Deux IDE à l’Umasc - Objectif Soins & Management n° 227 du 01/06/2014 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 227 du 01/06/2014

 

Lucile Aubert et Edith Loureiro

Sur le terrain

L’annonce d’un cancer est toujours vécue comme un choc. La limite entre la phase curative et la phase palliative est souvent floue, et le passage de l’une à l’autre assez délicat. Dans ce contexte, l’intervention de l’Unité mobile d’accompagnement et de soins continus (Umasc) est demandée de façon plus ou moins précoce et nécessite une adaptation au profil de patients qu’elle est amenée à rencontrer. Il est important de rejoindre le patient là où il en est et de cheminer avec lui à son rythme.

L’Unité mobile d’accompagnement et de soins continus (Umasc), créée en 1997, intervient au sein de l’Institut Curie, centre de lutte contre le cancer situé au centre de Paris. Cet établissement a pour vocation d’accueillir des patients tout au long de leur parcours de soins, qu’ils soient en attente de diagnostic, en cours de traitement ou en phase palliative plus ou moins avancée. L’équipe regroupée au sein d’un Département interdisciplinaire de soins de support pour le patient en oncologie (DISSPO) est composée de médecins, d’infirmières, d’une aide-soignante et d’assistantes médicales, et collabore avec les différentes entités de ce département que sont les psychologues, diététiciennes, kinésithérapeutes, assistantes sociales, équipe douleur, équipe plaies et cicatrisation. L’Umasc prend en charge une file active de 130 patients en moyenne, dont 80 % environ sont suivis en ambulatoire.

LA VOCATION DE L’UMASC

L’équipe de l’Umasc n’a pas pour ambition de prendre en charge à elle seule la totalité des patients en soins palliatifs suivis à l’Institut Curie. Il a fallu élaborer des critères planchers afin d’identifier les patients nécessitant l’intervention de notre équipe d’experts. De cette réflexion ont immergé plusieurs motifs de prise en charge, des symptômes incontrôlés, une aide à la décision thérapeutique, un maintien ou retour au domicile complexe, le soutien du patient, de sa famille et des équipes de soins. Il nous a semblé également essentiel d’assurer des formations pour les soignants d’hospitalisation et de créer des moments d’échanges avec eux pour les aider au quotidien et améliorer les pratiques. Devant l’évolution des soins palliatifs, nous avons trouvé important de réfléchir à une nouvelle forme d’accueil et de prise en charge mieux adaptée à cette phase si particulière. Faisant suite à ce travail, est créé, en mai 2005, un Hôpital de jour de soins de support et soins palliatifs (HDJ SP).

L’HÔPITAL DE JOUR DE SOINS DE SUPPORT ET SOINS PALLIATIFS

L’Umasc intrevient en fonction des besoins des patients et plusieurs lieux d’accueil sont possibles :

• des visites au lit du patient pour quelqu’un d’hospitalisé ;

• un suivi en consultation par un médecin de l’équipe ;

• un accueil en HDJ SP pour des patients en situation complexe et/ou grabataire ;

• et enfin un accueil à la consultation non programmée si nécessaire.

Notre prise en charge se fait toujours conjointement à celle de l’oncologue, même quand il y a arrêt de traitement spécifique. La volonté est de s’intégrer dans la continuité des soins et de, si possible, ne pas créer de rupture dans le parcours du patient et des liens de confiance déjà créés.

Rôle et fonction

Le but de l’HDJ SP est d’améliorer les conditions d’accueil et de prise en charge des patients en situation palliative en offrant (par le biais de l’HDJ), une alternative aux consultations et à l’hospitalisation conventionnelle. Lors de cette hospitalisation de jour, il pourra notamment être réalisé :

• un accueil dans de bonnes conditions de patients grabataires et/ou à mobilité réduite ;

• une réévaluation symptomatique afin d’ajuster au mieux les traitements ;

• une évaluation pluridisciplinaire avec une réflexion commune autour du patient ;

• des soins techniques (transfusion, pansements, ponctions pleurales, etc.) ;

• une coordination des soins à domicile avec mise en place d’aides complémentaires si nécessaire ;

• un répit pour l’entourage ou pour les soignants du domicile.

Le plus pour les patients

Depuis l’ouverture de cet HDJ, nous avons pu constater que, pour les patients, les conditions d’accueil se sont améliorées. Le patient est installé confortablement dans un lit avec visite à son chevet des intervenants nécessaires à sa prise en charge ; ce n’est plus à lui de se déplacer dans les consultations dont il a besoin. Les soignants peuvent ainsi mieux communiquer et ajuster leur prise en charge au plus près du projet de soins du patient.

Le plus pour les soignants

C’est aussi l’occasion de créer du lien avec les soignants du domicile (IDE libéral, hospitalisation à domicile, médecin traitant, auxiliaire de vie, etc.) et de partager autour du patient. Par cet échange, les soignants de proximité retrouvent une place à part entière et une valorisation de leur travail dans une prise en charge souvent très hospitalo-centrée.

ACCUEILLIR ET ÉCOUTER, UN GAGE DE QUALITÉ ?

Dans le cadre de retour à domicile stressant pour le patient, l’HDJ offre un lieu d’accueil, d’écoute et de réévaluation rapide, pouvant parfois éviter ainsi des retours en urgence. Pour les familles, cela permet un temps de répit, d’écoute et de partage avec les soignants. L’HDJ favorise une qualité de travail liée à une organisation mieux adaptée aux patients fragilisés, avec un temps d’écoute et une disponibilité. Nous essayons de nous adapter au mieux au profil des patients et de nous caler au maximum sur leurs attentes et désirs du moment. Cette démarche entraîne une diminution du stress lié aux situations d’urgence et des liens renforcés avec le patient et son entourage.

L’INFIRMIÈRE EN SOINS PALLIATIFS

En tant qu’infirmière en soins palliatifs, des compétences spécifiques, via une consultation infirmière spécialisée, sont reconnues et encouragées par l’institution.

Son rôle

L’IDE, ou l’aide-soignante, de l’Umasc a un rôle bien défini (très spécifique en HDJ). Elle sera le fil conducteur tout au long de la journée.

• Elle est tout d’abord chargée de l’accueil et de l’installation du patient et de ses proches, moment clé surtout lors de la première rencontre.

• Elle évalue ensuite les symptômes seule ou en binôme avec un médecin. La première évaluation se fait toujours en binôme.

• Elle réalise les soins techniques et de confort nécessaires au bien-être du patient (toilette, prévention d’escarre, injections, ponctions, transfusion…).

• Elle organise avec le médecin des réunions et planifie les soins et les rendez-vous (internes et externes).

• Elle met en place les professionnels nécessaires au maintien à domicile.

• Elle crée du lien et fait de la coordination entre les professionnels gravitant autour du patient. Elle organise des réunions de concertation pluridisciplinaire si cela s’avère nécessaire.

• Elle assure une présence continue, une écoute et un soutien pour le patient et ses proches, qui sont intégrés comme partenaires de soins.

• Elle réalise des liaisons écrites et téléphoniques avec les soignants intervenant au domicile.

Ses compétences

Vu la spécificité du service, la fonction de l’IDE requiert des compétences particulières, non seulement techniques (pompe d’analgésie contrôlée par le patient, soins d’escarre, ponction pleurale sur PAC, transfusion, etc.), mais aussi bien sûr relationnelles (un positionnement juste et respectueux, une attitude d’accueil et de bienveillance, une réelle envie d’accompagner et de travailler en équipe).

Le travail en équipe pluridisciplinaire est essentiel. Nous devons tous avoir bien conscience de la complémentarité de nos soins et de nos propres limites. Il est indispensable de partager, d’échanger sur ces situations complexes afin d’avoir un langage commun et une cohérence entre nous pour le bien du patient. La confrontation quotidienne au patient en soins palliatifs, à des familles éprouvées, à des annonces difficiles, à des soignants en difficultés et parfois en souffrance nous confrontent à nos propres limites, suscitent chez nous des émotions qu’il est important de savoir repérer afin qu’elles interfèrent le moins possible dans notre relation soignant/soigné.

La puisance de l’équipe

Pour parer à ses difficultés, il existe heureusement des ressources. La principale est l’équipe en elle-même, mais aussi la richesse des échanges avec les soignants, les patients et les proches, ainsi que des temps de formation. Nous avons la chance d’avoir pu intégrer dans notre planning des temps de partage et de réflexion, et un groupe de parole de deux heures tous les trois semaines. En outre, une psychologue spécialement dédiée au personnel est à notre disposition en cas de besoin.

Par ailleurs, avec la mise en place des lits identifiés au sein de l’institut, un groupe de correspondants en soins palliatifs est porté par l’équipe infirmière depuis 2009, à raison d’une réunion d’une demi-journée par trimestre. Il est un lieu de partage d’expérience et permet ainsi aux soignants volontaires de s’enrichir sur des thématiques liées aux soins palliatifs, de se sentir moins seuls.

Se former

Il nous semble par ailleurs indispensable de parfaire nos connaissances par des formations (DU, etc.) et participation aux congrès spécialisés et en faire bénéficier les équipes.

En effet, en plus de la prise en charge des patients, l’Umasc a aussi une mission de formation très importante au sein de l’institution. L’équipe assure deux séminaires de formation par an, à destination des paramédicaux. Ces séminaires de trois jours pleins sont l’occasion de transmettre des connaissances mais aussi d’échanger autour des prises en charge palliatives afin de faire évoluer la réflexion autour du patient et de ses proches. Des soignants bien formés sont plus à l’aise dans les prises en charge complexes.

CONCLUSION

Le travail de soignant en cancérologie, et plus particulièrement en équipe mobile, est parfois difficile (confrontation quasi permanente à la fin de vie et à la mort), mais est rendu possible et enrichissant grâce à une équipe motivée et qui mobilise les compétences de chacun pour le bien-être du patient et de son entourage.

La complémentarité des professionnels constitue la richesse de l’équipe.

L’UMASC

MISSIONS

L’équipe de l’Unité mobile d’accompagnement et de soins continus accompagne les patients à tous les stades de la maladie :

– Traitements de confort.

– Prise en charge multidisciplinaire.

– Coordination ville-hôpital.

– Consultation d’urgence.

– Soins palliatifs.

L’Umasc de l’hôpital de l’Institut Curie a été reconnue centre d’excellence en soins palliatifs par l’Esmo (Société européenne d’oncologie médicale) lors de son congrès annuel le 22 septembre 2009.

CONTACTS

Institut Curie, 26 rue d’Ulm, 75248 Paris Cedex 05. Tél. : +33 (0) 1 56 24 55 00.