Les expériences diversifiées d’une cadre de santé - Objectif Soins & Management n° 218 du 01/09/2013 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 218 du 01/09/2013

 

Ressources humaines

La formation de cadre de santé permet l’accès à des postes dans des secteurs de soins très élargis, par exemple en services de court séjour, en structures d’hébergement ou en services de réadaptation. Chaque poste a une structure singulière, suivant le nombre de secteurs sous la responsabilité du cadre, le nombre de professionnels composant le(s) équipe(s), la spécialité médicale du service. Quels sont alors les impacts de cette diversité sur la fonction du cadre de santé ?

L’auteur a tout d’abord exercé en tant que faisant fonction de cadre de santé puis diplômée cadre de santé.

Son champ d’activité est alors composé de plusieurs services au sein du pôle de “médecine spécialisée et cancérologie”.

Pour répondre aux particularités de chaque service, la jeune cadre a dû adapter son mode de management. Ce parcours a mis en évidence la nécessité de la capacité d’adaptation et de créativité du cadre de santé. En outre, une composante commune apparaît : la gestion des projets.

DIVERSITÉ DE SERVICES ET MODES DE MANAGEMENT

L’auteur, de par son expérience variée, a exercé son management avec une souplesse et une faculté d’adaptation particulière. Plusieurs modes de management ont ainsi été “rodés”.

Management directif

En tant que faisant fonction de cadre de santé une année dans un service de chirurgie d’hospitalisation de semaine et deux années en service de médecine d’hospitalisation conventionnelle, l’auteur a adopté un style de management essentiellement directif. De l’organisation du service au parcours de soins du patient en passant par la gestion des lits, ses activités l’amenaient à établir et à coordonner le fonctionnement des professionnels soignants au travers des fiches de poste et la réalisation des plannings de travail. L’intervention dans le projet de prise en charge du patient le positionne comme un interlocuteur privilégié avec les familles et les structures d’accueil extérieures.

Management participatif et par délégation

Fraîchement diplômée cadre de santé, l’auteur est en charge de l’Espace de rencontre multidisciplinaire d’information en oncologie de Savoie(1). Dans ce service, un mode de management participatif et par délégation est plus adapté. Les professionnels interviennent en transversalité dans les différents services de MCO(2) et réalisent une activité de consultation. La kinésithérapeute, l’assistante sociale et la diététicienne sont sous la responsabilité du cadre de santé de leur spécialité. Les activités du cadre sont principalement orientées vers la gestion de projets. Les temps de réunions, espaces de réflexion et de concertation, sont importants. Les professionnels sont amenés à développer une autonomie et à faire preuve d’esprit d’initiative.

Communiquer

Conjointement, l’auteur est responsable de l’équipe de suppléance de professionnels infirmiers et aides-soignants du pôle. Pour cette équipe, un mode de communication par affichage et de manière directe a été mis en place. Souvent, le cadre est amené à se déplacer pour les rencontrer. Il assure leur évaluation, l’accueil des nouveaux professionnels et la gestion de leur temps de travail. Pour permettre un suivi et une évaluation des compétences, il travaille en collaboration avec ses homologues cadres des services dans lesquels intervient ce personnel. Un outil de suivi du développement des connaissances et des compétences pour les soignants nouvellement recrutés, sous forme de grille, lui permet de suivre leur évolution. Il leur offre aussi la possibilité d’identifier les points communs et les éléments spécifiques à chaque service. Le planning de cette équipe est finalisé par la cadre supérieure de santé qui a une vision globale des besoins des différents services du pôle.

Superviser, déléguer, coordonner

En tant que responsable d’un service d’onco-hématologie de jour réparti sur deux lieux géographiques, l’exercice professionnel est réalisé sur un mode de supervision, de délégation et de coordination de l’activité. Toujours avec le souci du respect de l’application des procédures et de la qualité des soins. Afin de gagner le temps de développer des connaissances spécifiques au domaine de la prise en charge des patients atteints d’un cancer, le cadre s’est d’abord positionné comme une personne ressource apportant une réflexion aux professionnels au travers de questions. Les temps de communication sont pluriquotidiens, informels et programmés sous forme de réunions. Hors la gestion de la planification des hospitalisations réalisée dans chaque secteur par une secrétaire, les activités du cadre sont d’avantage celles d’un service d’hospitalisation conventionnel.

CADRE DE PLUSIEURS SERVICES, VÉRITABLE CAPACITÉ D’ADAPTATION

Cette diversité de modes d’exercices offre un champ professionnel étendu et enrichissant. Pour la réalisation de ces activités variées, le maillage élargi de services transversaux, techniques ou administratifs, non seulement au sein de l’établissement mais aussi en externe, est privilégié. Le réseau de connaissances et la compréhension de l’environnement se développent.

De multiples activités

L’élaboration et la conduite de projets, le suivi et l’évaluation des compétences, la gestion des ressources humaines sur des secteurs avec un fonctionnement particulier, amènent à mobiliser et à approfondir ses compétences managériales. Un questionnement personnel, dans certaines situations, offre l’opportunité de modifier ses approches. Toutefois, une analyse de la pratique avec un groupe de cadres de santé serait une ressource nécessaire.

La juxtaposition du suivi des différents services nécessite une capacité d’adaptation et d’organisation. Le cadre doit être en mesure de mener de front plusieurs projets et de répondre aux diverses sollicitations. L’interruption d’une activité de type réunion ou concertation sur un service, pour régler une nouvelle problématique sur un autre, est un exemple de contrainte. Il est alors important d’être en capacité de définir l’urgence des situations.

Planifier

La tenue d’une planification des rendez-vous, des tâches à court, moyen et long terme se révèle indispensable pour cerner les trois secteurs de travail. Un tableau récapitulatif des projets, des actions à mener avec les échéances, devient un outil visuel indispensable. Le besoin en temps de recherche et de réflexion sur des dossiers distincts peut être concomitant. Le principe de priorisation est plus difficilement applicable.

Rester disponible

Pour les professionnels des services, l’éclatement physique de l’activité du cadre nécessite une organisation relationnelle particulière. Les temps de présence physique sont à partager sur tous les services de manière régulière et sur certains créneaux de façon systématisée pour permettre l’expression, l’écoute de chacun et l’échange d’informations.

Le personnel soignant doit pouvoir s’appuyer sur le cadre, même s’il n’est pas présent physiquement. La proximité se traduit par une disponibilité téléphonique et la possibilité de rencontres rapides. Le personnel est amené à développer d’avantage d’autonomie, tout en assurant des transmissions au cadre.

Les faces cachées du cadre

Il existe donc diverses facettes de la fonction de cadre de santé. Acteur d’un système, le cadre de santé est aussi dépendant de celui-ci et doit être en mesure de s’adapter, tout en personnalisant son approche. Comme l’écrit Paule Bourret : « Chacun doit se fabriquer un mode de fonctionnement. »(3) Les outils, aujourd’hui mis en place, restent évolutifs. Certains font partie du processus d’apprentissage de son environnement. Mieux maîtrisés, ils pourront être simplifiés.

CADRE DE SANTÉ ET GESTION DE PROJET

La gestion de projets en lien avec la qualité et la sécurité des soins a une place prépondérante dans les missions de cadre, quel que soit le secteur d’activité.

Ceci est lié, entre autres, à la mise en œuvre du projet de service annuel, aux projets médicaux, aux nouvelles orientations et plans de politique de santé publique et à l’évolution des thérapeutiques modifiant le parcours de soins des patients.

Le cadre, un chercheur, un prospecteur

Le cadre de santé est à même de développer une vision prospective. Sa connaissance des axes des projets institutionnels, des orientations du pôle d’activité, du parcours de soins des patients, lui apporte une compréhension de l’environnement, du système. Cette représentation élargie facilite la création d’interconnexions pour l’articulation des éléments d’un projet. Elle favorise notamment l’uniformisation des pratiques et des outils au sein d’un même établissement, comme par exemple l’utilisation d’une fiche de traçabilité patient d’éducation thérapeutique identique, quels que soient la spécialité et le contenu du programme de l’ETP(4). La connaissance du réseau interne de l’établissement permet au cadre d’identifier les services ressources à faire intervenir dans la réflexion pour la conception, la mise en place et le suivi du projet. Il coordonne les différents temps des échanges.

Le cadre, la pierre angulaire du système

Le cadre est à l’intersection des différentes dimensions : soignantes, administratives permettant l’identification des contraintes, des limites de réalisation d’un projet. Il est l’interlocuteur privilégié des professionnels soignants par sa proximité. Le management participatif, en groupe de travail suivi par un comité de pilotage, est important pour confronter et prendre en compte les suggestions de chaque interlocuteur intervenant dans le processus.

Ceci permet d’être au plus près de la réalité, de balayer et de tenir compte des différents éléments du contexte. L’objectif est de définir des mesures réalistes, applicables, de favoriser l’adhésion du personnel concerné et, par conséquent, de favoriser la réussite de la mise en place du changement.

Accompagner les équipes

Dans chaque projet, la notion d’accompagnement de l’équipe par le cadre est primordiale. Cependant, il peut trouver des ressources relais internes au travers d’un professionnel qui a une position crédible auprès de ses pairs. Les connaissances et les compétences reconnues de celui-ci peuvent aider à la mise en place de changement de pratique au quotidien.

Par exemple, l’intégration de pratiques psychocorporelles par les soignants dans la prise en charge de patients douloureux et/ou stressés est facilitée par la présence d’une infirmière précurseur de cette activité dans le service. Le cadre de santé est alors là pour formaliser les éléments du projet proposés et validés avec les soignants, tout en les intégrant dans la réalisation des différentes étapes.

Par exemple, en écrivant le cahier des charges de la formation, en planifiant les temps de formation, en organisant des groupes de travail pour élaborer des outils de communication en direction des patients, des professionnels de l’établissement et de façon plus élargie à des congrès.

La participation et l’investissement personnel des professionnels sont des éléments moteurs pour favoriser l’adhésion à la pratique à long terme. Elle engendre une satisfaction personnelle, une reconnaissance professionnelle entre pairs. Cela a un effet préventif sur l’apparition de la fatigue professionnelle.

Travailler sur les résistances

La position de cadre de santé favorise la prise de décision pour pallier certaines résistances au changement. Un Comité de retour d’expérience (Crex) a été mis en place en service d’hospitalisation de jour sur un périmètre englobant le service et l’unité de reconstitution des cytostatiques centralisée, secteur dépendant de la pharmacie hospitalière. La participation de chaque membre de l’équipe est ici indispensable pour permettre de faire vivre l’activité de ce comité, basée sur la déclaration d’événements précurseurs de risque par les professionnels. Cependant, la culture de la déclaration des événements n’est pas effective et l’utilité du Crex est questionnée. Il est important que les professionnels comprennent et adhèrent à l’objectif du comité. La cadre de santé a donc décidé de rendre obligatoire la présence de chaque professionnel du service lors d’une réunion du Crex au cours de l’année. Les premiers retours ont montré que la participation en situation réelle favorise une compréhension effective.

Une formation de cadre de santé couplée à un master de santé publique a été utile pour développer cet axe d’exercice professionnel. Elle a développé une attention accrue en termes de veille législative, une capacité de recherche et de questionnement. De même, l’approche de la conception de projet a facilité la mise en œuvre pratique, même si le développement des compétences se poursuit au fur et à mesure des expériences de terrain.

UNE FONCTION, DES MISSIONS

La fonction de cadre de santé est composée de missions multiples à exercer dans un milieu complexe, interconnecté. Il n’existe pas de définition unique du poste de cadre de santé. Il est plus pertinent de décrire des missions en fonction d’un secteur d’activités de soins délimité avec, en corollaire, des objectifs professionnels, sorte de feuille de route annuelle, définie suivant les projets de services, de pôle d’activité, d’établissement ou des plans nationaux et régionaux. Chaque poste est alors différent.

L’ingénierie de la formation avec une réflexion en cours sur l’universitarisation complète et la question de l’ouverture de la fonction à des professionnels non issus de la filière soignante doivent être à même de prendre en compte ces paramètres pour garantir un management du développement de la qualité et de la sécurité des soins dans les établissements de santé.

NOTES

(1) Ermios : service qui regroupe sur un même lieu le dispositif d’annonce infirmier, les professionnels des soins de support en cancérologie et une consultation douleur généraliste.

(2) MCO : médecine, chirurgie, obstétrique.

(3) Paule Bourret, Les cadres de santé à l’hôpital : un travail de lien invisible. Page 86. Édition Seli Arslan.

(4) ETP : éducation thérapeutique.