AES : prévention et sécurité renforcées | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 204 du 01/03/2012

 

Qualité, hygiène et gestion des risques

Anne-Lise Favier  

PRÉVENTION → La surveillance des accidents exposant au sang (AES) est devenue depuis 1998 un impératif dans tous les établissements de santé. La réglementation actuellement en vigueur va se durcir avec la transposition d’une directive européenne de 2010 à mettre en place avant le 13 mai 2013. Focus.

Depuis la circulaire n° 249 du 20 avril 1998, la surveillance des AES est scrutée et interprétée par le Comité de lutte contre les infections nosocomiales afin d’identifier les circonstances de survenue des AES. Cette surveillance permet également de déterminer les actions à mettre en place tant au niveau de l’information, de la formation, de l’organisation du travail que du point de vue de l’élaboration de protocoles de soins, incluant la sécurité du personnel ou le choix de matériel. Chaque année, le recueil de données épidémiologiques permet de dresser un panorama des AES dans les établissements de santé afin de mieux connaître leur survenue et donc de les prévenir.

DONNÉES LES PLUS RÉCENTES

Publiée en 2011 par l’Institut national de veille sanitaire, la dernière étude* fait état de 16 282 AES pour l’année 2008 sur un ensemble de plus de 220 000 lits étudiés, la moitié de ces AES se concentrant principalement dans les établissements publics, essentiellement des CH et CHG, avec une incidence globale de 7,4 cas d’AES pour 100 lits d’hospitalisation, tout type d’établissements confondus.

Si la médecine déclare le plus grand nombre d’AES (avec 32,8 % des déclarations), le bloc, la chirurgie, les urgences et la réanimation cumulent plus de 40 % de cas si l’on réunit ces différents services. Ceci permet de dresser une cartographie plus précise des services où les AES sont les plus fréquents et donc les endroits où la prévention et l’information doivent être plus que jamais de mise. Autre information à tirer de cette étude : dans les deux tiers des cas quasiment (60 %), c’est le personnel paramédical (une majorité d’infirmières) qui est concerné par ces accidents, contre 16,5 % du personnel médical et 10,5 % d’élèves, à modérer si on ramène à l’incidence des cas, puisque là ce sont 7,2 % des équivalents temps plein des chirurgiens qui sont touchés contre 6,5 % d’infirmières. Des chiffres à corréler avec les services les plus concernés par ces accidents. Par ailleurs, c’est le plus souvent dans les deux premières années de prise de fonction dans le service que ces AES arrivent. Les piqûres sont, sans surprise, les AES les plus fréquents (70 % des cas), viennent ensuite les projections (16,7 % des cas) dans une moindre mesure puis les coupures (10,3 % des cas) et dans la majorité des cas, la personne impactée est la seule responsable de cet accident. Cette étude montre néanmoins que près de la moitié des AES percutanés sont en lien avec la manipulation d’une aiguille et que, dans la majorité des cas, ils auraient pu être évités par la seule observance des précautions standard.

DEUX PRÉCAUTIONS VALENT MIEUX QU’UNE

D’ailleurs, concernant ces précautions standard, l’étude montre qu’il y a encore matière à travailler. Le port de gants n’a pas toujours été respecté lors de la survenue des AES puisque, dans un tiers des cas, le personnel blessé lors d’un AES ne portait pas de gant. Même chose pour l’usage de collecteurs qui étaient absents dans près de 30 % des AES dus à une piqûre ! Pire, dans les accidents liés aux projections, dans 50 % des cas, le personnel touché par un AES ne portait pas de masque ou de lunettes de protection ! Même constat d’amélioration à apporter du côté de la conduite à tenir en cas d’accident, même si, globalement, les réflexes sont bien adoptés par le personnel hospitalier : seuls 4,5 % des AES n’avaient pas été suivis d’un lavage et 5,1 % de désinfection. Actuellement, c’est la circulaire DGS/DH n° 98 du 20 avril 1998 qui édicte les mesures préventives à mettre en place pour prévenir les AES. Elle repose notamment sur la vaccination du personnel soignant, le respect des précautions d’hygiène, l’utilisation d’un matériel adapté, la prévention de l’exposition au bloc opératoire, la mise en place d’un dispositif de prise en charge des AES, ainsi que sur l’information et la formation du personnel et, enfin, l’évaluation des actions entreprises. Prévention qui montre, étude à l’appui, qu’elle coûte moins à la communauté qu’une prise en charge post-accident lorsque celui-ci survient (d’après une étude menée au CHU de Poitiers en 2002), sans compter les bénéfices sur la sécurité du personnel, tant au niveau de l’intégrité physique que psychologique.

DIRECTIVE EUROPÉENNE

À partir de mai 2013, tous les établissements de santé seront tenus d’appliquer la directive européenne 2010/32/UE du 10 mai 2010 qui stipule, entre autres, qu’un maximum de sécurité doit être engagé par les établissements pour protéger leurs employés, que certains critères de prévention doivent être standardisés et qu’une politique d’évaluation et de prévention des risques, de formation, d’information, de sensibilisation et de contrôle doit être mise en place.

Si la plupart de ces clauses ont déjà cours dans de nombreux établissements de santé, cette directive enfonce le clou de la prévention : seuls les dispositifs sécurisés et sûrs doivent être utilisés (notamment ceux avec mise en sécurité intégrée dans le dispositif). Et si toutefois les résultats de l’évaluation des risques montrent un risque de blessure par objet tranchant, l’exposition du personnel doit être prévenue, notamment par la définition et la mise en œuvre de procédures d’utilisation et de mise au rebut des instruments médicaux tranchants, par la suppression de l’usage inutile d’objets tranchants, par l’adoption de changements dans les pratiques, par la mise à disposition d’appareils médicaux dotés de mécanismes de protection intégrés et enfin par l’interdiction de la pratique du recapuchonnage (lire également l’encadré sur les dispositifs sécurisés). La prévention a de beaux jours devant elle !

NOTES

,* L’étude complète est à lire sur www.invs.sante.fr/-publications/2011/aes_2008/aes_2008.pdf. Les chiffres 2009 devraient être connus prochainement.

Qu’est ce qu’un dispositif sécurisé ?

C’est un dispositif dont la mise en sécurité fait partie intégrante du tout (la sécurité n’est donc pas ajoutée a posteriori), son utilisation fait que les mains de l’utilisateur sont toujours derrière l’aiguille ou la lame, la technique pour l’utiliser est la même que celle utilisée pour le dispositif en mode conventionnel non sécurisé, sa qualité, son efficacité et son action en thérapie ou diagnostic ne sont pas modifiées par sa sécurisation et, enfin, son utilisation n’induit pas d’autres risques pour la santé ou la sécurité : un dispositif sécurisé doit, par exemple, être utilisé facilement par une personne portant des gants. À noter que l’activation de la sécurité peut être automatique ou manuelle, mais facile et intuitive, et surtout irréversible. Une fois la sécurité engagée, un indicateur doit permettre de visualiser la mise en sécurité. Au rebut les systèmes D !

Le cas du statut sérologique du patient

L’enquête du Raisin montre que, parmi les patients sources des AES pour lesquels le statut sérologique est connu (12 731 des cas), 4,6 % d’entre eux sont VIH positifs et 1,6 % VHC positifs. Parmi les patients séropositifs pour le VIH, 33,6 % connaissent leur séropositivité tandis que 24 % l’ont découvert au décours de l’AES.

Pour 42 % d’entre eux, la donnée reste inconnue. La proportion est un peu plus élevée (44,1 %) pour les patients séropositifs au VHC qui connaissaient leur état avant l’AES.

Ces résultats posent la question de la connaissance du statut sérologique du patient. Dans les faits, en cas d’AES et d’après la circulaire DGS/DHOS/ DRT/DSS n° 2003/165 du 2 avril 2003, il faut recourir aux tests de diagnostic rapide donnant la sérologie en moins d’une heure ou à des tests classiques avec réponse dans les deux à trois heures. Ces résultats doivent être contrôlés par un test de dépistage des anticorps anti-VIH. Dans le cas des patients souffrant d’un handicap lourd ne leur permettant pas de donner leur aval à un test dans le cadre d’un consentement éclairé (cas de patients dans des établissements de santé mentale, par exemple), le Conseil national du sida a précisé certaines règles relatives au dépistage dans des situations exceptionnelles, en cherchant à concilier le droit des patients à consentir à un dépistage et le bénéfice des personnels exposés. Vous pouvez retrouver ce texte en ligne sur le site Internet du Conseil national du Sida (www.cns.sante.fr).

En savoir plus

Le site du Groupe d’études sur l’exposition des soignants (Geres) : www.geres.org/

Le site du Raisin : www.invs.sante.fr/-surveillance/raisin/