La recherche documentaire sur Internet | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 198 du 01/08/2011

 

Recherche et formation

Mathieu Hautemulle  

MÉTHODOLOGIE → L’usage d’Internet à des fins documentaires se développe, notamment chez les élèves en soins infirmiers ou chez les chercheurs en sciences infirmières. L’outil n’est pas dénué d’écueils. Comment les éviter en gagnant du temps et en s’assurant du sérieux des sites consultés ?

Difficile, désormais, d’imaginer une recherche documentaire sans recourir à Internet. Les élèves d’instituts de formation aux soins infirmiers (Ifsi) ou d’Instituts de formation des cadres de santé (IFCS) peuvent s’en servir pour leurs travaux écrits(1), les formateurs pour leurs enseignements et les professionnelles de santé, si leur pratique leur en laisse le temps, pour enrichir leurs connaissances. Notamment « dans des services où les infirmières sont à la limite entre les soins et la recherche », note Françoise Reboul-Salze, documentaliste et formatrice(2), citant le cas des professionnelles au contact d’enfants malades de cancers. Catherine Brossaud, elle, s’est aidée d’Internet quand elle était cadre de santé, sur le terrain, « pour théoriser, prendre du recul sur une pratique, le management… Ce qui est intéressant, c’est d’avoir accès aux commentaires des autres internautes, par exemple sur un texte de loi ». Aujourd’hui formatrice à l’IFCS de Lille, elle use d’Internet – entre autres – pour vérifier la source de citations. L’outil facilite donc « l’honnêteté intellectuelle ».

Cette vision “positive” contrebalance donc les dénonciations récurrentes d’Internet, qui faciliterait par exemple le copier-coller et le plagiat. Ou qui constituerait un océan d’informations dans lequel ses utilisateurs peuvent se perdre, voire se fourvoyer. Mais ce second constat n’est pas totalement faux. Pour maîtriser Internet, il faut se faire un peu documentaliste et enquêteur. Au fur et à mesure de leurs pérégrinations virtuelles ou de leurs formations, les professionnels de santé découvrent les adresses en adéquation avec leurs centres d’intérêt et leurs pratiques. Et, grâce au Net, ils les partagent rapidement. Ils peuvent aussi les signaler à leurs patients, ou, en explorant le Web, savoir ce que ces derniers eux-mêmes ont appris… Voici cinq conseils méthodologiques pour optimiser sa recherche.

CINQ CONSEILS POUR CHERCHER

Définir ce que l’on cherche

Préciser sa problématique, le but de la recherche, son thème et les meilleurs interlocuteurs constitue un préalable nécessaire. Ces quelques minutes font gagner du temps par la suite. « Le résultat devra répondre à la question posée au départ », explique Dominique Genuer, documentaliste et formatrice(3).

Déterminer les mots-clés

Sur un moteur de recherche comme Google ou Yahoo !, l’internaute doit varier les mots-clés. Plus ou moins précis, au singulier et au pluriel, au féminin et au masculin… La Haute Autorité de santé (HAS) recommande(4) également de chercher des termes dérivés ou reliés par le sens, par exemple “maladies du foie” et “maladies hépatiques” ; des synonymes ; des sigles, tel SLA pour sclérose latérale amyotrophique ; des termes en anglais(5).

Dans une recherche sur le Net, on peut imposer la recherche d’un terme exact en le faisant précéder du signe +, son exclusion des résultats à l’aide du signe - ou du mot SAUF. Pour obtenir les pages contenant un mot-clé, ou un autre, ou bien les deux, il faut inscrire le mot ou entre eux(6). Une expression – ou un titre – placée entre guillemets est recherchée intégralement. Il est possible, par ailleurs, de chercher un terme sur un site en le faisant suivre d’un espace et de la formulation site : www.espaceinfirmier.com (par exemple). Sur Google, cette fonction est également accessible dans la recherche avancée.

S’assurer de la fiabilité d’un site

L’esprit critique est de rigueur. Il s’agit, sans sombrer dans la paranoïa, de rester sur ses gardes. Et de ne pas citer un site dans lequel on n’a pas totalement confiance.

Pour savoir où l’on se trouve, il faut d’abord vérifier l’URL, c’est-à-dire l’adresse du site, dans la barre de navigation. L’idéal est toujours de remonter à la source du document. Qui est l’auteur de la page ? Est-il identifiable facilement ? Est-il compétent ou reconnu ? Parle-t-il au grand public et/ou aux experts ? Un soignant ne peut pas, a priori, se contenter de Doctissimo ou de Wikipedia… Dans quel but l’auteur du site s’exprime-t-il ? Est-ce, ainsi, un laboratoire pharmaceutique, un lobby, une association militante ? « Parfois, il s’agit de publicité déguisée », relève Françoise Reboul-Salze. Par ailleurs, l’information est-elle assez récente ? La présence d’un comité éditorial peut être un signe encourageant. Mais il convient de faire attention : un rapport “officiel” peut être suspecté d’être erroné, voire orienté, tandis qu’un site non officiel peut présenter une information de qualité… De même, ce n’est pas parce qu’un site renvoie vers des liens sérieux que lui-même l’est.

Pour résumer, les chercheurs experts recommandent de se poser cinq questions : qui, quand, où, pourquoi, comment. D’autant plus utile qu’on ne peut pas forcément se fier aux sites “labellisés”. La loi du 13 août 2004 relative à l’Assurance maladie avait en effet confié à la HAS la mission de certifier les sites de santé en France. La Haute Autorité s’est associée avec la fondation Health on the Net (HON), qui recourt à huit critères, dont la transparence du financement ou la séparation des politiques publicitaire et éditoriale. Les sites certifiés figurent sur www.hon.ch. Mais ce label concerne la transparence plus que la qualité. Sur son site, la HAS juge elle-même impossible d’évaluer le contenu de tous les sites. Certains d’entre eux, comme atoute.org, arborent même le label HONcode… barré. À ce label, on ajoutera – entre autres – les réflexions des médecins maîtres-toile (mmt-fr.org) ou le “netscoring” (sur www.chu-rouen.fr/netscoring). Une autre solution est de demander à ses collègues, dans la vie réelle, ce qu’ils pensent du site…

Recouper l’information

Pour vérifier le sérieux d’un site, il est recommandé, surtout dans le domaine sensible de la santé, de comparer son contenu à celui d’un autre site, de croiser ses informations, de les trier, de les hiérarchiser. De filer de lien en lien, comme de liane en liane… Se fier à une seule source (sauf si elle s’avère fiable !) est risqué.

Une autre solution est de s’appuyer sur des documents de diverses natures : rapports, comptes rendus, thèses, articles de presse, lois, recommandations d’un groupe de travail… Recouper s’impose particulièrement pour certains sites. « Souvent, l’industrie pharmaceutique fait un site par maladie. Ce n’est pas toujours mal fait, mais il faut croiser l’information : on ne sait pas d’office si elle est excellente », indique Françoise Reboul-Salze.

Assurer une veille

Pour gagner du temps et faciliter le suivi, il est possible d’intégrer les “bons” sites dans ses favoris ou de s’inscrire à des lettres d’information ou des bulletins. À l’image de la newsletter (gratuite) de notre site www.espaceinfirmier.com. Sur Google notamment, il est possible d’être alerté, par e-mail, quand des mots-clés de notre choix sont publiés sur la Toile.

CINQ LIEUX POUR TROUVER

Le constat est partagé : les infirmières ne disposent pas encore de nombreux sites dédiés à leur pratique. Moins, en particulier, que les médecins, dont des facultés « mettent largement les cours en ligne », note Gaëtan Kerdelhue, l’un des trois documentalistes du Cismef, un site réputé (lire plus bas). La faute, sans doute, à un manque de temps et d’une culture de la recherche et de l’écrit.

Cela pourrait changer avec la croissance de la recherche infirmière et l’entrée dans le LMD. Aux élèves est demandée « une rigueur de plus en plus universitaire », se félicite Christian Carbonaro, cadre formateur à l’Ifsi La Blancarde. « Il existe de plus en plus d’outils, de mémoires, de cours en ligne », ajoute Corinne Girot, documentaliste dans cet Ifsi. « Parmi les thèmes de recherche de plus en plus développés, l’éducation du patient », note-t-elle par ailleurs. Mais l’essor du recours à Internet, notamment par les nouvelles générations, s’avère à double tranchant. « Internet est le premier outil des étudiants quand ils font de la recherche. Les centres de documentation ou les bibliothèques universitaires n’arrivent qu’en deuxième intention et les livres sont souvent déconsidérés », regrette Christian Carbonaro. L’un ne devrait pas, pourtant, exclure l’autre : Internet peut être le moyen de découvrir l’existence d’un ouvrage ou d’un article, consultable ensuite en bibliothèque, après une localisation par exemple via le catalogue du Système universitaire de documentation (www.sudoc.abes.fr). Voici des pistes – non exhaustives – pour améliorer ses recherches sur le Net, mais attention : tout n’y est pas toujours gratuit…

Moteurs de recherche, répertoires, portails

Google est le moteur de recherche le plus utilisé. S’y ajoute, entre autres, Google Scholar, dédié aux travaux académiques. Mais il ne faut pas, bien sûr, se limiter à Google, ni à sa première page de résultats, qui n’affiche pas forcément les meilleures références. Et le site ne donne pas accès au Web “invisible” et pourtant public, comme des données consultables par le seul moteur de recherche interne d’un site. Aussi utilisables, les annuaires (ou répertoires) de sites, mais il en existe maintenant très peu, remarque Dominique Genuer. Comme l’écrivent cependant Véronique Mesguisch et Armelle Thomas (voir encadré ci-dessous), les répertoires spécialisés, ou “portails thématiques”, se sont « particulièrement développé[s] ces dernières années ». Et de citer l’important catalogue et index des sites médicaux de langue française, lancé par le CHU de Rouen (www.cismef.org).

Bibliothèques, institutions de formation, bases de données…

Des établissements, en particulier de formation, mettent en ligne cours, références ou liens.

Citons la longue liste Favorisites, initiée par des documentalistes d’Ifsi (groupedocidf.populus.org) ; la base de données en santé publique, gérée par l’École des hautes études en santé publique de Rennes, avec base documentaire, annuaire de sites, bibliographies, glossaire multilingue (bdsp.ehesp.fr) ; les ressources (dont Canal-U) indiquées sur le site de l’Université médicale virtuelle francophone (www.umvf.org) ; la documentation de certains hôpitaux, comme l’AP-HP. Mais aussi l’imposante base de données bibliographiques ­américaine Pubmed (www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed) ; le réseau documentaire en santé mentale www.ascodocpsy.org ; la base de données www.orpha.net consacrée aux maladies rares ; nosobase.chu-lyon.fr, site d’information des cinq Cclin sur le risque infectieux ; la banque de données www.theriaque.org sur les médicaments disponibles en France ; le “centre de ressources” www.infiressources.ca ; la Cité de la santé, qui répond en ligne à des demandes d’élèves infirmiers en quête de références, etc.

Institutions et agences “officielles”

Citons les sites Internet des agences sanitaires (Afssaps, Afssa, HAS, Inca, InVS, etc.) présentés sur www.sante.fr. Le site du ministère de la Santé peut aussi être consulté, de même que celui de l’Agence de la santé publique du Canada.

Par ailleurs, sur legifrance.gouv.fr, la réglementation est disponible ; des rapports et données sur ladocumentationfrancaise.fr ou www.service-public.fr ; les débats parlementaires sur le site de l’Assemblée nationale www.assemblee-nationale.fr.

Presse, sites d’information

La lecture de notre site Internet www.espaceinfirmier.com, ou encore celui de www.infirmiers.com, est riche d’enseignements…

Experts soignants et soignés

Des associations comme l’Arsi pour la recherche infirmière (www.asso-arsi.fr) ou cadredesante.com mettent des données en ligne. Il peut aussi être utile de consulter les points de vue de professionnels, individuels (sur des sites ou blogs) ou collectifs (les syndicats, notamment), non sans s’interroger préalablement : est-ce du fait ou du commentaire ? Dans quel cadre puis-je citer tel ou tel document ? Ne pas oublier non plus les associations de malades (comme www.associations.inserm.fr).

NOTES

(1) Dans le nouveau programme de formation, la recherche sur Internet est évoquée dès le premier semestre d’Ifsi, dans l’unité d’enseignement 6.1.

(2) Son site : infosciencesante.com.

(3) dominique.genuer.fr.

(4) La recherche d’information médicale sur Internet, mai 2007, sur www.has-sante.fr.

(5) Le site mesh.inserm.fr/mesh, notamment, permet d’obtenir une traduction de mots. Utile, car de nombreuses publications en santé se font en anglais. Françoise Reboul-Salze conseille ainsi aux associations de « prendre le temps de se faire un lexique de mots français-anglais qui les intéressent, avec des synonymes. On ne perd pas son temps ». Le même conseil peut être délivré aux IDE et aux cadres…

(6) OU, SAUF ainsi que ET (qui permet d’obtenir les seules pages contenant tous les mots recherchés) sont appelés “opérateurs booléens”.

En savoir plus

Comment mieux rechercher sur Internet ? En dénichant des éléments sur le sujet sur… Internet, par exemple sur www.educnet.education.fr. En consultant le dossier, enrichi de liens, sur “l’information biomédicale en français sur le Web” sur www.inserm.fr (rubriques “L’Inserm et vous”, “Associations de malades”, “Documentation” puis dans la partie “Séminaires”). En feuilletant Net recherche 2010. Le guide pratique pour mieux trouver l’information utile et surveiller le Web, de Véronique Mesguisch et Armelle Thomas (ADBS éditions, 2010). Ou encore en lisant La recherche documentaire, ça s’apprend, article dans Campus, supplément de L’Infirmière magazine pour les élèves infirmiers (mars 2011).