Pour une culture partagée du risque - Objectif Soins & Management n° 197 du 01/06/2011 | Espace Infirmier
 

Objectif Soins n° 197 du 01/06/2011

 

Actualités

Aurélie Vion  

GESTION DES RISQUES → Comment améliorer la gestion des événements indésirables et impliquer davantage les équipes soignantes à la sécurité des soins ? Aux 3es Rencontres des métiers de la santé organisées à Strasbourg*, une gestionnaire des risques luxembourgeoise a témoigné de l’expérience menée dans son établissement.

Avec 579 lits répartis sur quatre cliniques pour 2020 salariés, le centre hospitalier de Luxembourg est le plus gros établissement de santé du Grand Duché. Depuis 2003 est initiée une politique de management des risques basée sur le modèle EFQM (Fondation européenne pour la management de la qualité). Signalement des événements indésirables et indicateurs de sécurité (taux de complication, taux d’accidents d’exposition au sang…) sont mis en place dans les services. Mais un questionnaire destiné au personnel met rapidement en lumière certaines failles : le personnel ne se sent pas toujours impliqué par les décisions liées à la sécurité, il se plaint aussi que la direction ne favorise pas les conditions de travail et il aimerait être davantage informé du suivi des actions d’amélioration consécutives au signalement des événements indésirables…

Responsabilité partagée

Des critiques constructives car l’établissement revoit sa politique de gestion des risques et adopte un modèle décentralisé. « Notre objectif était de responsabiliser tout le monde à la sécurité des soins. Le rôle du manager est primordial car il influence énormément son équipe. Si un manager n’est pas préoccupé par la prévention des risques, son équipe ne le sera pas non plus », estime Delphine Morlot, gestionnaire des risques au Centre hospitalier de Luxembourg.

Identifier les événements indésirables, les signaler, estimer le niveau de gravité, rechercher et analyser les causes, définir et planifier des actions correctives, suivre leur réalisation et communiquer… Tel est le processus visé par l’établissement qui travaille avec la méthode Alarm. « En décentralisant la gestion des risques, la responsabilité est partagée et les rôles de chacun sont clairement définis », assure Delphine Morlot. Concrètement, ce sont les managers qui gèrent leurs risques dans leurs départements et services respectifs pour les événements indésirables de faible niveau de gravité. Ils doivent rendre compte à leur équipe du suivi des actions correctives mises en place. La cellule qualité est informée de chaque événement, mais si ce dernier n’est pas d’un niveau élevé, elle n’intervient pas. Son rôle se concentre sur l’accompagnement des équipes, sur la vision globale et la cartographie des risques.

Valoriser les bonnes pratiques

La démarche repose aussi sur un engagement fort de la direction : « Nous avons revu la politique de sanction. La direction prend en compte le facteur humain », souligne la gestionnaire des risques. « La révision de la politique des sanctions s’est accompagnée de son corollaire : la politique de reconnaissance et de valorisation avec le partage des bonnes pratiques », ajoute Delphine Morlot. Ainsi, à travers les analyses des événements indésirables, les chefs de service rapportent les bonnes pratiques à la cellule qualité qui essaie, lors de réunions mensuelles avec les différents managers, d’étudier comment elles peuvent être transposées dans d’autres services. « Ce n’est pas toujours facile car les pratiques sont souvent très spécifiques », admet la responsable de la cellule qualité.

Circuit du médicament

Tous les mois, la direction, les managers et la gestionnaire des risques réalisent des visites de terrain dans les services pour échanger de manière directe avec le personnel, écouter leurs suggestions et observer les pratiques. « Parfois, devant certaines règles institutionnelles qui s’avèrent inapplicables, nous travaillons avec les équipes sur leurs propres règles “métiers”. Ainsi, nous avons pu établir dix nouvelles règles autour du circuit du médicament qui sont aujourd’hui affichées dans les salles de soins des services, indique Delphine Morlot. Cela nous a demandé un an de travail mais, quand les équipes s’impliquent dans l’élaboration des règles de sécurité, elles ont forcément tendance à mieux les respecter ! »

* Rencontres qui ont eu lieu les 26 et 27 mai derniers, à l’initiative du docteur Stéphane Gayet, infectiologue-hygiéniste au CHRU de Strasbourg.