Des cadres et infirmiers impliqués dans la qualité des soins - Objectif Soins & Management n° 207 du 01/06/2012 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 207 du 01/06/2012

 

Cahier du management

Bertrand Alvez Da Cruz  

Le cadre de santé du service d’hépato-gastroentérologie (HGE) et les infirmières ont travaillé plus d’un an sur la perfusion périphérique en vue d’améliorer la qualité des soins dans ce domaine. Ils ont évalué un nouveau système d’accès veineux sécurisé et clos : le BD Nexiva.

Cadre et infirmiers ont mesuré l’impact d’une solution globale réunissant le nouveau système d’accès veineux périphérique et une seringue de rinçage préremplie sur la ligne de perfusion, sur le plan clinique et économique. La standardisation et la simplification de la ligne de perfusion ont permis la mise en conformité des pratiques recommandées par la Haute Autorité de santé (HAS) et la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) pour la prévention du risque infectieux lié au cathéter veineux périphérique (CVP). Des bénéfices complémentaires inattendus pour le patient et le soignant sont venus améliorer d’autant la qualité des soins. La certification, les indicateurs IPAQSS, les recommandations HAS/SF2H, la tarification à l’activité, l’évaluation des pratiques professionnelles à venir, etc., invitent l’univers hospitalier à revisiter ses pratiques. Entre 32 et 35 millions de CVP sont posés chaque année en France pour administrer des médicaments et/ou solutés. Cette pratique de soins courante et souvent banalisée n’est pas dénuée de risques, d’événements indésirables graves (EIG), d’infections associées aux soins (IAS), d’interactions médicamenteuses, d’obstructions, de perte de mobilité…(1). Dans cet environnement changeant, l’équipe paramédicale du service d’HGE a placé la perfusion périphérique au cœur d’une étude de plus d’un an, avec pour objectif « d’améliorer la qualité des soins dans le domaine de la perfusion périphérique ». Cet objectif a amené l’équipe à réfléchir sur la pertinence des dispositifs médicaux utilisés et sur l’intérêt de conserver une perfusion “garde veine” dans le cadre de traitements intraveineux itératifs.

ÉTAT DES LIEUX

Un état des lieux a d’abord été réalisé sur la base d’un constat des pratiques existantes sur trois dimensions : les soins réalisés dans de bonnes conditions, en situation dégradée et dans le cadre de traitement itératif. Si cette méthode n’a rien de scientifique, elle a eu le mérite d’obtenir rapidement la photographie des pratiques et de les comparer à des textes de référence (protocoles du Clin relatif à la pose et la surveillance d’un CVP, recommandations HAS/SF2H(2)).

Que les soins soient réalisés dans de bonnes conditions (de temps, de sérénité…) ou en situation dégradée (criticité patient, disposition particulière de l’infirmière au moment du soin, charge de travail, ergonomie du lieu du soin, etc.), il existe des risques malgré le respect du protocole interne du Clin relatif à la pose et à la surveillance du CVP : risques de contact avec le sang (risque d’AES(3) pour le soignant), notamment lors du reflux de sang dans l’embase du cathéter au retrait du mandrin, nécessitant ainsi un point de compression, d’autant que, malgré les recommandations nationales, lors de manipulations d’une perfusion, 38,8 % d’accidentés ne portent pas de gants(4).

ll existe également un risque de contamination (risque d’IAS pour le patient(1)) dû au non-respect de certaines recommandations HAS/SF2H, comme de multiples manipulations qui se succèdent au cours de la pose d’un CVP. Certaines se situent très près du point de ponction alors que l’embase n’est pas connectée à la tubulure.

Enfin, on constate des risques lors de traitements intraveineux itératifs liés au “garde veine” qui présente quatre inconvénients majeurs : risque de contamination de la ligne de perfusion du fait des multiples manipulations, mobilité réduite du patient due au rattachement au pied de perfusion, techniques de rinçage différentes selon les IDE par rapport aux volumes injectés et au matériel utilisé(5), mais aussi une consommation importante et inadéquate de flacons, tubulures avec un robinet trois voies, seringues, régulateur de débit de perfusion… Sans compter le non-respect des recommandations HAS/SF2H(2) R28 et R29(6). Une fois cet état des lieux réalisé, l’équipe du service a recherché une solution et a découvert un système d’accès veineux périphérique sécurisé et clos de nouvelle génération : le BD Nexiva.

DISPOSITIF MÉDICAL BD NEXIVA TESTÉ

Ce dispositif médical (DM) BD Nexiva présente plusieurs intérêts : son concept “tout en un” avec sécurité automatique, une tubulure prémontée, une double voie d’accès disponible en Y ou robinet trois voies, une valve bidirectionnelle en système clos intégré BD Q-Syte. Ce dispositif doit permettre de travailler sans réaliser un point de compression lors du retrait du mandrin, loin du point de ponction, sans écoulement de sang à la pause et lors des manipulations. Enfin, il est susceptible d’apporter des réponses aux problématiques constatées lors de l’état des lieux. En accord avec la pharmacienne, l’équipe a testé le dispositif en deux étapes.

Première étape

Test de praticité pendant cinq semaines. Toutes les infirmières ont été formées à la solution produit pour se familiariser avec le dispositif et se rassurer face à l’appréhension du changement avant de l’utiliser chez les patients.

Durant l’essai, tous les cathéters sécurisés présents dans le service ont été retirés et remplacés par le seul système BD Nexiva. L’évaluation de la solution produit s’est faite à l’aide d’une feuille d’évaluation élaborée en partenariat entre la société BD, le service d’HGE et la pharmacie. Cela a permis aux différents partenaires de travailler dans un esprit de collaboration au service des patients que nous avons choisi d’accompagner, chacun dans notre domaine de compétence, dans un moment souvent difficile de leur vie. Quatre grands thèmes d’évaluation et plusieurs items ont été définis : sécurité de l’utilisateur, utilisation du dispositif, confort et sécurité du patient, appréciation globale de l’utilisateur. Après l’évaluation, un rapport a été présenté à la pharmacienne.

Deuxième étape

La deuxième étape a permis d’évaluer les bénéfices associés à la solution BD Nexiva + BD Posiflush 3 ml. Pendant douze mois, le service a utilisé uniquement le système BD Nexiva complété d’une seringue préremplie de sérum physiologique pour le rinçage des voies veineuses, BD Posiflush 3 ml.

2 837 BD Nexiva ont été testés par treize infirmières pour dispenser des traitements médicamenteux, perfusions, transfusions, alimentations parentérales. Après avoir présenté le dispositif aux médecins, ces derniers ont été sollicités pour créer une cohésion d’équipe, revoir et corriger les prescriptions pour ce soin.

DES RÉSULTATS PROBANTS

→ La première étape a révélé des résultats encourageants : réelle sécurité face aux risques d’AES, utilisation facile du dispositif, amélioration continue de la qualité des soins et lutte contre les infections nosocomiales. Les avantages estimés a priori ont été vérifiés et validés lors de cette première période de test, ce qui a encouragé l’équipe à aller plus loin dans l’évaluation de l’impact de ce DM sur une plus longue période. Dans les observations que la feuille d’évaluation permettait de renseigner, quelques difficultés ont cependant été repérées chez certaines infirmières : une préhension difficile du DM, un DM trop lourd lié au concept (système prémonté avec la tubulure, le robinet, le clamp, la valve bidirectionnelle) et un cathéter plus difficile à monter dans la veine.

→ La deuxième étape a permis une simplification et une standardisation de la ligne de perfusion, une diminution des risques mentionnés ci-dessus et une amélioration de l’ergonomie pour la réalisation du soin. Par ailleurs, on peut noter l’élimination du risque de contact avec le sang, une réduction du risque de contamination lors des manipulations, une réduction des risques lors de traitements intraveineux itératifs. Sur ce dernier point, les infirmières ont utilisé la possibilité qu’offre le BD Nexiva de supprimer la perfusion garde veine. La seringue de rinçage préremplie a définitivement remplacé les différentes procédures de rinçage rencontrées au profit d’une technique qui permet d’optimiser le rinçage par des injections de volumes réfléchis et de façon péristaltiques (5, 7). Cela a permis d’éliminer un facteur de risque de contamination de la ligne de perfusion, d’améliorer le confort du patient, de diminuer le coût des traitements itératifs.

Au final, la simplification et la standardisation de la ligne de perfusion ont permis une mise en conformité des pratiques recommandées par l’HAS/SF2H(2) pour la prévention du risque infectieux lié aux CVP, notamment concernant les recommandations R28 et R29(6). Un poster a été réalisé, reprenant les différentes phases du projet qui ont conduit à la mise en place du dispositif médical, validé par le chef de service, la pharmacienne et le président du Clin.

BÉNÉFICES POUR L’ÉQUIPE SOIGNANTE

Une étude économique réalisée avec la pharmacienne sur la base des consommations de DM liés à la perfusion, entre l’année N-1 et les douze mois de l’étude, a montré que les économies réalisées sur les matériels associés permettent un autofinancement partiel de l’investissement. Le changement de mode d’administration de certains traitements intraveineux (IV) peut également contribuer à l’autofinancement, en passant de la perfusion à l’intraveineuse directe (IVD) pour certains médicaments. De plus, les médecins se posent de plus en plus la question de la pertinence du mode d’administration des médicaments pour passer au plus vite à la forme orale, entraînant un gain de temps pour le personnel non mesuré mais constaté. Ce temps gagné participe à la réduction du coût de la non-qualité. Les infirmières ont désormais une autre approche de la perfusion veineuse périphérique. La pertinence des DM utilisés en fonction du type de perfusion veineuse périphérique à mettre en place, l’information sur le rinçage réalisé désormais à chaque temps d’intervention sur le cathéter à l’aide de la seringue préremplie, l’attention portée à la pertinence du mode d’administration des produits… Tout ceci les a amenées à débanaliser ce soin. De plus, l’administration des médicaments par voies IVD par l’intermédiaire de la valve bidirectionnelle prémontée sur le cathéter veineux périphérique, acte retrouvé pour certaines et découvert pour d’autres, a permis de disposer d’un temps auprès du patient mis à profit, entre autres, pour l’informer (cadre réglementaire), répondre à ses questions. Quant aux aides-soignantes, elles peuvent mobiliser plus facilement les patients dans les actes de la vie quotidienne (habillement, toilette, repas…), notamment pour ceux dont la mobilité est déjà réduite sans ligne de perfusion continue. Globalement, les soignants bénéficient d’une amélioration de la gestuelle car il n’y a plus de point de compression au niveau du point de ponction nécessaire au retrait du mandrin ou au branchement de la tubulure, ce qui leur permet de disposer de leurs deux mains pour gérer le reste du soin. Enfin, on constate un gain de temps du fait du dispositif prémonté : pas de fuite au niveau de la connexion de l’embase et du cathéter, donc pas de réfection de pansement, pas de garde veine à préparer, surveiller et éliminer, et pas de seringue de rinçage à préparer.

BÉNÉFICES POUR LES PATIENTS

Le patient bénéficie d’un gain de mobilité au profit de la conservation, ou de la non-aggravation de son autonomie, lié à l’absence de garde veine dans le cadre de traitement itératif. Parce qu’il permet une diminution des manipulations, ce dispositif permet d’éviter un allongement de la durée d’hospitalisation pouvant être lié à des complications éventuelles dans le cas contraire (IAS, EIG(1)), un confort accru et une diminution du risque liée à la préparation des médicaments, du fait de l’administration en IVD des produits préparés de façon extemporanée.

CONCLUSION

Suite à cette étude, le dispositif médical a reçu un avis favorable de la Comedims pour son extension dans l’établissement. Démarche validée par la direction des soins et la comission médicale d’établissement. Cette réflexion fera l’objet d’une EPP médico-soignante sur la pertinence du mode d’administration des médicaments dans le service d’hépato-gastroentérologie. O

NOTES

(1) Ph. Michel, JL. Quenon, A. Djihoud, S. Tricaud-Vialle, AM de Sarasqueta, S. Domecq avec la collaboration de B. Haury et de C. Cases. Les événements indésirables graves liés aux soins observés dans les établissements de santé : premiers résultats d’une enquête nationale. Études et Résultats, n °398, mai 2005.

(2) HAS et la SF2H. Recommandations pour la pratique clinique sur la Prévention des infections liées aux cathéters veineux périphériques, novembre 2005.

(3) Définition d’un AES selon le Geres : un accident exposant au sang (AES) est défini comme tout contact avec du sang ou un liquide biologique contenant du sang et comportant soit une effraction cutanée (piqûre ou coupure), soit une projection sur une muqueuse (œil, bouche) ou sur une peau lésée.

(4) Réseau d’alerte, d’investigation et de surveillance des infections nosocomiales (Raisin). Surveillance des accidents avec exposition au sang dans les établissements de santé français en 2006, résultats, octobre 2008.

(5) Bertrand Alvez Da Cruz, “Pour une amélioration de la chaîne de perfusion”, Soins, n° 694, avril 2005, cahier 1.

(6) Configuration du dispositif de perfusion. R28 : il est recommandé d’utiliser une configuration du dispositif de perfusion la plus simple pour l’utilisation prévue du cathéter (nombre minimal de raccords et de voies d’accès). R29 : il est recommandé de privilégier une configuration du dispositif de perfusion permettant de limiter la manipulation de l’embase du cathéter, notamment par l’utilisation d’un prolongateur.

(7) J. Merckx, J.-J. Durussel, G. Guiffant, P. Flaud, J.-P. Vigier, P. Mousset. Rinçage pulsé et dispositifs d’accès vasculaires. Matières et systèmes Complexes, CNRS UMR 7057, Université Paris 7 Denis Diderot, 75205 Paris Cedex 13-BDM-MSS, Becton Dickinson, 38801 Le Pont-de-Claix cedex.

FEUILLE D’ÉVALUATION – PREMIÈRE ÉTAPE

Quatre grands thèmes d’évaluation

→ Sécurité de l’utilisateur

→ Utilisation du dispositif

→ Confort et sécurité du patient

→ Appréciation globale de l’utilisateur

Après l’évaluation, un rapport a été présenté à la pharmacienne.

ANALYSE DES ÉVALUATIONS – PREMIÈRE ÉTAPE

En apportant une réelle sécurité face aux piqûres accidentelles, sans modifier significativement le geste et une protection efficace contre tout contact avec le sang.

→ Une réelle sécurité face aux risques d’AES.

En améliorant l’hygiène au niveau du point de ponction, en facilitant les branchements et les injections et en permettant d’améliorer l’hygiène au niveau de la ligne de perfusion.

→ Utilisation facile de ce dispositif.

La suppression de la perfusion garde veine et la réduction du nombre de manipulation contribue à :

→ l’amélioration continue de la qualité des soins et à lutter contre les infections nosocomiales.

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