Parler de besoin, de désir, c’est prendre en compte l’Homme, qu’il soit soigné ou soignant. Dès le début de la formation, l’étudiant infirmier est animé par le désir de bien faire et de faire du bien. Les notions de désir et de besoin prennent tout leur sens dès lors que le soignant rencontre le soigné. Voyage au cœur de la réflexion sur le sens du soin.
L’Homme est un être unique et complexe. S’il est difficile de discerner les désirs des besoins, les théoriciens du soin nous donnent des éclairages. Comme le souligne Walter Hesbeen
Travailler sur le concept de besoin est le départ d’une réflexion individuelle de l’étudiant qui lui permettra de guider ses choix de soignant. Dès le premier stage en service de soins, il s’interroge : « Alors que je pense bien faire, que je réponds aux besoins du patient, il ne me comprend pas et n’est pas satisfait. Pourquoi ? » Nos besoins et nos désirs de soigné et de soignant sont-ils simultanément les mêmes ? Le désir peut-il exister là où le besoin n’est pas satisfait ? Le soignant ne s’intéresse-t-il qu’à satisfaire des besoins perturbés ? Répond-il à des critères de normes ? Le risque serait de se centrer sur une vision très protocolisée du soin alimentée par la technique et les sciences dures. Ce qui rassure le nouveau professionnel, car cela lui donne un cadre et lui permet a priori de “bien faire”. Le danger pour ce futur soignant serait d’imposer des principes d’autonomie, des contrats de soins sans engager une relation autour du désir de la personne d’exister avec toutes ses différences. Alors, il penserait être dans le “faire du bien”.
Dans ce travail, la démarche pédagogique est de partir d’une vision globale du besoin de tout un chacun pour que l’étudiant mette en mots le postulat que le besoin est naturel pour l’Homme, quel que soit le contexte de la prise en charge. Nous avons fait réfléchir les étudiants sur les besoins de l’Homme à partir de reproduction de trente publicités choisies les formateurs dans des magazines. Ces images leurs parlent et font partie de leur quotidien. Les publicitaires créent des besoins chez la personne à partir de ses désirs. La demande a été de repérer les besoins sur les différentes images à disposition en groupe restreint (cf. encadré p.54). Lors de la régulation en grand groupe, les formateurs favorisent les échanges, ordonnent la pensée des étudiants qui discernent dans les documents décryptés des besoins naturels ou physiologiques et des besoins culturels liés notamment à l’appartenance au groupe. Puis, à l’éclairage de théories de soins, nous orientons la réflexion vers le soin.
Différentes définitions du “besoin” sont données par les étudiants. Nous citerons :
• « exigence née de la nature ou de la vie sociale »
• « sensation interne correspondant à un défaut d’exercice d’un fonction indispensable ou à la privation de substances indispensables à l’équilibre de l’organisme »
• « nécessité ou exigence en général. Désigne une situation présente à un moment critique »
• « exigence née d’un sentiment de manque, de privation de quelque chose qui est nécessaire à la vie organique »
Les étudiants apprennent à se détacher d’une définition généraliste du mot “besoin” pour en développer le sens à partir de situations de la vie courante. Puis ils se positionnent au fil de la régulation comme soignant : les exemples issus de leurs expériences professionnelles ou non viennent enrichir le cheminement du groupe.
C’est ainsi que le témoignage d’un ex-otage entendu la veille au journal télévisé nous sert d’accroche avant de s’intéresser à l’étymologie du mot “besoin” puis du mot “désir”. Cette femme détenue six mois dit ne pas avoir été maltraitée par ses ravisseurs. Elle explique que ces derniers comblaient quotidiennement ses besoins physiologiques tels que boire, manger, dormir. Mais ils ne communiquaient pas. Communiquer était le moteur de sa vie relationnelle et psychique. La non-communication est devenue un manque insoutenable. Le désir d’entrer en contact avec l’autre est devenu insoutenable. Les étudiants se sont questionnés si le fait de combler des besoins physiologiques est à lui seul suffisant pour prendre soin de l’autre. À ce stade de la réflexion, distinguer “besoin” et “envie” s’impose.
• “Besoin” est un mot qui nous vient du francique : bisunni
• “Désir” vient du latin désiderare
Selon le modèle de Waysfeld
Lors de ce travail de mise en commun en début de formation, nous choisissons de présenter deux théories : la pyramide de Maslow (représentation pyramidale de la hérarchie des besions)
Suite aux travaux de Taylor aux États-Unis, à l’origine de l’organisation rationnelle et scientifique du travail avec le travail à la chaîne, Abraham Maslow, figure de la psychologie humaniste dans les années 1950, a hiérarchisé les besoins de l’Homme. Son travail exploité dans différents secteurs, dont la communication et les soins, est connu sous le nom de la pyramide Maslow
Pour Virginia Henderson, infirmière américaine du XXe siècle, les soins infirmiers « permettent à l’infirmière d’effectuer ce dont cette personne a besoin dans des circonstances données, mais aussi ce que la personne suggère et/ou exige »
Les infirmiers, de par leur formation, analysent les situations pour satisfaire les besoins de la personne au-delà des besoins thérapeutiques en lien avec leur rôle prescrit. Pour identifier un besoin, l’infirmier conduit une réflexion objective par le recueil des indices et la démarche de soins. Identifier le désir de la personne le placera plus dans la subjectivité. La créativité fait partie intégrante de la prise en charge infirmière en lien avec son rôle propre. Pour les professionnels en devenir, l’appropriation de leur rôle propre permet de transférer et de s’adapter à des situations plus ou moins complexes. Walter Hesbeen définit la démarche de soins comme « celle qui porte vers l’autre pour aller à sa rencontre sur le chemin qui est le sien »
Dans la formation infirmière, les étudiants découvriront d’autres théoriciens du soin. Ce travail participera à la construction de leur identité professionnelle et affinera leur raisonnement. Affirmeront-ils que l’objectivité (le besoin) prime sur la subjectivité (le désir) ? Ne pas pouvoir répondre au désir et/ou au besoin du soigné entraîne-t-il de la frustration pour le soignant et vice-versa ?
(1) Infirmier et docteur en santé publique, auteur contemporain de nombreux ouvrage en lien avec le sens du soin.
(2) Dictionnaire Le Petit Larousse 2011.
(3) Dictionnaire médical à l’usage des infirmières, éditions Lamarre, 3e édition 2009.
(4) Le Robert Historique de la Langue française, édition 1999.
(5) Le Larousse en ligne www.-larousse-edu.fr.
(6) Walker Philippe, “Ambiguïté du désir des patients et des soignants”, Éthique et santé, 2011 n° 8 77-85
(7) Ibid.
(8) Waysefeld Bernard, Le poids et moi, éditions Armand Colin, 2003.
(9) Pitrat Mady, Les besoins : de Maslow à Virginia Henderson. in : Soins Aides-soignantes, n° 2, février 2005, pp 6-7.
(10). Henderson Virginia, Ma conception des soins infirmiers. in : Soins, n° 440, octobre 1984, pp 17-27.
(11) Ibid.
(12) Hesbeen Walter, Prendre soin à l’hôpital, inscrire le soin dans une perspective soignant, Masson, 1997.
→ OBJECTIFS PÉDAGOGIQUES
• Identifier le concept de besoin à partir des connaissances et des représentations des étudiants (travaux dirigés de 2 heures).
• Lors de la régulation, appréhender le lien entre le concept de besoin et les soins infirmiers (en promotion entière sur une durée de 1 heure 30).
Organisation du TD
• Travail en quatre groupes (six à sept étudiants).
• Nommer un (ou plusieurs) secrétaire(s) et rapporteur(s) en vue de la régulation.
• Un travail écrit est demandé à chaque groupe.
• Répondre aux questions suivantes.
→ TRAVAIL DEMANDÉ
1. Vous donnerez une définition du mot “besoin” (sources bibliographiques demandées).
2. Vous donnerez une définition du mot “désir” (sources bibliographiques demandées).
3. Vous connaissez la chanson de Daniel Balavoine, Qui pourra remplacer le besoin par l’envie ? Quelle différence faites-vous entre besoin – envie – désir ?
4. En communication marketing, les “créatifs” veulent susciter l’acte d’achat. Identifiez les besoins de la personne ciblés dans les publicités sélectionnées dans le dossier à votre disposition.
5. Pouvez-vous les classer par ordre d’importance ? Argumentez votre réponse.
6. Selon vous, quels sont les obstacles potentiels à la satisfaction de ces besoins pour un homme sain ?