Dépendance de la personne âgée : les cadres mènent l’enquête - Objectif Soins & Management n° 209 du 01/10/2012 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 209 du 01/10/2012

 

Promotion de la santé

De gauche à droite*   Élodie Villiers**   Sylvie Weinreich Patin***  

La dépendance de la personne âgée est un problème de santé publique. Quel est l’impact de l’hospitalisation sur l’autonomie de la personne âgée ? Existe-t-il une corrélation entre la durée de séjour et la dépendance acquise au cours de l’hospitalisation ? Bilan de l’enquête d’un groupe d’étudiants cadres de santé.

Partant de l’hypothèse que plus la durée de séjour en hospitalisation est longue, plus les risques de perte d’autonomie sont élevés, nous avons réalisé une enquête permettant d’établir le constat que l’hospitalisation provoque effectivement une perte d’autonomie, mais que celle-ci n’est pas liée à la durée du séjour.

DÉFINITIONS

Personne âgée

Selon l’Organisation mondiale de la santé, il existe trois catégories de “vieillards” :

• entre 60 et 75 ans : “jeune vieillard” ;

• entre 75 et 90 ans : “vieillard” ;

• au-delà de 90 ans : “grand vieillard”.

Être un vieillard ne constitue en rien une maladie ou une quelconque pathologie.

Autonomie

L’autonomie est définie comme la possibilité pour un patient de décider et de réaliser des gestes de la vie courante lui permettant de se suffire à lui-même(1).

La perte d’autonomie est le « fait d’être privé de quelque chose dont on avait la jouissance »(2). « La perte d’autonomie est une complication péri-opératoire fréquente chez la personne âgée. »(3) Cette définition correspond au profil de la population que nous souhaitons étudier.

Dépendance

La dépendance se décline dans plusieurs domaines.

Elle peut être psychique, mais la plus visible reste la dépendance physique.

C’est sur celle-ci que nous avons axé notre étude.

PRÉSENTATION DE LA POPULATION

Nous ciblons les personnes de 60 ans et plus, hospitalisées dans un service de chirurgie digestive. C’est une population qui nous semble fragilisée par l’hospitalisation. Notre choix s’est orienté sur un service de chirurgie digestive d’un CHU pour de multiples raisons.

La population cible est largement concernée par cette spécialité. La durée moyenne de séjour (DMS) est relativement courte, huit à dix jours. Les patients proviennent d’horizons divers, ce qui nous permet d’avoir un large panel. Pour avoir des données quantitatives, nous avons réalisé l’étude de dossiers des patients à partir d’une grille de renseignements pré-établie qui comprenait différents critères. Les critères retenus sont le sexe, la date de naissance, l’âge, la date d’entrée et de sortie du service, la provenance et le devenir.

Méthodologie

Pour évaluer l’autonomie de la population étudiée, nous avons utilisé l’échelle de Katz. Cette échelle comprend six critères d’évaluation de la dépendance, à savoir l’hygiène corporelle, l’habillage, le déplacement aux toilettes, la locomotion, la continence et le repas, auxquels nous avons associé un score : 0 pour autonome, 1 si aide, 2 si le sujet est dépendant.

Résultats et analyse

La population se compose de 23 hommes et 27 femmes. Les patients sont âgés de 61 à 91 ans, pour une moyenne d’âge de 75,9 ans. Sur les cinq patients provenant d’institutions, quatre patients y sont retournés, et un patient est décédé. Sur 33 patients provenant du domicile, 23 y retournent, huit sont orientés vers un autre service et deux sont décédés. Sur les douze patients provenant d’autres services, neuf sont retournés à domicile, dont trois en HAD, et trois ont été transférés dans un autre service. Aucun patient ne provenait d’HAD. Toutes les provenances et les devenirs ont pu être identifiés. Sur les 50 patients, 32 sont rentrés à domicile, dont trois en HAD. La durée moyenne de séjour du service est d’environ 8 jours. Pour notre population, la durée de séjour va de 5 à 68 jours. Dans notre tableau, la DMS est de 20,34 jours, soit le double de la DMS de l’unité. La perte d’autonomie est calculée à partir de la différence entre la dépendance à la sortie et la dépendance à l’entrée. Sur les 36 patients autonomes à l’entrée, 23 sont autonomes à la sortie. Treize patients ont donc perdu en autonomie au cours de l’hospitalisation. Parmi ces patients, six sont devenus dépendants, avec un score à 12. Aucun patient dépendant n’est sorti autonome. 31 patients ont maintenu le niveau de dépendance entre la sortie et l’entrée (voir le tableau ci-dessus). Pour 19 patients, la différence des scores entre la sortie et l’entrée est supérieure à 1. 38 % des patients présentent une perte d’autonomie. Aucun patient n’a gagné en autonomie en cours d’hospitalisation. Il n’y a pas de score négatif. Nous constatons que, pour 38 % des patients, la perte d’autonomie est significative. Cependant, la perte d’autonomie n’est pas proportionnelle à la durée de séjour, comme le montre le tableau ci-dessous. Sur les 19 patients ayant subi une perte d’autonomie, nous avons cherché à voir s’il existait un critère de l’échelle de Katz pour lequel la perte d’autonomie était plus significative. L’hygiène se démarque légèrement, mais les six critères sont proportionnellement concernés par la perte d’autonomie liée à l’hospitalisation. L’hospitalisation de la personne de plus de 60 ans provoque une perte d’autonomie, mais celle-ci n’est pas proportionnelle à la durée de séjour.

LES ACTIONS PROPOSÉES

Nous avons dégagé quatre axes d’amélioration permettant de prévenir la perte d’autonomie de la personne âgée en lien avec l’hospitalisation en chirurgie.

• Sensibiliser les équipes à l’utilisation et à la gestion du dossier de soins. Le dossier de soins du patient est l’outil de référence concernant la prise en charge globale du patient. Il trace non seulement son parcours de soins, mais doit également décrire le contexte de vie du patient avant son hospitalisation (situation socio-familiale, mode et lieu de vie…). Il a également pour but d’anticiper, d’organiser le devenir du patient. La traçabilité des actes réalisés fait partie des soins, elle a de plus une valeur légale. Ainsi, il est indispensable que toutes les catégories professionnelles participent à une gestion de qualité du dossier de soins. Le cadre de santé est garant de la participation de son équipe à l’utilisation de cet outil, dont dépend la qualité de prise en charge du patient.

• Anticiper le devenir du patient. Cette anticipation permet de prévoir sereinement la sortie du patient. C’est également un objectif concernant l’état de santé du patient à sa sortie. Chaque professionnel de santé, en fonction de son référentiel de compétences, veille à la cohérence de sa prise en charge avec l’état du patient.

• Développer le partenariat avec les structures extérieures. Ces partenaires sont à identifier : ils sont souvent méconnus des structures de soins, ce qui engendre un cloisonnement et une rupture dans le parcours du patient. Favoriser la rencontre entre le service de soins et les services et structures accueillant les patients à leur sortie améliorerait les liens entre services. Les structures de HAD et les Services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) doivent être impliqués dans cette démarche. Ce partenariat pourrait se matérialiser par la création d’un support de présentation des différentes alternatives possibles à la sortie du patient. La participation de tous les partenaires serait recherchée, afin de proposer la vision la plus fiable et la plus complète sur les modalités et possibilités existantes en termes d’orientation post-hospitalisation.

• Limiter la perte d’autonomie pendant l’hospitalisation. Les soignants doivent en permanence veiller à l’adéquation de leur prise en charge à l’état de santé et l’autonomie du patient. Ceci peut passer par la mise en place d’un protocole de lever précoce, par exemple. Il serait aussi intéressant de prendre l’autonomie au domicile comme référence de prise en charge.

CONCLUSION

L’analyse des résultats de notre recherche ne nous permet pas de confirmer que la perte d’autonomie est liée à la durée de séjour mais que, pour 38 % de notre population étudiée, l’hospitalisation a provoqué une perte d’autonomie. La prise en compte de paramètres supplémentaires, tels que le mode d’entrée, permettrait d’affiner l’enquête. Certains patients sont entrés dans le service de chirurgie avec une dépendance importante. Nous ne savons pas si celle-ci existait à leur entrée dans l’établissement. La perte d’autonomie étant une différence des scores entre l’entrée et la sortie, la variation n’apparaît pas comme significative. De plus, l’étude de 50 dossiers nous donne des résultats qu’il faut traiter avec réserve.

Remerciements

Les auteurs remercient le service de chirurgie et la direction du CHU de Reims où l’enquête s’est déroulée. Nous exprimons notre gratitude envers l’IFCS de Bois-Larris (IRFSS Picardie) et particulièrement Mme Anne Millot pour son tutorat tout au long de ce travail.

NOTES

(1) Dictionnaire médical à l’usage des infirmières, édition Lamarre p. 65. M. Lacombe, J.-L. Pradel, J.-J. Raynaud.

(2) Dictionnaire encyclopédique des soins infirmiers. p. 247. Marguerite Potier

(3) Soins gérontologie n° 87, p. 28. Janvier/février 2011.