Une puéricultrice les mains dans l’assiette - Objectif Soins & Management n° 222 du 01/01/2014 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 222 du 01/01/2014

 

Charlène Bray

Sur le terrain

Laure de Montalembert  

En adaptant ses pratiques professionnelles à la culture des familles, l’infirmière puéricultrice de PMI peut accompagner les parents dans le domaine de l’équilibre alimentaire de leur enfant. Apprendre de l’autre, transmettre et partager, voici un menu chargé de conseils auprès des familles et des professionnels. Alors, « dis-moi ce que tu manges, et je te dirai qui tu es ».

L’enfant grandit et ses comportements se modifient parallèlement. L’évolution de l’enfant se perçoit autant dans son corps, dans sa tête, que dans son assiette. Ainsi, équilibrer ses repas dès son plus jeune âge, c’est lui offrir la possibilité de manger de tout, en adaptant l’alimentation à son âge, à ses goûts et à sa culture familiale, afin de lui donner les bonnes habitudes pour l’avenir. La variété des repas, et donc la présence d’un grand nombre de groupes d’aliments dans son alimentation quotidienne, mais aussi l’adaptation des quantités en fonction de ses propres besoins nutritionnels permettront de varier ses plaisirs tout en conservant son équilibre alimentaire. Les besoins nutritionnels évoluent au fil du temps.

À partir de l’âge de trois ans, l’enfant a la capacité de manger comme les adultes, en respectant toutefois l’apport des quantités qui doivent être adaptées à son âge. Les besoins spécifiques de l’enfant peuvent être couverts grâce aux repères de consommation promulgués par le Programme national nutrition santé. Visuellement, ces besoins nutritionnels sont perceptibles sur la pyramide alimentaire, qui répertorie et structure les groupes d’aliments nécessaires au maintien d’une alimentation équilibrée au quotidien en fonction de leur qualité nutritionnelle.

Parallèlement à ces conseils en matière d’alimentation, une activité physique régulière sous toutes ses formes possibles est recommandée dans la vie quotidienne de l’enfant, à hauteur d’une équivalence d’une demi-heure, voire d’une heure de marche rapide par jour.

Afin d’assurer l’équilibre alimentaire escompté, les recommandations portent également sur la notion du respect du rythme des repas sur une journée. Dans notre pays, ce rythme est fixé à quatre repas par jour : petit-déjeuner, déjeuner, goûter et dîner. Notons que toutes les données citées auparavant font parties des repères français, et que ceux-ci peuvent différer fortement d’un pays à l’autre, sans pour autant être plus ou moins bons pour l’enfant. L’enfant étant un être en construction et en perpétuelle évolution, il est important d’agir le plus précocement possible. Ainsi, donner des bases solides à un enfant dans le domaine de l’équilibre alimentaire, c’est prévenir et promouvoir sa “bonne santé” pour aujourd’hui et pour demain.

Face aux répercussions possibles de l’alimentation sur le développement d’un enfant, la puéricultrice doit aussi tenir compte des nombreux facteurs influençant l’équilibre alimentaire. Le facteur culturel doit impérativement être pris en compte dans l’accompagnement d’une famille. Effectivement, les représentations et les valeurs propres à chaque être humain font que “comprendre l’autre” n’est pas toujours évident. Les compétences que la puéricultrice de PMI acquiert au cours de son expérience lui permettent alors de pouvoir s’adapter aux différences culturelles et d’en mesurer leurs importances.

L’HÉRITAGE FAMILIAL AU CœUR DE L’ALIMENTATION

L’éducation au goût débute bien avant la naissance d’un enfant. En effet, in utero, l’enfant développe déjà des habitudes gustatives, qui conditionnent ses goûts. Cela est possible grâce aux aliments consommés par la future maman au cours de sa grossesse, et à la déglutition du liquide amniotique aromatisé de l’alimentation maternelle par le bébé. Ainsi, un bébé ayant été exposé à la saveur du curry durant sa vie fœtale apprécierait par exemple cette saveur particulière. À la naissance, l’allaitement maternel fait perdurer cette transmission de goût entre la mère et son enfant, car les saveurs du lait maternel varient en fonction des aliments consommés par la maman. En grandissant, les aliments présentés à l’enfant continuent à élargir ses connaissances alimentaires. Petit à petit, l’enfant devient alors capable d’aider les adultes dans la préparation des plats : écosser des petits pois, parsemer quelques brins de persil, pétrir une pâte à tarte, etc. Cela lui permet de continuer son apprentissage de la variété alimentaire, faisant de l’alimentation un plaisir des sens. La place de la socialisation en lien avec l’acte alimentaire porte une grande importance chez l’enfant, qui s’inscrit dans un cadre familial et dans un cadre scolaire. Tous ces éléments offrent alors à l’enfant une palette gustative, riche et variée, lui permettant de développer ses papilles.

Parallèlement, il est reconnu que les familles de cultures différentes peuvent se retrouver en difficulté face au modèle alimentaire français. Ce dernier peut être synonyme d’alimentation nouvelle, inconnue, faite de repères différents. En effet, chaque pays prône ses propres valeurs, coutumes et traditions par rapport à la notion d’équilibre alimentaire. Aussi, il est important de souligner le fait que chaque culture alimentaire doit être valorisée et reconnue pour ce qu’elle est. Face à la diversité culturelle, les familles peuvent demander de l’aide auprès des professionnelles de la santé. Nous devons alors être attentives à ces demandes.

Aussi, nous ne devons pas oublier que la famille est le premier milieu de socialisation de l’enfant, il est donc compréhensible que le modèle culturel de la famille lui soit transmis dès son plus jeune âge. Ceci explique que les concepts de “famille” et de “culture” sont intimement liés, et que nous ne pouvons pas les scinder au cours de notre prise en soin. En d’autres termes, la puéricultrice doit considérer la “culture familiale” pour intervenir dans le domaine de l’équilibre alimentaire, faute de quoi ses interventions se retrouveront être inadaptées et sans résultats. Afin d’adapter ses actions à la culture alimentaire familiale, la puéricultrice de PMI devrait être en mesure de :

• prendre en charge une famille sur la durée ;

• identifier les représentations, les croyances, les idées reçues et les valeurs des familles rencontrées dans sa pratique quotidienne (freins potentiels à la prise en charge et au changement) ;

• mobiliser les ressources et les compétences de la famille et les valoriser ;

• prendre en compte le contexte économique, social et culturel dans lequel vivent l’enfant et sa famille et établir des conseils en fonction de ce contexte ;

• accompagner l’enfant et sa famille dans leurs changements d’habitudes en privilégiant des changements modestes mais atteignables ;

• prendre en compte les représentations de l’alimentation familiale et du corps de l’enfant (un enfant rond peut être perçu comme un enfant en bonne santé dans certaines cultures) ;

• prendre en compte la perception de la notion de santé (la santé peut constituer une notion très abstraite pour certaines familles) ;

• impliquer les parents et/ou les adultes responsables de l’enfant dans ses interventions ;

• adapter les outils utilisés aux familles rencontrées (création de guide traduit et illustré selon la langue parlée).

Ainsi, la puéricultrice doit promouvoir une sorte d’éducation thérapeutique parentale visant à les accompagner dans la mise en place de changements acceptables dans le domaine de l’équilibre alimentaire, tout en respectant leurs valeurs, et cela dans l’intérêt de la santé de leur enfant.

LES MISSIONS COMPLÉMENTAIRES DE LA PUÉRICULTRICE

La puéricultrice peut accompagner les familles dans le domaine de l’équilibre alimentaire grâce aux nombreuses actions qu’elle mène. Comme nous avons pu le voir, la puéricultrice doit avant tout adapter ses pratiques professionnelles aux valeurs familiales pour accompagner les familles. Afin d’individualiser sa prise en charge, la puéricultrice doit s’appuyer sur ses connaissances et ses compétences pour prodiguer des conseils adaptés à chaque famille. Aussi, la puéricultrice peut utiliser les quelques outils existants pour faciliter ses explications (mesure de l’IMC, courbes de corpulences, recommandations nutritionnelles concernant les enfants issues du Programme national nutrition santé, jeu sur l’équilibre alimentaire “Les p’tits toqués”, etc.). Dans l’idéal, la puéricultrice doit tenter de conseiller les familles afin qu’elles soient elles-mêmes à l’initiative des décisions nécessaires pour rétablir l’équilibre alimentaire de leur enfant.

La puéricultrice a la chance de pouvoir faire appel à sa créativité dans tous les lieux d’exercice professionnel où elle peut être amenée à mettre ses compétences au profit des parents et de leurs enfants (structure hospitalière, lieux d’accueil de jeunes enfants, PMI, etc.). De plus, la puéricultrice exerce ses missions auprès d’une équipe pluridisciplinaire. Elle a alors la possibilité de travailler en collaboration avec des médecins, des diététiciens, des assistantes sociales et d’autres professionnelles de la petite enfance. Grâce à ce travail d’équipe, la puéricultrice peut en partie adapter des actions nutritionnelles à chaque famille, en prenant en compte leur culture et leur environnement. Aussi, les puéricultrices et les TISF (Technicienne en intervention sociale et familiale) du service de PMI peuvent être des alliées “de taille” dans la prise en charge nutritionnelle d’une famille. En effet, les TISF interviennent de façon préventive, afin d’éviter la dégradation des situations familiales, en complémentarité avec d’autres partenaires sociaux et médicaux. Les TISF accompagnent les familles qui rencontrent des difficultés éducatives et sociales perturbant leur vie quotidienne. Elles accomplissent alors un travail de proximité au domicile des familles en vue de leur permettre de retrouver un équilibre de vie. Par conséquence, les projets d’actions des puéricultrices de PMI peuvent être mis en œuvre avec les TISF. Cela garantit de pouvoir donner ou redonner des repères élémentaires vis-à-vis de l’enfant dans le domaine alimentaire, tout en respectant les choix éducatifs et culturels des parents. De ce fait, nous nous assurons de valoriser les compétences des parents dans les actes de la vie quotidienne en faisant avec eux.

D’une façon globale, la puéricultrice :

• tente de percevoir les causes probables d’un déséquilibre alimentaire au sein d’une famille, afin de mettre en place une prise en charge adaptée tout en respectant la culture ;

• ne stigmatise pas les parents et leur enfant, en agissant avec eux afin que notre prise en charge ait un impact positif sur le long terme ;

• valorise et renforce les connaissances et les compétences parentales qui sont les premières à pouvoir être considérées comme exemplaires ;

• transmet des conseils simples et adaptés aux familles, en prenant en compte leurs valeurs, leurs représentations, leurs cultures ainsi que leurs systèmes éducatifs ;

• agit en collaboration avec les autres intervenants médicaux, sociaux, éducatifs et de la petite enfance.

Les différentes missions de la puéricultrice permettent aux parents de devenir acteurs de l’éducation nu­tritionnelle de leur enfant, au fur et à mesure de notre accompagnement. Le bénéfice attendu par la puéricultrice reste que l’enfant évolue de façon harmonieuse au sein de son entourage familial, en prenant en compte les différents facteurs influençant son alimentation.

Notre capacité à communiquer sera mise en avant afin de pouvoir appréhender, comprendre les familles, et ainsi créer une relation de confiance avec elles, dans l’espoir de les accompagner dans leur rôle parental en les rendant autonomes. La puéricultrice doit tenter de renforcer les liens et les valeurs familiales autour du repas, afin de faire évoluer positivement les comportements alimentaires de chacun, sans pour autant les bouleverser.

Charlène Bray, sa passion culinaire alliée de sa vie professionnelle

« On soigne avec ce que l’on sait mais aussi avec ce que l’on est, c’est-à-dire avec notre personnalité. » Ainsi, ma passion pour l’art culinaire m’a permis d’obtenir le titre de Championne de France de cuisine amateur 2012. Voici un “petit morceau” de ma personnalité qui est source de transmission avec les différents publics que je suis amenée à rencontrer (enfants, familles, divers partenaires de soins, assistantes maternelles, etc.). Selon moi, cuisiner, c’est un acte de plaisir, de partage, qui est riche de transmissions. Donner le goût de l’équilibre alimentaire à l’enfant dès le plus jeune âge est une action à valoriser. Nous sous-estimons parfois les capacités des jeunes enfants, mais nous ne devons pas perdre de vue que, dès 3-4 ans, ils peuvent participer à l’élaboration du repas familial en effectuant des tâches simples et encadrées par des adultes (pétrir, mélanger, etc.). Apprendre les notions d’équilibre alimentaire à l’enfant, c’est aussi éveiller ses sens (goût, odorat, toucher, ouïe, vue), et lui permettre de découvrir tous les bienfaits de l’alimentation qui conditionneront sa vie actuelle et future.

L’alimentation équilibrée demande une éducation et un accompagnement familial, afin que l’enfant puisse intégrer des valeurs qui lui sont propres, tout en se développant de façon harmonieuse. Ma passion pour la cuisine m’a permis d’acquérir des notions de savoir-être, de savoir-faire et de savoir-faire-faire dans le domaine de l’équilibre alimentaire. De ce fait, il me semble essentiel de transmettre les valeurs alimentaires qui découlent de ma passion aux enfants et aux différentes personnes qui gravitent autour de leur univers (parents, professionnels de la santé et de la petite enfance, etc.). Voilà l’une des raisons pour lesquelles je souhaite transposer ma passion au cœur de mon métier. Mon engagement reste d’accompagner les familles, en y intégrant ma “personnalité culinaire”.

RECETTE D’UNE PUER PASSIONNÉE À DESTINATION DES PROFESSIONNEL(LE)S

Munissez-vous de toutes vos capacités d’écoute, de bienveillance et de disponibilité, ajoutez des petits morceaux de représentations et d’habitudes culturelles familiales. Mélangez.

Additionnez de l’encouragement, du soutien et quelques pincées d’explications adaptées. Incorporez les 5 groupes d’aliments nécessaires au développement harmonieux de l’enfant. Remuez jusqu’à l’obtention d’un accompagnement parental parfait.

Versez selon les mêmes quantités, du savoir-être, du savoir-faire et du savoir-faire-faire. Mixez, saupoudrez d’un soupçon de transmissions culinaires et familiales. Décorez d’éléments culturels variés et équilibrés. Servez cette recette de “puér” dans vos pratiques quotidiennes et partagez-la !