L’Île-de-France sort le Grrifes - Objectif Soins & Management n° 215 du 01/04/2013 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 215 du 01/04/2013

 

Qualité Gestion des risques

Anne-Lise Favier  

Fluidifier les échanges entre gestionnaires des risques au sein des établissements de santé, telle est l’idée du Grrifes. Appuyée par l’ARS, l’initiative fait de plus en plus d’émules qui trouvent au sein de ce réseau matière à discussion et échanges.

En 2009, une expérimentation autour de la déclaration des événements indésirables graves (EIG) rassemble une trentaine d’établissements d’Île-de-France. L’étude terminée, les gestionnaires des risques nourrissent l’envie de continuer à échanger. Encouragés par l’Agence régionale de santé (ARS), ils décident d’officialiser le réseau ainsi formé.

C’est ainsi que naît, en 2011, le Grrifes, un acronyme qui cache sous ses lettres la “Gestion des Risques, Réseau Île-de-France des Établissements de Santé”.

Un réseau libre

Doté d’un règlement intérieur, ce réseau fonctionne à travers une contractualisation des établissements avec l’ARS, cette dernière assurant un rôle de soutien pour le fonctionnement du réseau.

« L’ARS nous a permis en premier lieu de faciliter les relations entre établissements, puisque c’est elle qui avait impulsé l’étude sur les EIG entre différents hôpitaux et cliniques, explique Michaël Besse, président du Grrifes et gestionnaire des risques à la clinique Saint-Jean-de-Dieu (Paris). Elle nous permet également de centraliser puis de diffuser l’information entre les différents membres du réseau, c’est la courroie de transmission. » Pour autant, l’ARS ne joue pas un rôle habituel de tutelle : le réseau reste libre de ses sujets de discussion, c’est une véritable plateforme d’échanges inter-établissements sur les thématiques liées à la gestion des risques.

Fédérer tous les établissements

Qu’il soit public, privé, de grande ou petite taille, qu’il soit spécialisé ou non (MCO, hospitalisation à domicile, psy, etc.), chaque établissement peut y trouver sa place et apporter sa contribution : « L’avantage du réseau est justement de fédérer l’ensemble des établissements, sans distinction, pour qu’ils repèrent parmi les différents membres du réseau un “jumeau” sur une question donnée. Cela rompt l’isolement que peuvent peut-être connaître certains établissements sur une problématique donnée. Désormais, ils ne sont plus seuls », assure Michaël Besse.

Pour le moment, le noyau dur du réseau est formé d’une quarantaine d’établissements, mais ce chiffre est tiré vers le haut, l’ARS se chargeant de gérer les nouvelles demandes d’adhésion ?*.

QUELLES SONT SES MISSIONS ?

Conçu autour de thématiques liées à la Gestion du risque (GDR), il est avant tout un lieu d’échanges dans lequel chacun apporte ses idées et connaissances. C’est également un lieu de discussion : on peut y soumettre des projets, problématiques ou idées à l’avis des autres. Enfin, c’est un lieu de partage, essentiellement d’outils et d’expériences du terrain.

D’ailleurs, explique Michaël Besse, « le réseau est structuré autour de groupes de travail sur des thématiques directement identifiées des besoins du terrain, c’est du concret ».

De là découle l’élaboration d’outils qui sont ensuite redistribués à tous les établissements qui le souhaitent. En somme, un système 100 % gagnant !

COMMENT FONCTIONNE-T-IL ?

Le Grrifes est constitué d’un bureau de treize membres, représentatif des différentes formes d’établissements (CHU, clinique, public/privé, taille, prise en charge, etc.) qui se réunit une fois par mois pour poser les grandes lignes du programme d’actions. Il prépare une journée trimestrielle avec une matinée autour des différents groupes de travail et une réunion plénière de tous les membres du réseau, ces derniers étant à la fois les établissements, mais également les tutelles (l’ARS notamment) et aussi les sociétés savantes (Association française des gestionnaires de risques sanitaires, l’Afgris, Société française de gestion des risques en établissement de santé, la Sofgres). Les thématiques abordées par les différents groupes de travail s’articulent autour de la culture de sécurité, l’identito-vigilance (cf. encadré ci-dessus), le secteur médico-social, le programme national de sécurité du patient et la veille réglementaire, et s’adaptent aussi en fonction des publications et actualités des tutelles : « Nous avions un groupe de travail sur l’information et la gestion des EIG et la Haute Autorité de santé a publié dans le même temps une étude sur ce thème. Nous avons donc réorienté notre groupe sur la manière d’impulser une dynamique culture de sécurité dans un établissement de santé », cite Michaël Besse.

QUELS MOYENS ?

Le réseau est bénévole et fonctionne donc avec la bonne volonté de tous. Outre les réunions des groupes de travail et du bureau, une liste de diffusion permet l’échange entre les gestionnaires des risques avec un forum et des thèmes de discussion. À terme, un site devrait voir le jour, mais la gestion d’un tel système demande davantage de temps et la mise en place d’un modérateur, d’un Webmaster, etc. En attendant, le réseau travaille à la fois sur son programme d’action pluriannuel et sur ses statuts.

APPRIVOISER LA CULTURE DE SÉCURITÉ

Concept

L’un des groupes de travail du Grrifes s’est orienté vers la culture de sécurité, une thématique vraiment dans l’air du temps puisqu’un programme national pluriannuel autour de la sécurité du patient vient de voir le jour (cf. encadré en page ci-contre). Ce concept, né après la catastrophe de Tchernobyl puis peu à peu transposé au monde de la santé désigne, selon une définition de la Société européenne pour la qualité des soins (et reprise par la HAS), « un ensemble cohérent et intégré de comportements individuels et organisationnels, fondé sur des croyances et des valeurs partagées, qui cherche continuellement à réduire les dommages aux patients ».

Culture de la transparence et de la justice

« Concrètement, cela signifie que les équipes ont toujours à l’esprit que les choses peuvent aller mal », résume le Dr Jean-François Hartmann, coordonnateur de la gestion des risques associés aux soins et responsable du management de la qualité de la prise en charge médicamenteuse à l’hôpital Robert-Debré (AP-HP). Et d’ajouter : « C’est aussi une culture de la transparence et de la justice qui encourage tous les acteurs à s’exprimer sur les erreurs : il n’y a pas deux poids deux mesures entre les soignants et les médecins, une réflexion doit être engagée autour de la sanction pour trouver un standard s’appliquant à tout le monde. »

En pratique

Selon la vision actuelle de ce concept, il faut donc garder à l’esprit une approche systémique (et non pas centrée sur l’individu, comme c’est encore trop le cas en France) de la culture de sécurité : s’il y a des problèmes d’organisation, c’est le système qui est en cause. Les erreurs commises dans la réalisation des soins, dans lesquelles sont impliquées les professionnelles, s’expliquent dans plus de 80 % des cas par des défaillances du système dans son ensemble. Les analyses approfondies de causes réalisées par les gestionnaires de risques permettent de relier ces erreurs survenant dans les soins aux choix d’organisation, aux ressources, etc. afin de rendre le système de soins plus sûr. Pour transposer cette vision aux équipes hospitalières, le Grrifes a mis sur pied un projet impliquant les différents acteurs du management autour de cette thématique de la culture de sécurité en leur fixant des objectifs spécifiques, mesurables et surtout réalistes. C’est, par exemple, pour les présidents de CME, inscrire un sujet autour de la sécurité du patient à chaque réunion et réaliser un bilan annuel des EIG, ou, pour les directeurs des soins, s’inspirer du vécu des équipes (bilan des EIG de l’établissement, par exemple) pour tirer une thématique de formation qui sera ensuite inscrite au plan de formation des équipes. Tout le monde est donc concerné et l’évaluation peut se faire assez facilement à l’aide d’outils mis en œuvre par le Comité de coordination de l’évaluation clinique et de la qualité en Aquitaine (CCECQA).

Le projet Clarté

Mais, en attendant, le Grrifes suit de près l’évolution d’un autre projet, mené cette fois-ci en Loire-Atlantique : le projet “Clarté” (voir le site Internet : http://tinyurl.com/c2ecggf). « C’est un projet qui va essayer de corréler les indicateurs de sécurité du patient au niveau de sécurité effectif », résume le Dr Hartmann. Les résultats sont donc très attendus car il n’existe, pour l’heure, pas de moyen véritable pour mesurer concrètement le niveau de sécurité du patient.

NOTE

* Contact : Dr Samia Levy, chargée de mission à l’ARS Île-de-France : ARS-IDF-QSS@ars.sante.fr

L’identito-vigilance

Pour permettre au patient de mieux saisir l’importance de son identification tout au long de son parcours de soin et mettre donc l’accent sur l’identito-vigilance, le Grrifes a créé une affiche Bien vous identifier pour mieux vous soigner.

Mise à disposition des établissements adhérents, cette affiche permet de sensibiliser le patient qui devient alors co-acteur de sa propre sécurité, explique-t-on auprès du Grrifes.

Le programme national de sécurité du patient

Le 8 février dernier, le Premier ministre annonçait, dans la stratégie nationale de santé, que bâtir notre système de santé autour du parcours de la personne permettrait d’améliorer la sécurité des patients et la qualité des soins. Une annonce suivie par l’engagement de Marisol Touraine de mener un Programme national pour la sécurité des patients (PNSP). Pluriannuel (2013-2017), ce programme permet, d’une part, à la France de se conformer aux recommandations internationales sur la sécurité du patient (notamment celle adoptée par le Conseil de l’Europe le 9 juin 2009) et, d’autre part, de mener un programme d’envergure dans le domaine de la sécurité des patients. S’adressant à tous les acteurs du secteur sanitaire (patients, professionnels, usagers, etc.) tant au niveau national que régional ou local, ce programme s’articule selon quatre axes majeurs :

• l’information du patient en insistant sur le côté “le patient, co-acteur de sa sécurité”,

• le renforcement de la déclaration des événements indésirables (avec en ligne de mire l’alerte et le retour d’expériences),

• la formation, la culture de sécurité et l’appui aux acteurs de santé,

• et, enfin, l’innovation et la recherche.

Et même si de nombreux outils et dispositifs existent déjà pour assurer une sécurité des soins optimale (cf. les recommandations de bonnes pratiques, les vigilances) et que des programmes ont déjà vu le jour pour améliorer la sécurité des patients (dans le domaine des infections nosocomiales ou la sécurisation du circuit du médicament, par exemple), ce PNSP permettra d’approfondir la mise en œuvre d’actions transversales et de fixer un cadre à partir duquel les politiques sectorielles autour de la sécurité des patients doivent s’articuler. Reste à voir quels moyens seront alloués à ce nouveau programme.