Du bien-être dans les séances de chimio - Objectif Soins & Management n° 216 du 01/05/2013 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 216 du 01/05/2013

 

Claude Colomb

Sur le terrain

Laure de Montalembert  

L’atelier saveur, tout comme celui dédié aux soins esthétiques ou aux séances de shiatsu, ne sont que les premières étapes d’un dispositif mis en place à Villefranche-sur-Saône pour permettre aux séances de chimiothérapie de se transformer en moments de plaisir.

Transformer un lieu dédié à la chimiothérapie en véritable espace de bien-être n’est pas un pari facile. C’est pourtant l’objectif atteint par Claude Colomb au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, à tel point que certains patients continuent même à fréquenter l’endroit après la fin de leur traitement. Un succès que l’on doit à sa volonté d’aider les gens à se sentir mieux, mais aussi à toute une équipe pluridisciplinaire avec laquelle elle travaille main dans la main. Les bénéfices obtenus ne sont pas encore scientifiquement quantifiés, faisant l’objet d’une étude en cours, mais les soignants de l’unité seraient déjà prêts à le jurer : la notion de confort des patients a pris un véritable sens chez eux, malgré la gravité des pathologies dont ceux-ci sont atteints. Il sera peut-être même prouvé un jour que le nombre de symptômes nauséeux a diamétralement diminué.

PLAISIR ET CONVIVIALITÉ

Infirmière depuis 1983 et cadre depuis 1999, Claude Colomb a travaillé pendant quatorze années dans un service de cancérologie thoracique. Et c’est lorsqu’elle a été nommée cadre dans l’unité d’oncologie ambulatoire de son établissement, qu’a germé l’idée « Je me suis posé de nouvelles questions en découvrant d’autres pathologies, comme les cancers digestifs. Les gens étaient vraiment mal en arrivant et tout au long de la séance. Il fallait faire quelque chose », se souvient-elle.

De là est né le premier atelier, dédié aux saveurs et à l’alimentation, officiellement ouvert le 5 mars 2012. Le concept en est simple : organisé par une diététicienne qui a également un rôle d’éducation thérapeutique, il est avant tout basé sur le plaisir et la convivialité. « Alors qu’ils sont en pleine séance de chimiothérapie, les malades apprennent à réaliser des recettes très simples mais originales, raconte la cadre. Dernièrement, des verrines aux lardons et aux navets, des gaufres au maroilles, un moelleux aux poires… » Les participants proposent également certaines de leurs propres recettes. Il est même question de la création d’un calendrier cette année, pour présenter les meilleurs plats réalisés dans l’atelier où règne une telle gaieté qu’il « se transforme un peu en poulailler », plaisante Claude Colomb. Une gaieté qui n’empêche pas les patients de parler entre eux de sujets graves ou même très intimes, tant leur solitude face à la maladie a été brisée par le dispositif.

ILS EN OUBLIENT LEUR TRAITEMENT

Le succès étant au rendez-vous, le service a ensuite élargi le concept avec la création d’un atelier shiatsu et un autre dédié à l’esthétique. « Nous leur proposons systématiquement d’y participer. Pour les soins esthétiques, c’est parfois la première fois de leur vie que les gens ont pu bénéficier de ce genre de prestation », se félicite l’organisatrice, avant d’ajouter : « Un jour, une patiente était tellement concentrée sur ses activités qu’elle a cru qu’on avait oublié de brancher sa chimiothérapie. C’est exactement l’objectif auquel nous voulions parvenir. Les gens ne se sentent pas à l’hôpital. C’est un vrai bonheur ! » Il faut dire que le lieu par lui-même a été conçu dans cette attente. Des couleurs gaies un peu partout, des tableaux sur les murs… L’équipe a bénéficié d’une réelle autonomie pour aboutir aux résultats qu’elle visait : de la gaieté. Du côté de l’atelier esthétique, c’est Karine, une aide-soignante détentrice d’un BEP d’esthéticienne, qui officie. Sa formation de soignante lui permet une double approche des personnes dont elle s’occupe : « Elle aide les gens, tout en les réconciliant avec leur image. » Soins du visage, massages détente, manucure, épilations, tout comme dans n’importe quel salon de beauté, avec l’aspect soignant, en supplément. Un aspect essentiel, car, « avec les thérapies ciblées, il y a des effets secondaires sur la peau, comme de l’acné, par exemple », précise Claude Colomb. Sans jamais compter son temps, Karine donne donc également des conseils de soins de peau et de maquillage aux patientes découragées par leur apparence. Elle travaille aussi sur les couleurs d’habillement pour aider les gens à choisir celles qui vont le mieux avec l’état de leur peau. Tout est tellement bien organisé pour le bien-être des participants, qu’une femme soignée dans l’unité est même revenue après la fin de son traitement pour quelques soins esthétiques supplémentaires : « Elle se sentait soudainement abandonnée. Mais il n’y a jamais d’abus », apprécie la cadre.

BÉNÉFICE MORAL ET PHYSIQUE

Le livre d’or de l’unité témoigne d’ailleurs de la bonne ambiance. Une patiente y a écrit : « Lorsque j’ai su que j’allais avoir de nouveau de la chimiothérapie, ça a été pour moi comme un cauchemar. Dans ce service, je ne vais pas jusqu’à dire que c’est du plaisir, mais, moralement et physiquement, tout est bénéfique. L’atmosphère est conviviale à tout point de vue. » Chantal, une autre malade, confirme les propos de la précédente : « L’Escale, c’est une très bonne idée. On ne voit pas le temps passer. » Des phrases qui ne laissent pas Claude Colomb insensible, loin de là. Elle raconte aussi le passage de cette dame, « très opposée à toute activité supposée féminine et qui avait balayé d’un revers de main l’idée même d’assister à l’atelier saveurs. Lorsqu’elle a finalement commencé à y aller, elle en est devenue un des piliers ». Et que dire de ces hommes à qui l’on propose des soins esthétiques et qui regardent les membres de l’équipe comme si on voulait les envoyer sur la planète Mars ? « Une fois qu’ils ont commencé, ils ne peuvent plus s’en passer », s’amuse la cadre.

“Être présents, entièrement” pourrait être la devise de cette petite équipe constituée de quatre infirmières et deux aides-soignantes, en plus des intervenants des ateliers. Lorsque leurs patients sont hospitalisés, elles ne manquent jamais d’aller leur rendre régulièrement visite. Et quand le traitement n’apporte pas les effets escomptés et que le décès survient, il n’est pas rare que la famille ou le conjoint se chargent eux-mêmes d’informer les membres de l’unité.

DE NOUVEAUX PROJETS

Financièrement, l’Escale bien-être fonctionne grâce à l’aide de la Ligue contre le cancer. Une association a également été créée, regroupant tous les soignants du service d’oncologie. L’Ysop (du nom d’une plante médicinale) permet à l’équipe de procéder à des achats de matériel, grâce aux dons des patients et aux cotisations des membres du personnel.

Depuis sa création, l’atelier saveurs comptabilise 350 présences de patients pour des séances de 2 heures, proposées 2 jours par semaine. Le shiatsu, qui occupe toute la journée du lundi, accueille les malades, en moyenne deux fois, comme les soins esthétiques dont l’animatrice officie 3 après-midi par semaine. Tous les ateliers sont gratuits, l’équipe se refusant à adopter un système de paiement progressif comme celui pratiqué dans d’autres établissements. Ce qui ajoute encore à l’attachement des participants à leur Escale bien-être. « D’ailleurs, lorsque la diététicienne était en vacances, le bruit a couru que l’atelier saveurs risquait de disparaître. Les patients ont alors voulu lancer une pétition », se souvient Claude Colomb avec émotion. Celle-ci ne compte d’ailleurs pas en rester là. L’Escale devrait bientôt élargir son offre avec la mise en place d’activité physique adaptée, comprenant, entre autres, de la gymnastique douce et de la marche nordique, l’hôpital étant en pleine campagne. Les ateliers saveurs devraient également voir leur nombre de séances augmenter. Pour cela, une demande a été faite à la Ligue contre le cancer, en partenariat avec le centre Léon-Bérard, un grand établissement anti-cancéreux de Lyon avec lequel centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône partage des patients. La création d’un jardin fleuri “pour les malades” fait aussi partie des nouvelles idées de Claude Colomb. Cette cadre infatigable pense également à l’écriture d’un livre pour raconter « comment les patients vivent la maladie. Comment on la vit, nous… Chaque jour, ils nous donnent des leçons de vie. Une superbe expérience ».