Le rôle des infirmiers pivots en cancérologie - Objectif Soins & Management n° 208 du 01/09/2012 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 208 du 01/09/2012

 

Annick Ninotta

Sur le terrain

Joëlle Maraschin  

Afin de personnaliser le parcours de soin des patients pendant et après leur cancer, l’Institut de cancérologie Lucien-Neuwirth (ICLN) de Saint-Priest-en-Jarez (42) a mis en place une plateforme de coordination au sein de laquelle travaillent quatre infirmiers pivots. Rencontre avec Annick Ninotta, cadre de santé transversal à l’ICLN et responsable du projet.

OS&M : Quelle est la genèse de cette plateforme de coordination ?

Annick Ninotta : L’ICLN a été l’un des centres pilotes pour la mise en place du dispositif d’annonce. Après quelques années, nous avions le sentiment que ce dispositif n’était plus suffisant. Lorsque l’Institut national du cancer (Inca) a lancé en 2010 un appel à projet sur le parcours personnalisé des patients, nous avons saisi l’occasion de formaliser un projet de plateforme de coordination. Notre travail fait aujourd’hui partie des projets retenus par l’Inca au niveau national. Nous avons par ailleurs bénéficié du soutien financier de la Fondation Paul Bennetot ainsi que de la Ligue nationale contre le cancer. Nous nous sommes beaucoup appuyés sur l’expérience québécoise des infirmiers pivots en oncologie, appellation que nous avons reprise avec l’accord de nos collègues outre-Atlantique. En août 2010, en voyage d’étude avec une autre collègue et un médecin de l’ICLN, je suis partie visiter plusieurs structures de soins au Québec. Nous sommes revenus avec des éléments qui nous ont confortés dans nos analyses, la plateforme de coordination a été mise en œuvre en janvier 2011. Le projet s’est construit en collaboration avec le département de santé publique.

OS&M : Comment définiriez-vous ses objectifs ?

A. N. : L’accès à un IDE pivot est proposé dès l’annonce de la maladie afin que les patients puissent bénéficier d’une évaluation et d’un suivi adapté pendant et après le traitement. Il s’agit principalement d’assurer un parcours de soin sans couture ou seamless care. Cette coordination par un IDE pivot permet aux patients de comprendre ce qui se passe autour d’eux, elle leur donne les clés pour être des acteurs éclairés dans leurs parcours de soin. Les IDE pivots ont un rôle important pour coordonner, évaluer, informer et accompagner les patients. Ce sont des personnes ressources, joignables du lundi au vendredi pour répondre à leurs questions ou à celles de leur entourage. Ils évaluent leurs besoins et leurs difficultés, les orientent vers des professionnels ressources (assistantes sociales, diététiciennes, psychologues) et, si nécessaire, vers des programmes d’éducation thérapeutique. Ils permettent aux patients de maintenir leur autonomie et de poser des choix. En outre, les IDE pivots établissent le trait d’union entre les différents professionnels de santé amenés à prendre en charge les patients, notamment lors de leur retour à domicile. L’objectif est de travailler les liens ville-hôpital tout en assurant la lisibilité du parcours de soin. Le médecin traitant doit rester au cœur de la prise en charge.

OS&M : Qui sont ces IDE pivots coordonnateurs ?

A. N. : Nous avons construit un profil de poste à partir duquel un jury de 3 personnes a sélectionné 4 infirmiers pivots parmi les 10 candidats au poste. Le choix s’est porté sur les candidats qui avaient plusieurs années d’expérience professionnelle en cancérologie. La plateforme est rattachée à la direction des soins. Nous avons opté pour une orientation de nos infirmiers pivots : un professionnel infirmier s’occupe de la sénologie, un autre de l’urologie, un troisième de l’ORL et un quatrième de l’hématologie. Cette organisation a favorisé un climat de confiance avec les médecins référents. Pour construire cette nouvelle fonction, chaque IDE pivot a bénéficié d’une formation spécifique : stage d’immersion et d’observation, formation action de 8 journées adaptée à la mise en place du projet, analyse de la pratique professionnelle à raison de 2 heures par mois. Ces infirmiers coordonnateurs ne font plus de soins, c’est une nouvelle façon d’exercer leur métier d’infirmier, plus axée sur l’accompagnement et le soutien des patients, la coordination entre les différents intervenants. Ils représentent des pionniers, qui ont accepté avec enthousiasme de se lancer dans cette belle aventure. Tous se sont d’ailleurs beaucoup investis. En mai 2012, près de 1 100 patients ont été suivis et accompagnés par les quatre IDE pivots. Nous sommes bien au-delà de ce que nous avions prévu au départ.

OS&M : Quel bilan tirez-vous de ces 18 premiers mois de fonctionnement ?

A. N. : L’expérimentation est terminée depuis fin 2011, c’est une période transitoire. En octobre, l’Inca présentera la première évaluation des 35 expérimentations nationales des parcours de soins personnalisés et précisera les orientations à poursuivre. Dans la perspective du troisième Plan Cancer, nous souhaitons développer le travail de lien ville-hôpital et formaliser le programme personnalisé de l’après-cancer (PPAC). Pour symboliser cette ouverture vers l’extérieur, la plateforme de coordination n’est plus dans les locaux de l’institut, mais à l’extérieur, en face de l’établissement. Les IDE pivots ont beaucoup soutenu et accompagné les patients, et ils vont continuer à le faire, car cela fait partie de leur rôle. À présent, ils développent leurs missions de coordination avec l’ensemble des professionnels de la ville autour du patient.

LE PLUS POUR LES PATIENTS ET LES ÉQUIPES DE SOINS

Le rôle de l’IDE pivot est de tisser les liens entre les équipes de soins de l’ICLN, les établissements de santé extérieurs, le médecin traitant, les infirmières libérales, les pharmaciens ou encore l’infirmière de coordination dans le cadre d’une hospitalisation à domicile. Ce travail de lien doit contribuer à faciliter l’organisation de la prise en charge des patients, et notamment leur retour à domicile. Pour autant, le retour à domicile est aussi l’affaire de l’équipe de soins. L’IDE pivot est incontestablement une ressource pour l’ensemble des soignants dans la mesure où il doit rendre lisible le parcours du patient.