Le Fir : un nouvel outil pour une politique régionale de santé décloisonnée ? - Objectif Soins & Management n° 205 du 01/04/2012 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 205 du 01/04/2012

 

Économie de la santé

Didier Jaffre  

MODALITÉS L’article 65 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 a créé le fonds d’intervention régional (Fir) des agences régionales de santé (ARS). Le décret publié le 27 février en précise les contours et les modalités. Ce nouveau fonds vise à renforcer la capacité d’action transversale des ARS et la fongibilité des crédits.

Le Fir regroupe ainsi au sein d’une même enveloppe globale les ex-crédits des fonds consacrés à la permanence des soins ambulatoires ; les missions d’intérêt général (Mig) consacrées à la permanence des soins en établissement de santé, aux centres périnataux de proximité, aux centres de dépistage anonymes et gratuits, à l’éducation thérapeutique ; du fonds d’intervention pour qualité et la coordination des soins de ville (Fiqcs) ; du fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP) ; des fonds État et Assurance maladie relatifs à la prévention et à l’éducation à la santé. Ainsi le Fir reprend en son sein le financement de toutes les actions relatives à la permanence des soins, la performance et la qualité des soins, la prévention-santé publique. Mais ce Fir constitue-t-il réellement une marge de manœuvre régionale à disposition des ARS pour mettre en œuvre leurs orientations et leurs objectifs contenus dans les projets régionaux de santé (PRS) récemment adoptés ?

MISSIONS FINANCÉES PAR LE FIR

La permanence des soins

Le Fir finance notamment :

→ les rémunérations forfaitaires versées aux médecins qui participent à la permanence des soins ambulatoires (PDSA);

→ les actions ou structures qui concourent à l’amélioration de la PDSA, notam­ment les maisons médicales de garde ;

→ la permanence en établissement de santé (PDSES).

L’amélioration de la qualité et de la coordination des soins

Le Fir finance l’amélioration de la qualité et de la coordination des soins et de la répartition géographique des professionnels de santé, des maisons de santé, des pôles de santé et des centres de santé, notamment :

→ le développement de nouveaux modes d’exercice dont l’objectif est d’expérimenter de nouvelles pratiques, organisations ou coopérations entre professionnels de santé, notamment les réseaux de télésanté et la télémédecine ;

→ la promotion de dispositifs innovants visant à améliorer la qualité des pratiques et la qualité des soins aux patients ;

→ les réseaux de santé ;

→ les actions favorisant un exercice pluridisciplinaire et regroupé des professionnels de santé, et notamment les maisons de santé professionnelles, les pôles de santé ainsi que les centres de santé ;

→ les centres périnataux de proximité ;

La modernisation, adaptation et restructuration de l’offre de soins

Le Fir finance la modernisation, adaptation et restructuration de l’offre de soins ainsi que des prestations de conseil, de pilotage et d’accompagnement des démarches visant à améliorer la performance hospitalière, engagés par des établissements ou par les ARS pour les établissements de leur région.

L’amélioration des conditions de travail des personnels

Le Fir finance l’amélioration des conditions de travail des personnels des établissements de santé et d’accompagnement social de la modernisation des établissements de santé, notamment :

→ contrats locaux d’amélioration des conditions de travail ;

→ actions de gestion prévisionnelle des métiers, emplois et compétences et actions de formation dans le cadre de la promotion professionnelle ;

→ aides individuelles, prestations et compléments de rémunération destinés à favoriser la mobilité et l’adaptation des personnels des établissements engagés dans des opérations de modernisation et de restructuration.

Prévention, promotion, éducation et sécurité

Le Fir finance la prévention des maladies, promotion de la santé, éducation à la santé et de sécurité sanitaire, notamment :

→ actions de pilotage régional et de soutien dans le domaine de la prévention et de l’observation en santé et de l’évaluation des programmes de santé et de diffusion des bonnes pratiques ;

→ actions en matière d’éducation thérapeutique et de prévention des maladies, des comportements à risque ainsi que des risques environnementaux ;

→ actions destinées à assurer le dépistage et le diagnostic de maladies transmissibles ;

→ actions mises en œuvre dans le cadre de la gestion des situations sanitaires exceptionnelles.

La mutualisation au niveau régional des moyens des structures sanitaires

Le Fir finance la mutualisation au niveau régional des moyens des structures sanitaires, en particulier en matière de systèmes d’information en santé et d’ingénierie de projets, notamment les actions permettant la mutualisation des moyens de plusieurs ou de la totalité des professionnels et structures sanitaires de la région, comme en matière de systèmes d’information, de groupement d’achats, d’accompagnement de la modernisation et des restructurations ou d’ingénierie de projet.

Prévention des handicaps et de la perte d’autonomie

Le Fir finance la prévention des handicaps et de la perte d’autonomie ainsi que de prise en charge et d’accompagnement des personnes handicapées ou âgées dépendantes (à l’exclusion de celles dont le financement incombe aux départements).

LES MODALITÉS DE RÉPARTITION DU FIR

Si la répartition des crédits du Fir est laissée à la libre appréciation des ARS, il n’en reste pas moins que celles-ci doivent respecter un certain nombre de modalités et assurer le financement de mesures nationales et régionales qui s’imposent à elles.

→ Ainsi, concernant la permanence des soins, le Fir doit permettre de financer les dispositions du cahier des charges régional de la PDSA (financement des lignes d’astreinte pour la régulation libérale et la permanence médicale), le schéma cible d’organisation territoriale de la PDSES arrêté dans le schéma régional d’organisation des soins.

→ Concernant la modernisation, l’adaptation et la restructuration de l’offre de soins, les ARS doivent financer par l’intermédiaire du Fir certaines mesures issues des plans nationaux de santé publique (Alzheimer, maladies rares, télémédecine, par exemple): le développement, dans les établissements de santé, des outils de gestion informatisée pour les risques associés aux soins, ou l’extension de systèmes informatisés de collecte et de traitement d’informations.

→ Concernant l’amélioration des conditions de travail des personnels des établissements de santé et l’accompagnement social de la modernisation des établissements de santé, les ARS doivent financer, via le Fir, un certain nombre d’orientations négociées avec les organisations représentatives des personnels au niveau national, comme par exemple les contrats locaux d’amélioration des conditions de travail (CLACT).

→ Les crédits relatifs à la prévention et à l’éducation à la santé inscrits au sein du Fir font l’objet d’une fongibilité asymétrique, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible de les affecter des actions autres à l’intérieur du Fir.

Ainsi les ARS ne sont-elles pas totalement libres pour répartir les moyens du Fir, dans la mesure où ce fonds est destiné pour partie à financer des mesures décidées au niveau national.

LA CONSTITUTION DU FIR

Le Fir est constitué par une dotation des régimes obligatoires de base de l’Assurance maladie, une dotation de l’État, le cas échéant, une dotation de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et toute autre dotation ou subvention prévue par des dispositions législatives ou réglementaires. De manière transitoire pour 2012, le fonds est également abondé par une dotation du Fiqcs et une dotation du FMESPP.

Le directeur général de l’ARS est le seul responsable de la gestion des crédits du Fir. Il établit chaque année un état prévisionnel des recettes et des dépenses du fonds dans la région, qu’il transmet pour information au conseil national de pilotage des ARS.

Peuvent être bénéficiaires du Fir les établissements de santé publics et privés, les établissements et services sociaux et médico-sociaux, les réseaux de santé, les maisons de santé, les centres de santé, les pôles de santé, les personnels de ces organismes, les professionnels de santé, des associations œuvrant dans le secteur ainsi que des personnes publiques, notamment des collectivités territoriales ou des établissements publics de coopération intercommunale.

Un dispositif de suivi infra-annuel comptable et budgétaire, et un reporting mensuel sont mis en place.

LE FIR, OUTIL DE MISE EN ŒUVRE DU PRS ?

Depuis leur mise en place en 2010, les ARS ont fait part de la nécessité de disposer au niveau régional d’une marge de manœuvre financière pour mettre en œuvre des actions transversales, dans le cadre du décloisonnement des secteurs prévention, soins et médico-sociaux, afin de se placer dans une logique de parcours de santé des populations.

Le Fir est censé répondre à cette attente, afin que les ARS puissent mettre en place les objectifs de leur PRS. Or force est de constater que, pour l’instant, cet objectif est à moitié atteint. D’une part, le Fir est encore circonscrit à certaines missions, et ne comprend pas toutes les actions prévues dans les PRS. Par ailleurs, les moyens sont limités puisqu’ils proviennent des ex-enveloppes gérées par les ARS. L’année 2012 constitue de plus une année de transition, car les ARS vont devoir poursuivre et honorer leurs engagements antérieurs. Par ailleurs, le Fir est également un moyen de financer des actions décidées au niveau national auxquelles les ARS ne peuvent se soustraire, notamment quand il s’agit de plans nationaux de santé publique fortement portés par les pouvoirs publics.

Toutefois, il s’agit d’une avancée indubitable dont les ARS vont devoir s’emparer rapidement pour en montrer toute la nécessité et l’importance. C’est sur la base de cette réussite que les missions du Fir de demain pourront être étendues. À condition toutefois que les modalités de gestion du fonds n’en fassent pas un outil “bureaucratique”, mais au contraire un véritable outil stratégique au service d’une politique régionale de santé décloisonnée.