieu à perception d’aucune taxe ou indemnité.

→ La convention peut être résiliée soit par décision concordante des conseils de surveillance des établissements membres, soit sur demande motivée des conseils de surveillance à la majorité des établissements membres, soit sur décision prise par le directeur général de l’ARS, après avis du préfet de région, en cas de non-application de la convention.

→ L’ensemble des dispositions relatives aux CHT font l’objet d’un décret en conseil d’État actuellement en cours d’élaboration.

GHT, PROJET DE LOI DE SANTÉ, ARTICLE 26

→ QU’EST-CE QUE LE GHT ?

Le groupement hospitalier de territoire (GHT) est constitué par des établissements de santé publics, dans le cadre du schéma arrêté par l’ARS. En conformité avec le Projet régional de santé (PRS), ce schéma régional des GHT fixe, en accord avec l’ensemble des établissements concernés, la liste des établissements publics de santé composant chaque groupement ; il peut être révisé à l’initiative de l’ARS ou de chaque établissement ; chaque établissement doit adhérer à un GHT avant le 31 décembre 2015, sauf dérogation tenant à la spécificité de l’établissement dans l’offre de soins régionale et prévue par le schéma ; les établissements non membres sans dérogation ne pourront bénéficier de dotations de financement d’aide à la contractualisation. Les autorisations doivent être en conformité avec le PRS mais également avec le projet médical du GHT.

→ QUI PEUT ADHÉRER ?

Les Établissements sociaux et médico-sociaux (ESMS) peuvent adhérer à un GHT ; les établissements de santé privés peuvent être associés aux GHT par voie conventionnelle et bénéficient du statut d’établissement partenaire.

Un établissement public de santé ou un ESMS ne peut adhérer qu’à un seul GHT.

→ COMMENT ÇA MARCHE ?

Le GHT a pour objet de permettre à ses membres la mise en œuvre d’une stratégie commune ; il assure la rationalisation des modes de gestion par une mise en commun de fonctions et d’activités par des délégations ou des transferts de compétences entre établissements.

Chaque GHT élabore un projet médical unique pour l’ensemble de ses membres ; les CHU, les CHS peuvent être associés à l’élaboration des GHT dont ils ne sont pas membres, ainsi que les établissements de santé privés.

La convention constitutive, qui est soumise à l’approbation du directeur général de l’ARS, définit :

– une stratégie médicale unique ;

– les modalités d’organisation et de fonctionnement, et notamment l’établissement support des compétences et activités transférées ;

– les délégations ou transferts d’activités de soins ou d’équipements matériels lourds.

L’établissement support assure obligatoirement :

– la gestion du système d’information et du département d’information médicale ;

– la politique d’achats ;

– la formation initiale et continue des professionnels de santé.

Il peut également gérer des activités administratives et logistiques, ainsi que d’enseignement et de recherche.

La certification est engagée de manière conjointe pour les membres du GHT.

Le GHT se substitue à la CHT ; celles-ci régulièrement approuvées restent en fonction jusqu’au 1er janvier 2016.