Douleur : de la prise en charge à la recherche - Objectif Soins & Management n° 206 du 01/05/2012 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 206 du 01/05/2012

 

Recherche et formation

Nathalie Fournival  

PRATIQUE PROFESSIONNELLE → Depuis quelques années, la recherche en soins se développe considérablement, permettant la constitution progressive d’un corpus de connaissances et l’élaboration de références de bonnes pratiques. Elle s’impose aujourd’hui comme une pratique d’amélioration de la qualité des soins basée sur des preuves scientifiques pour développer des compétences et des pratiques professionnelles en constante évolution.

La recherche en soins permet de susciter un questionnement et d’impliquer les infirmiers dans l’analyse, l’élaboration et la mise en place de méthodes et d’outils afin de développer un savoir scientifique, étape du processus de professionnalisation.

Depuis de nombreuses années, les équipes œuvrant dans le champ de la prise en charge de la douleur s’intéressent à la question de la recherche, qu’elle soit clinique ou fondamentale.

Depuis 2006, plusieurs d’entre elles ont été récompensées pour leurs travaux dans le cadre d’un prix recherche ou d’un soutien des pouvoirs publics.

En 2006, la Société française d’étude et traitement de la douleur (SFETD) en partenariat avec la Fondation CNP-Assurances, diffuse un appel à projet. La Commission “douleur et soins infirmiers”, sous la responsabilité de Jocelyne Le Gall, initie alors une réflexion sur la recherche en soins infirmiers et organise son forum infirmier autour de cette thématique.

Le prix alloué, au titre de l’appel à ­projets, a pour objectif de soutenir la mise en place d’une recherche en soins infirmiers concernant :

→ l’évaluation de la douleur,

→ la prise en charge des soins dans une pratique infirmière,

→ l’évaluation de l’impact d’une technique, comme les techniques non médicamenteuses (hypnose, TENS(1), etc.),

→ l’évaluation de l’efficacité d’une pratique de soins infirmiers spécifiques,

→ les soins relationnels et les données psychologiques en lien avec les soins infirmiers.

Elle s’adresse aux équipes infirmières, et en particulier aux infirmières ressources douleur(2).

Depuis 2007, la Commission professionnelle infirmière de la SFETD, sous la responsabilité de Jean-Michel Gautier, poursuit la promotion de la recherche en soins et incite les équipes infirmières à s’inscrire dans des projets de recherche.

Ainsi, l’étude sur la “Prévalence de la douleur induite et amélioration du traitement grâce à l’emploi du système Pain Matcher(3)”, obtient le prix de la recherche infirmière de la SFETD/ Fondation CNP lors du 7e Congrès de la SFETD à Paris en 2007(4). En 2008, aucune recherche en soins n’a pu être retenue, car les projets ne répondaient pas à la méthodologie exigée.

En 2009, le projet “Mesure des effets bénéfiques du Toucher-massage sur la douleur des personnes âgées hospitalisées en unités de soins de suite” obtient la bourse SFETD/ Fondation CNP.

Cette même année, une bourse d’étude a été allouée par la SFETD pour le projet intitulé “L’évaluation de l’efficacité du toucher comme moyen de prévention de la douleur provoquée par l’ablation du drain de redon après intervention pour prothèse totale de hanche”?(5).

En 2010, une équipe infirmière de Lille devient lauréate pour l’étude sur “Information et hypnose pour les douleurs de poussées sur sonde vésicale”(6).

Par ailleurs, en 2009, le ministère chargé de la Santé lance un Programme hospitalier de recherche infirmière (PHRI), pluriannuel (trois ans), destiné à promouvoir la recherche en soins infirmiers dans les établissements de santé, qui a évolué en 2010 en Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP). Le PHRIP se décline en deux collèges : le programme hospitalier de recherche infirmière et le programme hospitalier de recherche autres professions paramédicales permettant aux auxiliaires médicaux listés dans le Code de Santé publique du 29 juillet 2004(7), tels que les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicures-podologues d’y participer.

Sur seize PHRI financés en 2009, trois concernent la prise en charge de la douleur, dont deux sur les moyens non pharmacologiques, et un sur l’éducation thérapeutique :

→ “Impact de l’hypnose sur le soulagement de la douleur induite par les pansements en gynécologie ambulatoire”, CHU d’Angers (49) ;

→ « Douleurs et musicothérapie lors de la réfection de pansements chez les patients artéritiques de stade 4”, CHU de Limoges (87) ;

→ “Étude prospective, randomisée sur l’impact de mise en place d’un programme d’éducation thérapeutique par neurostimulation chez les patients lombalgiques”, Hôpital Foch, Suresnes (92).

Les résultats publiés par la DGOS(8) le 1er juin 2011 ont permis de retenir vingt et un programmes de recherche, dont dix PHRI et onze PHRIP. Sur les dix programmes de recherche infirmière, trois concernent la prise en charge de la douleur :

→ “Le vécu douloureux de l’enfant de moins de trois ans lors du retrait de la poche collectrice d’urines aux urgences”, CHU de Limoges (87) ;

→ “Efficacité du toucher relationnel dans la prise en charge des patients douloureux chroniques en hôpital gériatrique”, hôpital René-Muret, AP-HP (93) ;

→ “Mesure des effets d’un programme d’ETP(9) curatif versus prise en charge standard de la douleur du patient recevant un traitement morphinique dans un service d’oncologie médicale”, AP-HM, CHU de la Timone (13).

Sur les onze programmes de recherche des autres professions paramédicales, un est primé pour un projet de prévention de la douleur :

→ “Essai clinique randomisé évaluant un programme interdisciplinaire de prévention de l’épaule hémiplégique douloureuse en phase précoce post-accident vasculaire cérébral dans une unité neurovasculaire : 4P-ED”, CHU de Bordeaux (33).

Par ailleurs, la SFETD, dans le cadre de sa mission de formation, a proposé pour ses 3es universités infirmières, en mai 2011, un programme sur la thématique de la recherche en soins. La Commission professionnelle infirmière, en charge de l’organisation de ces universités, en a fait un axe prioritaire de travail . 41 IRD et des infirmiers en cours de formation à un diplôme universitaire de prise en charge de la douleur ont pu ainsi s’initier à la recherche en soins infirmiers, échanger entre professionnels sur la thématique et être sensibilisés aux enjeux de la recherche dans le champ de la pratique infirmière.

Afin d’aider les personnels non médicaux à s’inscrire dans une démarche de recherche en soins dans le champ de la douleur, Arsodol(10), créée en 2009 à l’initiative de quelques membres de la Commission professionnelle infirmière, propose une aide et un accompagnement dans le travail de recherche.

À l’heure où la formation initiale du métier d’infirmier(ère) évolue dans un cursus licence-master-doctorat (LMD) depuis la mise en place du nouveau programme de formation en soins infirmiers en septembre 2009, où une filière en sciences infirmière se développe pour obtenir un master en sciences cliniques infirmières(11), le groupe professionnel des infirmiers ressources douleurs s’inscrit dans une promotion de la recherche en soins pour apporter une réponse de qualité aux besoins de santé de la population. Les différents partenaires publics et privés apportent un soutien aux équipes infirmières porteuses des projets pour conduire leurs travaux. Beaucoup de propositions pertinentes existent, mais les infirmiers(ères) se heurtent encore à de nombreuses difficultés, telles que le manque de temps dédié à la recherche et une insuffisance de perspectives. Le processus de la recherche en soins infirmiers est enclenché dans une voie de professionnalisation et va s’amplifier pour faciliter à la fois le développement et le transfert de compétences.

NOTES

(1) TENS : Neurostimulation transcutanée.

(2) La dénomination infirmière ressource douleur ou IRD est proposée lors du forum infirmier du 5e Congrès de la SFETD à Paris en 2005. L’IRD occupe une fonction transversale. Il s’agit de la différencier de l’infirmière référente qui assure une mission « douleur » dédiée dans son service.

(3) Manuela Ortiz, infirmière ressource douleur de l’unité de prise en charge de la douleur et des soins palliatifs de l’adulte et de l’enfant du CHU Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre (94).

(4) Les résultats ont été présentés au 9e Congrès de la SFETD à Paris en 2009.

(5) Aurélien Guion, infirmier à l’hôpital Paris Saint-Joseph, Paris XIVe (75).

(6) Hélène Anderson, infirmière ressource douleur de l’hôpital privé de la Louvrière, Lille (59).

(7) Professions de santé, livre III : titres I, II, III, IV, V, VI et VII du Code de la Santé publique.

(8) DGOS : Direction générale de l’offre des soins.

(9) ETP : Éducation thérapeutique du patient.

(10) Association pour la recherche en soins dans le domaine de la douleur et de la bientraitance.

(11) Master en sciences cliniques infirmières créé en 2009, à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) en lien avec l’université. Le master 1 permet aux infirmiers qui le suivent de s’orienter vers trois spécificités en pratiques avancées : cancérologie, gérontologie, coordination de parcours complexes de soins.

BIBLIOGRAPHIE

    LIENS WEB

    → Sur le site de la CNP : http://petitlien.fr/5wgc

    → Sur le site de la Fondation de France : http://petitlien.fr/5wgd

    → Sur le site de la Fondation des hôpitaux de Paris – hôpitaux de Franc : www.fondationhopitaux.fr/la-fondation/missions

    → Sur le site de la Fondation Apicil : www.fondation-apicil.org/soumettre-un-projet/-appel-a-projets/

    → Sur le site de l’Institut Upsa : www.institut-upsa-douleur.org/fr-FR/id-107/Notre_aide_a_la_recherche.igwsh

    → Sur le site du gouvernement : www.sante.gouv.fr/ programme-hospitalier-de-recherche-infirmiere-et-paramedicale-phrip.html

    SITES INTERNET

    → Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD), www.sfetd-douleur.org

    → Association de recherche en soins infirmiers, www.arsi.fr