ARS et acteurs de santé, trouver le juste équilibre - Objectif Soins & Management n° 213 du 01/02/2013 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 213 du 01/02/2013

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

Les ARS fêteront bientôt leur troisième anniversaire. Au moment de leur création, beaucoup ont craint, notamment les représentants du secteur hospitalier, que les relations avec cette nouvelle agence seraient plus difficiles et distantes, en raison d’un champ de compétences très élargi et d’un mode de fonctionnement sous la forme d’un établissement public. Qu’en est-il trois ans plus tard ?

Entre les ARS et les acteurs de santé, la juste mesure mêle la distance à la proximité.

LES INSTANCES DE DÉMOCRATIE SANITAIRE TROP NOMBREUSES ?

Dès leur création, les directeurs des Agences régionales de santé (ARS) se sont employés à mettre en œuvre les nombreuses instances de dialogue et de démocratie sanitaire prévues par la loi.

Le conseil de surveillance de l’ARS

Il est présidé par le préfet de région et réunit des représentants de l’État, de l’Assurance maladie, des personnes qualifiées. Il adopte le budget de l’ARS et émet un avis sur le contrat qui lie l’agence au niveau national.

La Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA)

Elle réunit des représentants des acteurs de la santé au niveau régional sur l’ensemble des champs de compétence de l’ARS. Elle se réunit sous forme d’assemblée plénière, mais également sous forme de commissions spécialisées : la commission permanente (sorte de bureau de la conférence), la commission spécialisée des usagers (qui examine notamment les rapports des commissions des relations avec les usagers et la qualité des soins dans les établissements de santé, et publie un rapport sur les droits des usagers), la commission spécialisée des politiques de la prévention (qui émet notamment un avis sur le schéma régional de prévention et participe à sa mise en œuvre), la commission spécialisée de l’organisation des soins (qui émet un avis sur le schéma régional d’organisation des soins, le Sros, et participe à sa mise en œuvre, émet sur toutes les demandes d’autorisations d’activités de soins), la commission spécialisée des politiques médico-sociales (qui émet un avis sur le schéma régional).

Les conférences de territoire

Dans chaque territoire de santé, elles rassemblent l’ensemble des acteurs de santé du territoire. Ces conférences émettent notamment un avis sur le Projet régional de santé (PRS) et participent à sa mise en œuvre.

Les deux commissions de coordination des politiques publiques

L’une dans le domaine de la prévention, l’autre dans le domaine du médico-social, elles réunissent l’ensemble des décideurs et financeurs (État, Assurance maladie, collectivités territoriales).

Si ces conférences et commissions ont été installées dans l’ensemble des régions, et si celles-ci ont été fortement sollicitées lors de l’élaboration du PRS, force est de constater aujourd’hui que ces instances qui se cherchent encore ont du mal à trouver leur place et à s’autosaisir sur les sujets de santé. D’autant que les représentants de chaque secteur, mais également les élus, regrettent de ne pas être assez représentés. Du coup, d’autres rencontres doivent être mises en place.

DES INSTANCES DE RENCONTRE ÉTABLIES PAR LES ARS

À côté des instances réglementaires, et pour répondre aux multiples demandes des acteurs de santé, les ARS ont mis en place d’autres lieux et moments de rencontre, qui vont varier d’une région à l’autre.

Des rencontres régulières avec les représentants des acteurs de la santé

Les dix Unions régionales des professionnels de santé (URPS) qui doivent par ailleurs être regroupées au sein d’une fédération régionale ; les fédérations des établissements de santé (Fédération hospitalière de France, la FHF, Fédération de l’hospitalisation privée, la FHP, Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés à but non lucratif, la FEHAP, Fédération des centres de lutte contre le cancer, la Féderation Unicancer, et la Croix-Rouge française) ; les fédérations et représentants des établissements et services médico-sociaux ; les fédérations et représentants des établissements et service de prévention et d’addictologie… Selon les régions, les ARS réunissent régulièrement ces représentants de manière séparée ou conjointe, pour aborder des sujets d’actualité et échanger sur un certain nombre d’orientations sur la politique régionale de santé.

Des instances de dialogue social régional

Dans ces instances, les ARS réunissent régulièrement les représentants des personnels dans les établissements de santé au niveau régional :

– des réunions régionales ou par territoire de santé annuelles avec les établissements de santé, et/ou les établissements et services médico-sociaux ;

– les rencontres régulières avec les ordres des professionnels, pouvant être réunis sous forme de comité de liaison interordres.

Autant de lieux d’échange et de dialogue mis en place pour conserver la relation de proximité entre l’ARS et l’acteur de santé, qui, bien sûr, s’ajoutent aux rencontres bilatérales et aux différentes instances des partenaires auxquelles participe l’ARS : les conseils de surveillance des établissements de santé publics, les conseils d’administration des établissements et services médico-sociaux, les réunions annuelles des fédérations régionales, sans oublier les nouveaux temps de rencontre liés à la démarche de contractualisation.

UN NOUVEL OUTIL DE DIALOGUE : LE CONTRAT

La contractualisation devient le nouveau mode de relation entre l’ARS et les acteurs de santé. Elle concerne désormais l’ensemble du champ de compétence des agences, obligation renforcée par les directives européennes.

Dans le secteur hospitalier public et privé

La contractualisation est obligatoire avec tous les titulaires d’autorisation. Elle donne lieu à un autodiagnostic, des réunions de négociation pour leur élaboration, puis à des revues annuelles de contrat pour faire le point sur les objectifs et leur atteinte ou non.

Dans le secteur ambulatoire

Toutes les structures d’exercice regroupé (réseaux de santé, maisons de santé pluriprofessionnelles, centres de santé, pôles de santé, groupements de professionnels) bénéficiant d’un financement sur le Fonds d’intervention régional (FIR) doivent signer un contrat pluriannuel avec l’ARS, selon les mêmes modalités que dans le champ hospitalier.

Dans le secteur de la prévention

Fonctionne à l’identique de l’ambulatoire, dans la mesure où les financements sont désormais inscrits dans le FIR.

Dans le secteur médico-social

La même démarche est engagée, même obligatoire pour les Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) par le biais des conventions tripartites.

Contrats locaux de santé, un contrat territorial

Mais la contractualisation va désormais plus loin dans le cadre des contrats locaux de santé (CLS), qui doivent devenir la mise en œuvre territorialisée du PRS. Conclus avec les collectivités territoriales (pays, agglomérations, communautés de communes), ces CLS sont l’occasion pour l’ARS de contractualiser avec les élus sur les questions de santé au niveau d’un territoire, d’un point de vue complètement décloisonné. Ce qui représente une avancée majeure, l’ensemble des actions et des politiques en matière de santé étant jusqu’à présent très sectorialisé. Cela suppose alors une organisation des ARS tournée sur l’animation territoriale.

LE NOUVEAU RÔLE DES DÉLÉGATIONS TERRITORIALES

La loi HPST avait contraint les ARS de maintenir des délégations territoriales dans chacun des départements, justement afin de garantir ce rôle de proximité vis-à-vis des acteurs de santé. Si tel a bien été le cas physiquement, selon les régions, les rôles et missions des délégations territoriales sont très largement différents. En tout état de cause, leur rôle a été profondément modifié.

Au moment où les PRS sont pratiquement tous arrêtés, il convient maintenant de les mettre en œuvre sur les territoires. Le rôle des délégations territoriales apparaît donc désormais primordial dans cette mise en œuvre de proximité.

Les fonctions techniques et nécessitant une professionnalisation accrue doivent être regroupées au sein du siège des ARS : autorisation, financement, performance, gestion des professionnels, inspections. En revanche, les délégations territoriales doivent devenir de véritables animateurs territoriaux pour porter au niveau infraterritorial les contrats locaux de santé. Ce qui suppose un changement culturel profond et le développement de nouveaux métiers pour être de véritables “VRP” de l’action de l’ARS sur le terrain et accompagner les acteurs de santé dans la mise en œuvre d’actions et de projets innovants, de manière décloisonnée.

Le maintien des délégations territoriales des ARS doit être pensé dans la complémentarité avec les sièges des ARS, et non dans la concurrence, ce qui est encore bien souvent le cas. C’est préjudiciable pour les acteurs de santé qui ont l’impression qu’il n’y a pas en région une seule ARS, mais autant d’ARS qu’il y a de délégation territoriale. Cela nuit gravement à l’image de l’ARS et à sa crédibilité.

CONCLUSION : DES RELATIONS À PARFAIRE DANS LE CADRE DU PACTE TERRITOIRE-SANTÉ

La ministre des Affaires sociales et de la Santé vient de présenter ses douze engagements dans le cadre du pacte territoire-santé pour contrer les déserts médicaux. Les ARS vont ainsi devoir encore renforcer davantage leurs liens avec les acteurs de santé, dont en premier lieu les élus. Des débats de concertation doivent être construits dans chaque département ; l’ARS doit identifier des correspondants physiques pour les professionnels de santé ; des actions innovantes doivent être mises en place dans les territoires. Autant d’engagements qui vont supposer que chaque ARS se mettra au service des acteurs de santé, et qu’une animation territoriale innovante de qualité sera mise en place. Les ARS rentrent dans une nouvelle ère : celle de l’action au service des acteurs de santé et des territoires.

LES INSTANCES RÉGLEMENTAIRES DE DÉMOCRATIE SANITAIRE

L’ARS mène ses travaux en étroite collaboration avec les partenaires de santé et institutionnels au travers de ses instances de pilotage et de concertation : le conseil de surveillance, la Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA), deux commissions de coordination (prévention et médico-sociale), les conférences de territoire.

→ UN DISPOSITIF LARGE DE CONCERTATION

L’ensemble des acteurs de santé est représenté dans ces instances et impliqué dans l’élaboration de la politique de santé en région. Les élus participent au conseil de surveillance, à la CRSA, aux commissions de coordination et aux conférences de territoires. Les professionnels de santé sont représentés dans la CRSA et les conférences de territoires. Les usagers participent au conseil de surveillance, à la CRSA et aux conférences de territoire.

→ EN RÉGION, AVEC LES ACTEURS DE SANTÉ

Le conseil de surveillance est l’instance délibérante de l’ARS. Présidé par le préfet de région, il approuve le budget et le compte financier et émet un avis sur le plan stratégique régional de santé, le projet de contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) de l’Agence, et les résultats de l’action menée par l’Agence. Le conseil de surveillance est composé de représentants de l’État, des conseils d’administration de l’Assurance maladie, des élus, des représentants des patients, des personnes âgées et des personnes handicapées, et de personnes qualifiées.

La Conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA), instance de concertation régionale sur les questions de santé, émet un avis sur le PRS et évalue les conditions dans lesquelles sont appliqués et respectés les droits des malades et des usagers du système de santé. C’est un lieu d’expression et de propositions qui traite des besoins de santé en région, des réponses à ces besoins et des actions pour améliorer la santé de la population et développer l’efficacité du dispositif de santé. Elle constitue une voie privilégiée pour recueillir les aspirations et les besoins en matière de santé, favoriser l’appropriation collective des enjeux de santé par les acteurs et participer ainsi à l’élaboration et la mise en place du PRS. La CRSA est un organisme consultatif d’une centaine de membres qui disposent d’une voix délibérative. Il est composé de huit collèges : collectivités territoriales, usagers de services de santé et médico-sociaux, conférences de territoire, partenaires sociaux, acteurs de la cohésion et de la protection sociales, acteurs de la prévention et de l’éducation pour la santé, offreurs de services de santé, personnalités qualifiées.

Participent également, avec voix consultative : le préfet de région, le président du Conseil économique et social régional (CESER), des personnes issues des services déconcentrés de l’État, le directeur général de l’ARS ainsi que des représentants de l’Assurance maladie. La CRSA a pour mission d’émettre un avis sur le PRS. Elle mène ses travaux au sein des commissions spécialisées qui devront être force de propositions sur les politiques conduites. Elle organise des débats publics sur les questions de santé de son choix. Chaque année, elle établit un rapport sur son activité.

ORGANISATION DU CRSA

→ TRAVAUX AU SEIN DES FORMATIONS

• Une assemblée plénière réunit au moins une fois par an les membres des huit collèges et les membres consultatifs.

• La commission permanente exerce l’ensemble des attributions dévolues à la CRSA. Elle est chargée de préparer l’avis rendu par la conférence sur le plan stratégique régional de santé, de rendre un rapport annuel d’activités, de formuler un avis quand la consultation de la conférence implique l’avis de plus de deux commissions spécialisées, et de préparer les éléments soumis au débat public.

→ LES 4 COMMISSIONS SPÉCIALISÉES

• Prévention : elle prépare un avis sur le projet de schéma régional de prévention, sur sa révision, son suivi et les résultats de son évaluation ; elle formule toute proposition sur la politique régionale de prévention.

• Organisation des soins : elle prépare un avis sur le projet de Sros dans ses volets hospitalier et ambulatoire. Elle est consultée par l’ARS, notamment sur les demandes d’autorisation et de renouvellement d’autorisation relatives aux projets de création de tout établissement de santé, la création, la conversion et le regroupement des activités de soins, y compris sous la forme d’alternatives à l’hospitalisation ou d’hospitalisation à domicile, et l’installation des équipements matériels lourds ; la politique en matière d’implantation et de financement de maisons de santé, centres de santé, réseaux de santé et maisons médicales de garde ; les projets et actions pour le maintien de l’activité et à l’installation des professionnels de santé sur les territoires ; les projets d’expérimentations dans le champ de l’organisation des soins, concourant à l’amélioration de la qualité et de la coordination des soins ; l’organisation et l’adéquation aux besoins de la population de l’aide médicale urgente et de la permanence des soins ; l’organisation des transports sanitaires et de son adéquation aux besoins de la population ; la création des établissements de santé publics de santé autres que nationaux et des groupements de coopération sanitaire.

• Prise en charge et accompagnement médico-social : elle prépare un avis sur le projet de schéma de l’organisation médico-sociale ; elle émet un avis sur l’élaboration et l’actualisation du Programme interdépartemental d’accompagnement des handicaps et de la perte d’autonomie (Priac) ; elle élabore un rapport d’activité tous les quatre ans.

• Droits des usagers du système de santé : elle élabore avec les autres commissions un rapport annuel spécifique sur l’évaluation des conditions d’application des droits des usages du système de santé, de l’égalité d’accès aux services de santé, de la qualité des prises en charge dans les domaines sanitaire et médico-social.

RENFORCER LA PRÉSENCE DANS LES TERRITOIRES

– Les conférences de territoire réunissent les représentants des acteurs locaux de santé. Elles permettent d’identifier les besoins locaux et d’intégrer les réalités de terrain dans la stratégie de l’ARS.

– Elles se substituent aux précédentes conférences sanitaires. Elles participent à faire vivre la démocratie sanitaire, nécessaire au débat public sur les questions de santé, sur des territoires de proximité et enrichissent la stratégie régionale de santé en intégrant les besoins repérés sur un territoire.

– Les conférences sont un lieu de rassemblement et de discussion qui propose d’aborder les thématiques de santé, les territoires, les représentants des acteurs de santé de manière transversale.

– Le décret relatif à la constitution de ces instances prévoit que les acteurs se répartissent en onze collèges représentatifs du monde de la santé : les établissements de santé, les établissements et services sociaux et médico-sociaux, les organismes qui œuvrent dansle champ de la prévention, de la promotion de la santé, de l’environnement et de la lutte contre la précarité, les professionnels de santé libéraux, les centres et pôles et maisons de santé, les établissements assurant des activités de soins à domicile, les services de santé au travail, les usagers, les collectivités territoriales, les ordres de médecins, les personnalités qualifiées. Ce sont ainsi cinquante membres au plus qui composent chaque conférence.